La ville de Le Moule Un gros coeur chargé d’histoire

A la seule évocation du nom de cette ville, viennent à l’esprit de nombreuses générations cette héroïque personnalité, le docteur Rosan Girard, homme politique français, un des fondateurs du Parti Communiste Guadeloupéen, qui y a pris naissance le 16 octobre 1913 et qui est décédé le 5 Juin 2001 à Boulogne- Billancourt. Il a été chef d’édilité de cette ville durant trois man dats non consécutifs et y a été enterré dans le caveau familial.
C’est donc cette ville d’art et d’histoire qui a tenu à faire connaître au public et en particulier à ses ci- toyens ses richesses tant matérielles, qu’humaines et immatérielles afin que les jeunes générations s’approprient leur origine et soient en mesure de mieux pré- parer leur avenir.
Le Moule en héritage, 8e édition, thème décliné dans le cadre des Journées du patrimoine, durant un mois, de janvier à février 2023, en concerts, expositions, messe religieuse, inauguration d’oeuvre de plasticien, hommage à des administrés, balades artistiques, déboulé a mas, léwòz, défilés de charrettes à boeufs décorées, et bien d''autres animations a connu son apothéose le dimanche 5 février et a été une réussite

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Il reste à espérer que cette belle nourriture culturelle que promotionne nos camarades sur Radyo Gayac sous le titre : «Kilti sé nouriti» permettra à la jeu-nesse moulienne de bien assimiler la richesse de son pays Guadeloupe.
Monsieur Marius Dielna de la direction de la Commission de l’action culturelle. «Le Moule en héritage est une manifestation qui est à sa 8e édition, créé autour de la Journée européenne du patrimoine. Deux jours ne suffisaient pas pour les scolaires, les Mouliens, les associations de tous les quartiers, les visiteurs sur le territoire. Nous avons donc décidé de le réaliser sur un mois environ. L’oeuvre, matérialisée par un gros coeur, inaugurée aujour- d’hui, est l’accomplissement d’un projet de deux ans réalisé avec le contrat de ville de Le Moule, la direction de l’action culturelle de la Gua-deloupe (DAC). Nou avons pris le temps de la réaliser avec les quar- tiers prioritaires de la ville, les écoles des sections. Ce projet a abouti aussi rapidement grâce à la force de conviction des artistes et à leur force de travail. Nous en sommes fiers.
Maintenant les Mouliens auront un point de repère. On se fera photographier devant et on publiera ses photos. On sera content de savoir que cette oeuvre-là existe au Moule. On a un volet scolaire qui est très important. Je tiens à féliciter les responsables des établissements scolaires Le but est de raconter la partie historique de la ville, l’histoire des noms, la situation géographique, les bâtiments. On a des monuments, classés monuments historiques et des sites classés. On va parler de tout cela aux élèves pour qu’ils comprennent qu’avant eux il y avait d’autres personnes telles les Amérindiens. Ils découvriront tout ce qui est exposé au musée Edgard Clerc grâce à des fouilles archéologiques, à Porland, Morel etc. Le but est la transmission, de raconter l’histoire avec précision et certitude pour qu’ils puissent aller plus loin et peut-être embrasser ce beau métier qu’est l’archéologie ou devenir des conférenciers».
Au cours de cette manifestation et à la suite d’une messe organisée à l’église, deux citoyens de la ville ont été honorés par le maire de la ville, Madame Louis Gabrielle Carabin (au centre). Ma

dame Odette Alla-mellou-Bouka (à gauche) faite citoyenne d’honneur de la ville et dont la médaille lui a été remise par Monsieur Marcelin Chingan, 5e adjoint au maire et Monsieur Em-manuel Kancel, qui a reçu son diplô-me de porteur de tradition et défendeur des veillées traditionnelles.
Madame Odette Allamellou-Bouka «Sa ka fè mwen cho o koeur é en ka santi an ka viv. Sa yo fè pou mwen sa fen sòti dan le nwaw. Yo fè mwen dékorationlasa pas en té ka travay an lékòlla é len té fini, an té ka pati a mobilèt. An responsab ki té ka vwè mwen, i di : «vou madanmlasa, fè nou fèw rantré an patrimwan».
Madame Nadine Bruner, présidente de l’Association «Audel’Art»
«Je suis plasticienne, j’interviens dans les écoles pour promouvoir l’art. L’oeuvre, un gros coeur, qui a été inaugurée sur l’espace Wizosky, a été réalisée avec mon collègue Jean-Luc Déjean, aussi plasticien, à la suite d’un appel à projet et s’intitule : «Le voyage». Ce voyage nous place au coeur des quartiers, lesquels nous montrent la richesse des hommes et des femmes qui y vivent. Ces habitants nous montrent tous les liens intergénérationnels, un ancrage si né- cessaire qui nous permet d’aborder l’avenir. Je pense qu’un voyage, c’est l’amour universel».
