Réforme foncière de la Safer : 40 ans pour quel bilan ?

Emmanuel Hyest, président de la Fédération nationale des Safer (Société d’aménagement foncier et d’établissement rural) accompagné de présidents et directeurs généraux de toutes les Safer de France, ont profité des 40 ans de la Safer pour tenir leur Conseil d’administration en Guadeloupe.

L’occasion était donc toute trouvée pour faire le bilan de la dernière réforme de la Safer et les enjeux du territoire après 40 ans.
Trois réformes foncières se sont succédées en Guadeloupe. Quel bilan à ce jour ?
Depuis, près de trente ans, les activités de la Safer ont été réduites de facto à la gestion de la réforme foncière, laquelle ne concerne pourtant qu’un tiers des terres agricoles de la Guadeloupe. La Safer souhaite clore la réforme foncière dans les délais les plus courts afin de revenir à son vrai métier qui est de dynamiser l''agriculture guadeloupéenne en régulant le marché foncier agricole et en favorisant l’installation et le maintien des agriculteurs.
Bien que non-finalisée, cette dernière présente un bilan globalement positif vis-à-vis des missions de la Safer. Les terres sont toujours agricoles, non morcelées, ni placées en indivision.
La première réforme foncière s’est étalée de 1961 à 1968 et a consisté en la vente, par les sucriers, de 2 308 ha aux agriculteurs. Depuis, ces terres ont été revendues et sont aujourd’hui largement urbanisées. La seconde réforme a eu lieu de 1968 à 1979. 2 901 ha ont été vendus par les usiniers aux agriculteurs. Environ 50% de ces terres ont gardé leur vocation agricole. La troisième réforme foncière, depuis 1981, se distingue par le fait que la quasi-totalité des surfaces rétrocédées aux agriculteurs est préservée à des fins agricoles, notamment grâce au dispositif GFA.
La réforme foncière de 1980 a permis, tandis que les usiniers fermaient leurs unités de production de sucre et vendaient leurs terres agricoles, de racheter celles-ci.
Fallait-il encore gérer la question des terres en colonage ? Des colons exploitaient les terres de l’usinier en colonage partiaire (1/4 de la récolte ou de la vente de celle-ci revenait au propriétaire de la terre, l’usinier).
Que faire de ces colons ? Mettre fin à ce système de colonage, installer des jeunes formés (l’objectif était fixé à 25%) … Mais ne pas laisser sur le bord de la route environ 1 000 ouvriers agricoles, telle était la problématique que la Safer devait gérer.
La création des Groupements fonciers agricoles (GFA) a permis de solutionner en partie le problème et d’éviter d’avoir, comme entre 1971 et 1980, des conflits permanents dans le monde rural.
Depuis la réforme foncière de 1981 près de 800 agriculteurs guadeloupéens ont été installés sur environ 9 000 hectares au sein de 38 Groupements fonciers agricoles (GFA).)
Un bilan d’envergure semble indispensable, tant les réalités de terrain reflètent des situations contrastées en ce qui concerne la valorisation effective des surfaces rétrocédées et la situation financière des GFA.
De nombreuses zones d’ombre persistent encore et singulièrement dans l’installation des jeunes.
Les demandes d’installation sont plus importantes que le foncier disponible. Aujourd’hui, des centaines de jeunes formés sont en attente de foncier afin de mettre en oeuvre leur projet. Les singularités de notre reliquat foncier conduisent à diversifier les formes de rétrocessions.
Sont placés, 7 000 agriculteurs, sur de petites surfaces, un tiers d’entre eux ont plus de 60 ans. Leur plus grand souci est de transmettre à leurs enfants ou à quelqu’un d’autre la surface qu’ils exploitent. Mais, comme la pension de retraite est très faible, la plupart d’entre eux poursuivent leurs activités très longtemps… La solution serait de les inciter à louer leurs terres pour favoriser l’installation de jeunes agriculteurs, de ce fait, leur assurer un revenu complémentaire, car la retraite des agriculteurs demeure encore un revenu de misère.
Le chiffre des installations est infime, entre 10 et 20 chaque année. «Il y aura 2 000 personnes à remplacer dans les cinq ans à venir !». Le constat malheureux s’avère qu’un tiers des personnes installées ont abandonné, par manque de fonds et d’accompagnement.
Les enjeux sont donc connus selon Rodrigue Trèfle, le président de la Safer Guadeloupe «Nous avons quelques inquiétudes quant à la suite si les terres en friches, celles qui ne sont plus exploitées, ne sont pas reversées pour permettre d’installer des jeunes, qui soient aidés pour leur démarrage, ceci afin de pratiquer une diversification qui permettre d’aller vers une autosuffisance alimentaire».
On n’en est encore loin, mais pourquoi pas !