14 février 1952 -14 février 2023 71e anniversaire de la tuerie du Moule
On dit souvent en Guadeloupe que la transmission ne se fait pas, que c’est un peuple de tradition orale qui meurt avec ses connaissances, donc la nouvelle génération grandit sans repère. «Celui qui ne connaît pas l’histoire est condamné à la revivre», d’après une citation de Karl Marx.
Les Guadeloupéens doivent donc s’intéresser à leur histoire pour ne pas revivre les moments dramatiques. Depuis des années, chaque 14 février dans la ville du Moule, des Guadeloupéens tiennent encore allumé le flambeau de la mémoire pour faire évoluer la conscience et l’identité guadeloupéenne. Et ce n’est point faire preuve de vanité que de rappeler que, depuis plusieurs décennies, le Parti Communiste Guadeloupéen a entretenu la mémoire sur ce «massacre des innocents», le 14 février 1952, par les forces de répression coloniale. Une plaque mémorielle a été d’ailleurs posée sur le mur du cimetière de la ville de Le Moule, le 14 février 1994, à l’occasion du 50e anniversaire de l’«Appel au peuple» de 1944.
Ce 14 février 2023, date de cette commémoration, contrairement aux années précédentes la municipalité de Le Moule n’y a pas songé. En revanche, très tôt, le syndicat CGTG, en pleine lutte pour le droit à la vie des Guadeloupéens, a déposé une gerbe sur la stèle placée devant le cimetière. En début de soirée, c’est le syndicat UGTG qui a pris le relais. Pour la circonstance, Martial Bisram, délégué syndical de l’UGTG à l’usine Gardel, était dans le rôle de l’historien.
Comme pour le chemin de croix dans la tradition chrétienne, une marche de souvenir et de reconnaissance a été organisée sur les traces des victimes de l’assassinat du 14 février 1952, afin que nul n’oublie cet évènement.
QUE S’EST-IL PASSE
AU MOULE ?
A l’époque de la tuerie du Moule, le 14 février 1952, Césario Siban occupait les fonctions de premier adjoint au maire de la commune du Moule. Le maire Rosan Girard qui était également député, poursuivait à l’Assemblée nationale française ses activités.
En 1994, à l’occasion du 50e anniversaire du Mouvement Commu-niste et du journal l’Etincelle, Césario Siban a accepté de témoigner de cet évènement qui a coûté la vie à Dernon Edouard, Capitolin Georges, Dulac Ferdeline et François Serdot.
PAR PAUL QUELLERY-SELBONNE
IE DU PARTI
V
Pourquoi les autorités ont-elles choisi de quadriller plus particulièrement la ville du Moule ?
Césario Siban : L’administration avait déjà des comptes à régler avec les Mouliens. Dès qu’il s’agissait de se battre pour des avancées de la classe ouvrière, la ville du Moule s’est toujours trouvée à la pointe du combat. Rosan Girard, par son combat incessant en faveur des démunis, avait éveillé la conscience des Guadeloupéens en général et celle des Mouliens en particulier.
Quelles ont été les conséquences au niveau de la Guadeloupe de cette tuerie perpétrée par le pouvoir contre la population moulienne ?
Le jour même de cette tuerie, le préfet de l’époque, Villeger, a sorti un arrêté fixant, à sa façon, le prix de l’heure du travail. Les ouvriers n’ont pas eu pleinement satisfaction, mais ont obtenu quelques avancées. C’était une tactique de ce préfet afin de désamorcer la bombe sociale qui planait sur la Guadeloupe.
Après cette fusillade à laquelle on ne s’attendait absolument pas, un vent de panique accompagné de peur a soufflé sur la ville du Moule. Cette peur a été salutaire, car elle a permis aux gens de mieux comprendre que la société est divisée en classes et que ces classes mènent une lutte féroce. Dans cette lutte, la classe dominante a toujours à son service la force administrative et la force armée.
Cette fusillade a éclairé les Guade-loupéens sur la nature de l’oppression qui sévissait et a peut-être permis à détruire certaines illusions vis-à-vis du pouvoir qui était en place (tiré du journal l’Etincelle du 19 février 1994).
Le 14 février 2023, l’UGTG a organisé une procession, puis dressé l’historique des faits et effectué un dépôt de gerbe. Quelques représentants syndicaux, membres du collectif de résistance contre la vaccination, ont pris la parole pour renforcer la conscience du public présent. De même Thierry Césarus du Bijengwa a égrené plusieurs dates où l’Etat français a tiré sur le peuple guadeloupéen. La manifestation s’est achevée par un kout tanbou, avec le concours du groupe «Kont gout» et «Racine».