L’espace Wizosky, à l’entrée Est de la ville, en arrivant de Saint-François, est situé sur l’ancien site qui a fait de Le Moule un port commercial au XVIIIe siècle. Ce port est devenu la principale base d’exportation sucrière, durant deux siècles. Ce sont les vestiges du hangar appartenant à un négociant en 1807, Mon- sieur Franceschi et qui a changé de main à plusieurs reprises. Il a hébergé en 1820 une usine de limonades et jus de fruits puis vendu en 1823 pour l’implantation d’une société de plantes coloniales gérée par le sieur Wizosky. Après le cyclone de 1928, la mairie a fait l’ac- quisition du bâtiment pour installer une école de filles tenue par les soeurs de saint-Joseph de Cluny pendant quelques années.
Monsieur Marius Dielna «Nous avons des artistes qui ont beaucoup marqué la culture sur ce territoire moulien, dans différents domaines, par exemple, la chanson avec Manuela Pioche, née dans les Grands Fonds de Le Moule, le gwo ka avec Robert Loyson, le bélè avec Arsène Dupuits dite Marguerite qui jouait aussi la guitare, Auberge Anzala».
Le Docteur Rosan Girard a assuré sa fonction de maire dans cet hôtel de ville, durant trois mandatures : de 1945 à 1953 ; de 1957 à 1962 ; de mars 1965 à mars 1971. Il a été à plusieurs reprises victime de l’arbitraire préfectoral cautionné par le gouvernement au seul motif de son appartenance au Parti Communiste Guadeloupéen. Déchu de son mandat de maire par un abus de pouvoir du préfet, il retrouve son mandat en 1957. Son premier adjoint Césario Siban, militant du Parti Com- muniste Guadeloupéen, a eu à gérer le «massagcre de la Saint-Valentin» le 14 février 1952.
Le bâtiment ci-contre a hé-bergé dans les années 1960 une école comportant des classes élémentaires et des cours complémentaires. Cette école a été dirigée pendant de longues années par monsieur Rodolphe Agastin avec des enseignants tels, Messieurs Cornet, Césario Siban, Paul Etienne Julan, Cornet, Paul Bergame, Emmanuel Broussillon, Mesdames Charlote Mom-pierre, Eva Dupuits, Romana et tant d’autres. Monsieur Jean Galleron tenait une classe élémentaire.
L''église Saint Jean-Baptiste d''origine date du XVIIe siècle, à proximité de la mairie. Reconstruite entre 1825 et 1850 en préservant la façade, par l’archi-tecte Ali Tur après le cyclone dévastateur de 1928. En 1978, plusieurs éléments de l''église ont été classés monuments historiques : en 1978 : la façade baroque, le corps de l''église, le clocher et le presbytère.
Stèle de commémoration
En mémoire de ces compatriotes de Le Moule assassinés par les armes de la répression coloniale française, le 14 février 1952. Quatre martyrs innocents de la grève des ouvriers industriels et des planteurs de cannes : Constance Dulac, Mes- sieurs Capitolin Justinien, François Serdot et Édouard Dernon.
Une cinquième victime a succombé dans les entrailles de sa mère, Madame Constance Dulac. Ce «massacre de la Saint-Valentin», selon le communiqué officiel du ministère de l’Intérieur dans la presse nationale française, faisait état de 4 morts et 14 blessés, en ce 14 février. Un chiffre 4 qui marquait en unité et en dizaine cette abominable tuerie. Le Parti Communiste Guadeloupéen n

’a jamais oublié. Il a toujours ravivé cet événement dans la mémoire du peuple guadeloupéen en rendant hommage aux victimes sur les lieux du crime et par la pose d’une plaque mémorielle sur le mur du cimetière en 1994, lors du cinquantenaire de «l’Appel au peuple de 1944». Quelques années, bien plus tard, cette stèle a été inaugurée par plusieurs organisations anticolonialistes.
Un lieu lieu chargé d’histoire, de lé- gendes et de mythes : la «maison hantée de Zévallos» sur une ancien-ne exploitation agricole sucrière fondée au XIXe siècle, sur la- quelle a été érigée la première usine centrale sucrière de l’archipel, en 1844, par la Compagnie des Antilles. La maison d’architecture coloniale elle-même a été érigée entre 1868 et 1871. Cette centrale cessera son activité en 1901. La maison est inscrite avec son environnement industriel, sur la liste des monuments historiques de la France en 1987 puis classée depuis le 24 septembre 1990. Monsieur Rosan Debibakas, en fait l’acquisition en 1999, et devient le vingtième propriétaire du site. Donation a été faite à ses deux deux fils Eric et Patrick qui créent l’association familiale «Les Amis de Zévallos».
Cimetière des esclaves de Sainte-Marguerite. Cet ensemble funéraire recouvre un site amérindien. La position des corps sur le dos a permis aux archéologues de remonter à la période coloniale, soit au XVIIIe siècle. (Photo et extraits de texte d’un dépliant de l’office du tourisme du Nord Grande-Terre).
