Georges Marchais, l’histoire d’un leader du peuple

Le réalisateur, éditorialiste et psychanalyste Gérard Miller présente un documentaire intitulé Georges Marchais, l''homme qui avait choisi son camp. A l''occasion du cinquantième anniversaire de l''élection de Georges Marchais à la tête du Parti communiste français en décembre 1972, et 25 ans après sa disparition, il retrace le parcours de l''une des personnalités les plus étonnantes de l’histoire contemporaine de France.

Vous ne cachez pas vos accointances pour le militantisme de gauche. Celles-ci, expliquerait-il le choix de sujet de documentaire ?
Gérard Miller : Je me suis toujours intéressé à notre histoire et j’ai remarqué qu’elle ne retient que le nom des hommes politiques qui correspondent à l’idéologie dominante. Or, je trouve qu’il y a une diversité d’autres personnages qui méritent notre intérêt. Georges Marchais en fait partie. On semble l’avoir oublié, mais il a marqué l’histoire de la seconde moitié du XXe siècle. Il a dirigé le PC dès 1972 et a su l’amener jusqu’à sa gloire. J’ai souhaité raconter une histoire quelque peu romanesque. Celle d’un fils d''ouvrier d’une mère paysanne, né tout juste après la guerre de 14-18. L’aventure d’un fils du peuple qui semblait voué à rester dans sa terre natale du Calvados, mais qui est devenu ami avec Brejnev et Castro qui a réussi à guider la gauche au pouvoir avec l’élection de François Mitterrand en 1981. Car, peu de gens le savent, mais c’est grâce au PC que les socialistes ont remporté ces élections

. L’avènement de l’union de gauche est le résultat du travail des communistes qui ont su créer des forces communes.
C’est en ce sens que Georges Marchais vous a-t-il inspiré ?
Pour être honnête, Georges Mar-chais est un homme pour lequel je n’avais guère de sympathie avant de réaliser ce documentaire. J’avais eu écho de ses frasques dès mai 68 où je faisais partie de la jeunesse gauchiste et je n’étais pas vraiment en accord avec ses interventions à cette époque. Il était cette figure du stalinisme et rien ne me prédestinait à croiser sa route. Il aura fallu ce film pour que je découvre qui était vraiment cet homme. J’ai pris le temps de comprendre sa personnalité et d’écrire un récit chaleureux, presque un hommage, à un homme qui m''a permis également de revisiter l’histoire du PC. J’ai été surpris par son humanité et par son avant-gardisme.
Qu’est-ce qui vous a séduit
chez lui ?
J’ai pu découvrir à quel point il a été très longtemps éloigné de la politique. Il n’avait pas vocation à devenir un leader politique. Il y est entré par la voie du syndicalisme et il a été repéré par le PC qui voyait en lui un meneur de troupe. D’ailleurs, il n’a pris sa carte du PC qu’à l’âge de 30 ans ! Il n’était pas prédestiné à cette vie et cela m’a permis de réaliser un film avec une vision plus juste et plus intime. J’ai eu la chance de rencontrer ses enfants et leur bonne éducation m’a ému. J’ai été convaincu qu’il méritait autre chose que les caricatures qu’on peut faire de lui et qu’il était important de retenir ses erreurs, mais aussi ses succès.
Lesquels sont-ils ?
Georges Marchais a dirigé le PC durant ses années de gloire (1972 à 1994). Dans les années 70, on comptait 800 000 adhérents, un chiffre fou. Il a su capter la foule et donner un intérêt nouveau à la politique. Il a ouvert la voie à un socialisme à la française. Lorsque l’union de la gauche se forme, le PS n’a aucune influence. Il va se servir de la force du PC pour grandir et, dans les années 80, le rapport de force s’inverse et la gauche restera au pouvoir durant 14 ans. Même si Georges Marchais sera à l’origine de la rupture de cette union dès 1977, il aura mis fin à la dictature du prolétariat pour laisser place à une conception plus démocratique du pouvoir et aura réussi à créer une émulation autour de lui comme peu l’ont fait.
Après vos recherches, pouvez-vous faire un rapport de comparaison avec la situation actuelle de la gauche ?
Jean-Luc Mélenchon me fait parfois penser à Georges Marchais dans sa façon d’occuper l’espace et le débat. Ils incarnent très bien leurs propos, mais Georges Marchais était cet ouvrier venu d’en bas capable de dialoguer avec les plus puissants. Il usait du média de la télévision pour se faire entendre. Il était ce gars du peuple qui représentait le peuple. Voilà pourquoi il était tant aimé. Aujourd’hui, nos hommes politiques respectent un certain conformisme, une certaine trajectoire et semblent bien trop éloignés de notre monde... Mais je reste optimiste. L’histoire n’est pas figée et nous pourrions encore être surpris !
Georges Marchais, l''homme qui avait choisi son camp, diffusé sur LCP Public Sénat.