La Guadeloupe et le droit de grève

Il n’est nullement question de remettre en cause le droit de grève qui est d’ailleurs constitutionnel, et nous les communistes guadeloupéens serions, indiscutablement, en première ligne d’un Front pour sa défense, s’il s’avérait menacer.

Cependant, il faut reconnaître, que sur ce petit territoire de 1 600 km2, totalisant environ 380 000 habitants, la fréquence de la grève atteint un niveau qui interpelle. Elle interpelle d’autant plus que tous les professionnels sont, de plus en plus, à l’initiative d’un mouvement de grève pour défendre leur profession. Les générations qui, jadis, ne connaissaient en Guadeloupe que la grève des travailleurs de la canne, de la banane, des dockers sur le port, des fonctionnaires, de l’Education nationale notamment, sont légitimement étonnées, depuis quel-ques années, de vivre celle des médecins et autres personnels soignants, biologistes, surveillants de prisons, policiers, avocats, magistrats, notaires, et la liste n’est pas exhaustive. Comment donc ne pas s’interroger sur les déterminants :
- Un gouvernement qui agit, pour le moins, dans l’arbitraire, sans aucune concertation, avant de légiférer ?
- Une insuffisance ou un manque de dialogue social ?
- Une volonté du patronat d’exploiter les travailleurs dans un pur état d’esprit de capitaliste, accentué dans un pays ayant souffert de l’esclavage

. Ce qu’il est convenu d’appeler la «pwofitasyon».
- Une posture des antagonistes de refuser de tenir compte de la conjoncture économique et déterminée d’aller jusqu’au «boutisme», générant ainsi un phénomène d’accoutumance.
Ce qui est certain, c’est que l’on constate, qu’en Guadeloupe notamment, les grèves se durcissent, tant dans les revendications ouvrières que les refus de négocier par le patronat. De quelques jours ou un mois ou deux, il y a quelques décennies, la Guadeloupe est entrée dans la certitude de la date annoncée du déclenchement de la grève, sans pouvoir présumer de la date de la fin du conflit. La résistance s’installe dans les deux clans. «Il faut savoir terminer une grève» avait dit le communiste français Maurice Thorez. Mais, il avait ajouté : «dès que la satisfaction a été obtenue». ayant laissé, certainement, aux deux parties, le soin d’apprécier le niveau de satisfaction. N’est-ce pas là, le véritable problème ?
Et c’est bien le cas du conflit de l’EDF qui se déroule et qui dérange certains acteurs économiques. Il n’échappe à personne, cependant, que les dérangés d’aujourd’hui trouveront, demain, des raisons légitimes pour justifier leur mouvement de «dérangeurs». Ainsi va la vie…
Nous avons interrogé Jimmy Thélémaque en début d’après-midi du lundi 16 janvier 2023, sur ces aspects, Nous avons choisi de diffuser en intégralité cette interview pour bien informer nos lecteurs dans quel état d’esprit peuvent se conduire des négociations sur un conflit opposant les travailleurs à leur employeur. En raison de la parution hebdomadaire de notre journal, cette interview sera certainement en retrait, eu égard à la bonne avancée de ce conflit, en tout cas, nous l’espérons.

L''interview :

Vous avez accepté au début de la grève de remettre en marche des réacteurs avant la négociation, était-ce un geste de faiblesse ou de bonne volonté ?
Non, le directeur nous a demandé de cesser la grève et de remettre tout en fonctionnement normal pour pouvoir discuter ; ce que nous avons toujours refusé. Nous avons soulagé le réseau pour qu’il n’y ait pas de délestages mais, il n’y a pas eu d’arrêt de grève et encore moins de remise en marche de la centrale pour un fonctionnement normal.
Après quatre semaines de grève, quel est le taux des grévistes ?
Il y a 88% de grévistes.
Donnez-nous au moins trois points fondamentaux qui bloquent la signature d’un protocole de fin de conflit.
On demande à l’employeur : - de payer toutes ses charges salariales.
- de mettre en place des dispositions du code du travail qui ne sont pas appliquées dans l’entreprise : les temps de travail, les temps de repos hebdomadaire, le dépassement et la durée maximale du temps de travail.
- la régularisation de la situation des intérimaires qui sont embauchés en dessous de ce que prévoit le code du travail en matière d’égalité de traitement salarial.
Tous ces sujets ont été visités et ce monsieur doit payer ce qu’il doit.
Aucune avancée sur ces points ?
Ecoutez, si aujourd’hui l’employeur convient d’appliquer certaines choses du code du travail, il ne convient pas aujourd’hui en tout cas de payer la totalité.
Vous avez été à l’initiative de la demande de médiation par le préfet ?
Nous avons demandé en effet, depuis le départ, que les discussions se déroulent sous l’égide de l’Etat. C’était marqué dans notre préavis.
Qu’attendez-vous du préfet ?
Nous n’attendons strictement rien du préfet. Nous attendons simplement que l’employeur réponde aux dix-neuf points de revendication.
Seriez-vous prêt à accepter des compromis pour sortir de ce blocage ?
Nous n’avons pas à accepter de compromis.
En cas d’échec de cette médiation, peut-on s’attendre à un durcissement du conflit ?
Je dois vous dire, qu’en fait, le durcissement a déjà commencé tous les soirs. Alors, il va monter progressivement.