Icône guadeloupéenne de la chanson, née le 27 mars 1932 à Le Moule, originaire des Grands Fonds. A dix-neuf ans, découvre Pointe-à-Pitre, rencontre les plus grands musiciens et sa charmante voix la destine naturellement à une belle carrière dans la chanson. Elle ne tarda pas à connaître la gloire et à être appréciée par toute la population de la Guadeloupe. A trente-huit ans, ce fut l’éclipse, dans le dénue- ment et le décès le 03 janvier 1970. Pleurée par une Guadeloupe consternée, elle a été inhumée dans le cimetière de Pointe-à-Pitre.
Madame Kantaparedy de l’association «Les baroudeurs»
«Nous avons sollicité les charretiers, les atte-lages, Les associations nous ont accompagnés pour la dé- coration en fonction du thème choisi».
Le Pont de la Baie de Le Moule
La plage de la Baie de Le Moule
Incontestablement, il fait partie des monuments patrimoniaux de la ville, surtout quand on sait que des générations l’ont admiré, ses para- pets en arcades ne pouvant échapper au regard. Rares étaient les ponts en Guadeloupe ayant une telle configuration et il a fait l’objet d’un concours d’identification dans un grand quotidien local, par comparaison de photos de plusieurs ponts, il y a plusieurs années. Alors que d’autres ponts n’ont pas résisté à la violence de Fiona, nul ne peut dire combien d’intempéries qu’il a affrontées, et même d’assauts de camionneurs, depuis sa construction. Espérons qu’il a encore de belles années à vivre car, on ne sait jamais avec certains décideurs en Guadeloupe qui veulent toujours montrer une fausse image de grandeur et de développement de la Guadeloupe, terre sans eau, empoisonnée et d’énergie électrique très incertaine, confrontée au chômage chronique.
Toutes les générations qui ont eu le bonheur d’en profiter jusqu’à la fin des années 1960, peuvent témoigner de la beauté de cette plage, ouverte sur l’Atlantique, la plus fré- quentée lors des week-end des vacances scolaires, Noël, Pâques, grandes vacances, sans oublier la Pentecôte. Les enfants, même en bas âge pouvaient s’y baigner en toute sécurité, dans une mer calme très peu profonde sur plus d’une centaine de mètres, les parents gardant tout de même leur vigilance. Le rinçage, si désiré, pour se débarrasser du sel de la mer, se faisait dans la rivière d’Audoin, longue de 2,5 km, qui s’y déverse plus ou moins abondamment, en fonction de la pluviosité, après avoir été gonflée par les eaux des rivières d’Arles et de Corneille. Cette rivière qui, à son embouchure, n’est plus qu’un lieu de pêche de crabes dits à barbes, quand elle n’est pas envahie par des tonnes de sargasses. Tout cela est aussi la politique de développement par le tourisme devenu malheureusement prioritaire sur l’industrie cannière et autres, au profit de complexes hôteliers, Cette plage morte, est aujourd’hui non fréquentée, sinon pour un arrêt de repos, et évoque même la pollution, en dépit des efforts de balayage quotidien par les services municipaux. Quant aux hôtels de cette époque, ils n’ont comme seul mérite que de classer la Guadeloupe au premier rang des cimetières d’hôtels.
Qu’on se l’approprie
«Un peuple qui ne connaît pas son passé, ses origines et sa culture ressemble à un arbre sans racines. (Marcus Garvey)». Il n’est point question évidemment de faire du passéisme pour renvoyer systématiquement notre jeunesse à ce que nous avons vécu, à nos «mès é labi- tid», à nos pratiques ancestrales, à nos traditions, encore qu’il convient de bien fixer le degré d’an- cienneté pour que le fait soit traditionnel.
Avec la vitesse de plus en plus gran-de d’évolution des pratiques d’existence, avec le développement de la robotique et l’arrivée inévitable de l’intelligence artificielle, la tradition pour l’octogénaire de 2023 n’est certainement pas celle du quadragénaire, qui lui même considère ce qui représente pour lui sa tradition, par rapport à ceux qui ne sont âgés que d’une décennie.
Cependant, il est aussi incontestable que l’homme, étant le plus élevé dans le règne animal, parce que doté d’intelligence et de raison, est apte à faire le tri des normes et valeurs qu’exigent une existence dans une humanité harmonieuse, de tolérance, d’équité, de justice et de paix.
Les faits contemporains qui se déroulent sous nos yeux, vécus sur le terrain de déroulement, ou à dis- tance, en temps réel, par le biais des moyens de communication, nous démontrent bien qu’aucune Constitution étatique, aucune législation nationale ou internationale, ne pourra garantir le bonheur des peuples de la terre.
C’est à cela que nous invite Marcus Garvey pour éviter de répéter les mêmes erreurs, mais tendre toujours vers un monde meilleur, au sens socialiste du terme.