En Corée du Sud Brillante percée de la coalition progressiste

La coalition progressiste menée par les communistes progresse en Corée du Sud, avec 6% des voix et 13 sièges aux élections législatives

D es élections législatives importantes se déroulaient le 11 avril dernier dans une des économies capitalistes émergeantes, la Corée du sud, un pays largement dominé par une classe dirigeante entretenant des relations fusionnelles avec le grand capital coréen et l'impérialisme américain. Un groupe dirigeant réparti à l'amé- ricaine entre un pôle conservateur et un pôle libéral.

Régime présidentiel hérité de la dictature de Syngman Rhee, la Corée du sud est certes dominée par la figure de son président élu au suf frage uni- versel, tous les cinq ans.

Néanmoins, le président doit composer avec l'Assemblée élue, tous les quatre ans, selon un scru- tin mixte laissant une faible dose de proportionnelle (1/6 e des députés) tandis que le reste des députés est élu au scrutin majori- taire uninominal à un tour.

Si la bi-polarisation de la vie poli- tique sud-coréenne sort renforcée de ce type de scrutin, de fait, les deux forces dominantes se rejoignent sur un consensus en trois points, construit tout en opposition avec le nord socialiste : nationalisme mais sud- coréen, capitalisme libéral, alliance avec les États-Unis.

Les deux principales formations ne divergent que sur des ques- tions formelles, non-négligeables, principalement le rapport aux libertés civiles et l'inclusion ou non du Nord dans le nationalisme coréen.

A droite, le Parti Saenuri ou NFP mène le bloc conserva- teur. Héritier du parti de la dictature, il défend de façon inconditionnelle l'alliance avec les États-Unis et s'oppose à tout rapprochement avec le Nord. Il met en œuvre des politiques néo-libérales tout en adoptant des positions socialement conservatrices.

Il a maintenu sa première place lors du scrutin d'avril 2012, avec 45,7% et 157 sièges (sur 300), ce qui lui garantit une majorité absolue à la Chambre. Il recule de 7 points par rapport au dernier scrutin (52,87% en 2008) et perd 28 sièges.

Au centre-gauche, le Parti démo- cratique unifié DUP, mène le camp libéral. Partisan d'une politique sociale-libérale et de cogestion avec la centrale syndicale officielle FKTU, de l'alliance avec les États-Unis tout en tissant des ponts avec la Corée du nord. Il ne se distingue du bloc conservateur que par un attachement plus net à la démocratie libérale formelle.

Un troisième pôle émerge depuis 2000, celui du camp progressiste

Les élections de 2012 constituent un échec pour le camp libéral, incapable de renverser les conservateurs, avec seulement 37,2% et 127 sièges, soit tout de même 8 points de plus (29,34% en 2008) et 43 sièges de plus qu'en 2008.

Dans cette vie politique cadenas- sée par le consensus dominant, un troisième pôle émerge depuis 2000, celui du camp progressiste, animé par le Parti démocratique du travail (DUP) qui a pris la tête pour ces élections de la coalition du Parti progressiste unifié (PPU).

Les progressistes ont progressé par rapport à leurs résultats de 2008, obtenant 6% des voix et tout de même 13 sièges dans un scrutin pénalisant pourtant lourdement les tiers-partis.

Le Parti démocratique du tra- vail, et la coalition qu'il impulse depuis la fin de l'année 2011, possède trois caractéristiques principales :

- c'est une formation qui entretient un lien organique avec le syndicat de classe sudcoréen, la KCTU, un des deux grands syndicats coréens avec près de 700 000 adhérents et le fer de lance des luttes de la classe ouvrière depuis sa cons - titution dans les années 1990 ; - c'est une formation plurielle, regroupant en son sein l'en- semble des forces de la gau- che progressiste ne se reconnaissant pas dans le consensus dominant conservateur-libé- ral. Écologistes, sociaux-démo- crates, gauchistes, nationalistes-démocrates de gauche et naturellement communistes, tous font partie de la même organisation, et tous respectent plus ou moins le centralisme démocratique dans le parti ;

- c'est enfin une formation sous hégémonie communiste, bien qu'elle ne puisse l'affirmer publiquement. Il ne s'agit pas seulement de contenter les divers courants internes, il s'agit aussi de ne pas déroger à la Loi de sécurité nationale, une loi issue de la dictature qui interdit toute référence et toute adhésion publique au communisme. Ce qui explique le paradoxe d'une organisation dans laquelle la direction et la base du Parti sont majoritairement communistes, mais qui doit systématiquement adapter son langage pour res- ter dans la légalité, pousser son anti-impérialisme et son anti-capitalisme aussi loin que lui permet la loi d'un régime toujours héritier de la dictatu- re. Cela n'exclut pas l'existence de diverses sensibilités au sein de cette majorité communiste, par rapport à la Corée du Nord notamment. Néanmoins cette hégémonie communiste sur le Parti et la coalition formée depuis 2011 est toujours une réalité ;

Le rôle actif des communistes en Corée du Sud est méconnu. Il est pourtant capital dans l'animation d'un mouvement de luttes qui a su faire tomber une dictature et mène depuis une lutte féroce contre la domination du grand capital coréen et de l'impérialisme américain sur le sort de la Corée du Sud.

Leur progression électorale, reflet de leur enracinement dans la société et les luttes en Corée, est une nouvelle encourageante pour les communistes et progressistes du monde entier.