Kannaval fin, tanbou an sak ! Que reste-t-il ?

Le Carême ! Répondront spontanément les pratiquants de la religion catholique. Mais pas que, diront les plus branchés dans la contraction verbale.

Ils ont tous raison. Quant à nous, nous nous pencherons dans ce numéro sur le revers de la médaille, la face qui a trop tendance à inciter à faire la politique de l’autruche. Le carnaval est en effet une médaille à double face, bien enracinée dans nos habitudes culturelles dont il constitue un aspect du patrimoine folklorique. Comme tous les médias, Nouvelles-Etincelles s’attache à le promouvoir et le valoriser, à mettre en lumière l’avers ou face principale de la médaille qui fait vibrer dans l’euphorie, à chaque parade, des dizaines de milliers de carnavaliers et de spectateurs de toutes les générations. Une foule si impressionnante dans laquelle l’honorable docteur Henri Joseph regrette légitimement de ne pas trouver seulement 5 000 personnes pour s’attacher à la terre afin de diminuer la dépendance alimentaire du pays Guadeloupe. Nous avons présenté cet avers de la médaille dans le numéro 1015 du jeudi 23 février 2023 et dans le numéro 1012 du jeudi 02 février 2023. Dans ce dernier cependant, nous avions promis d’en aborder les paradoxes.
QU’EN RESTE-IL ?
LE REVERS, DEUXIÈME FACE, SANS DOUTE !
C’est bien la question tabou qui fâche beaucoup, surtout ceux qui sont prompts à rétorquer qu’après deux ans de covid-19, cet exutoire était indispensable pour diminuer le nombre de personnes en situation dépressive. «Dieu soit loué !» diraient certaines confessions, que ces personnes n’ont pas connu les privations de la période dite «an tan Sorin». Et on est amené à faire aussi le rapprochement avec ces civils ukrainiens, victimes innocentes, durant des années, des bombardements de leur pays.
Alors, oui, kannaval fini, que reste-t-il ? Des réalités, aujourd’hui, des attentes inexorables à terme et à plus long terme, car, n’oublions pas :
- Des violences et agressions ont eu lieu, des personnes ont été hospitalisées, des arrestations ont été faites, des condamnations et emprisonnements ont été prononcés envers des individus dont le seul objectif est de créer le désordre. Et pourtant, tous les responsables et toutes les autorités en charge de la sécurité ont fait entièrement leur boulot.
- Des sacrifices financiers ont été faits au détriment des nécessités et charges de la vie quotidienne, pour faire face à la confection de costumes carnavalesques frôlant les deux mille euros, de l’avis même des organisateurs. La complainte de la cherté du panier de la ménagère, du ticket de la restauration scolaire, des transports, routiers, maritimes, aériens, s’accentuera et même dans certains cas, la courbe du surendettement s’envolera.
- Les enfants en bas âge, les adolescents et l’ensemble des scolarisés n’auront pas profité de ce temps de repos du rythme scolaire, tous les deux mois, pour poursuivre dans de bonnes conditions leur année scolaire. Durant des semaines, depuis 2022, ils ont été sollicités dans des ateliers de confection ou se sont livrés, du vendredi matin au dimanche soir, présence amplifiée durant les vacances de février, à un véritable «rackettage» des automobilistes.
- Le monde de l’éducation continuera, en dépit de tous les efforts réalisés pour une pédagogie plus efficace, de parler d’échec scolaire et de diminution d’effectifs pour un meilleur encadrement.
- Les oto-rhino-laryngologistes verront arriver un nombre plus important d’enfants et même d’adultes pour des affections causées par les décibels d’instruments musicaux ou de fouets démesurés qui n’ont pas du tout l’objectif du fouet de l’esclavagiste pour dompter ses esclaves ou du «kabwétié» ancestral, pour maîtriser ses boeufs.
- La courbe de transmission des maladies sexuellement transmissibles, notamment le sida, s’infléchira vers le haut. Ce qui peut se comprendre quand on entend des témoignages, sur les antennes de Guadeloupe 1ère, de personnes déclarant leur gêne de passer sous certains immeubles, à Pointe-à-Pitre, pour rentrer chez elles la nuit, à la fin des parades carnavalesques.
- Le directeur du Centre hospitalier universitaire de la Guadeloupe (CHUG) constatera, d’ici neuf mois, un débordement des services de la maternité, au dire de l’ex-directeur Gérard Cotellon, sur Guadeloupe 1ère télévision, dès les premiers mois de son installation.
- Des espaces à nettoyer de toutes sortes d’objets pour leur réhabilitation.
OUI POUR UN CARNAVAL À LA MESURE DE NOTRE ÎLE
Ces quelques exemples montrent bien que le carnaval est un patrimoine culturel qu’il convient de promouvoir avec beaucoup de vigilance, d’autant plus qu’il prend de l’envergure au fil des années, en nombre de groupes, en effectifs d’adhérents de chaque groupe, en nombre de spectateurs, en temps pour les parades qui se terminent très tardivement le soir. Le comportement de plus en plus incivique risque de conduire à ces lendemains de constats de morts à identifier dans les morgues, à l’instar de ce qu’avait montré le film brésilien, à la fin des années 1950. Que le carnaval de Guadeloupe soit donc un espace de paix, de dérisions, de joies, de défoulements, mais jamais de regrets. Que chacun le comprenne !