RÉVISION DE LA PROGRAMMATION PLURIANNUELLE DE L’ENERGIE (PPE) Encore la preuve de l’hypocrisie de l’Etat français
Dans le cadre de la révision de la PPE 2024-2028, le mercredi 1er mars a eu lieu la restitution de la première période de concertations publiques, proposée par l’Etat et la Région et qui s’est déroulée durant l’année 2022 avec les représentants des professionnels du secteur de la production d’électricité et la «société civile» (particuliers ou organisations diverses).
Pour rappel, la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) a été introduite par la Loi de «Transition énergétique pour la croissance verte» votée le 17 août 2015 par les législateurs français. Elle est élaborée conjointement par le président du Conseil régional, et par le représentant de l’Etat en Guadeloupe.
La première PPE, approuvée par une délibération du Conseil régional du 27 mars 2017 et fixée par un décret de gouvernement le 19 avril 2017, couvrait une période 2016-2018 et 2019-2023. La PPE est révisable tous les cinq ans.
Actuellement la révision de la PPE concerne la période de cinq ans 2024-2028 avec des objectifs à 2033, mais une première révision a été lancée en 2018 pour la période 2018-2022. Cette révision a été approuvée et votée le 6 novembre 2020 par la Région. Mais personne n’en a entendu parler !
QUE CONTENAIT CETTE RÉVISION ?
Pour cette première révision, les élus avaient tenu compte des recommandations de l’autorité environnementale, qui chapote la Transition énergétique, en mettant notamment en avant la question impérative des transports et de la mobilité propre. Ils prenaient aussi en compte les préconisations de la commission européenne qui souhaite une «Transition énergétique juste» en évitant la destruction d’emplois. Ceci se traduisait dans cette première révision de la PPE par la prise en compte par les élus guadeloupéens du projet de reconversion de la centrale Energie Antilles (centrale fioul arrivée en fin de contrat avec EDF) à la biomasse liquide. Ce projet a été complété par un autre, de production d’hydrogène, porté par un groupe de Guadeloupéens, qui répondait au besoin d’une mobilité propre et qui ouvrait en grand les portes de la filière industrielle hydrogène en Guadeloupe. Les emplois ont été préservés, d’autres créés.
Pour une fois que les élus guadeloupéens avaient, quelque peu sous la pression des élections départementales de 2021, pris en compte l’avenir de leurs compatriotes (avec le maintien de la quarantaine d’emplois directs et indirects de la centrale) et l’avenir du pays avec le développement de la filière hydrogène (et donc avec la perspective de nouveaux métiers et de nouveaux emplois), l’Etat colonial a purement et simplement, sans arguments aucun, rejeté ce projet de révision approuvé et voté par l’assemblée régionale. La Centrale Energie Antilles a été fermée et les salariés tous licenciés par l’Etat, sacrifiés sur l’autel colonial. Une fois de plus, les élus guadeloupéens ont été remis à la place qu’il leur a toujours été assigné par la France : les strapontins.
Ceci se passait en 2021 et personne ou presque dans le grand public n’en a entendu parler. Cette première révision de la PPE est donc tombée dans les oubliettes de la politique, mais certainement pas dans celles de l’histoire de l’électricité en Guadeloupe.
Pour en revenir à la grand-messe de ce mercredi 1er mars (à laquelle étaient présents la directrice adjointe de la DEAL représentant l’Etat, les représentants des Communautés d’agglomération, le chef de service de la DEAL, les représentant des Chambres consulaires, le président du SIMEG, le directeur de l’ADEM, les représentants d’EDF, le représentant de SYNERGILE, les chefs d’entreprises et leur représentants, les représentants de la société civiles) la présidente de la Commission Energie de la Région, Madame Vanoukia, se vantait d’être en responsabilité dans ce domaine grâce à l’habilitation Energie que la Guadeloupe a obtenue en 2015 lui permettant d’agir sur le choix des moyens et du modèle de production d’électricité. Mais nous venons de voir avec ce qui s’est passé en 2021 que cette habilitation est plus que limitée voire inexistante puisque soumise au veto de l’Etat.
Quoiqu’il en soit, cette restitution de concertions a mis en avant les projections de l’Etat et de la Région (!!) pour les années à venir jusqu’en 2033 en termes de production électrique (https://www.guadeloupe-energie.gp/wp-content/uploads/2023/03/2023_03_01_PPE_Seminaire_Grand_Public.pdf).
Il est aussi ressorti lors des échanges avec le public que les associations et organisations civiles guadeloupéennes revendiquent le développement de la géothermie au profit de la Guadeloupe et de sa population, plutôt que de la laisser aux mains de prédateurs coloniaux privés auxquelles la centrale de Bouillante a été livrée pour une bouchée de pain par l’Etat en 2016.
QUELLE CONCLUSION TIRER ?
L’habilitation Energie dont se prévalent les présidentes successives de la Commission Energie de la Région, n’est en réalité qu’un leurre de plus mis en place par l’Etat colonial qui finalement possède tous les leviers de la destinée de la production d’énergie en Guadeloupe.
A la vue de ce qui s’est toujours passé dans le domaine de la production d’électricité dans ce pays (https://www.erudit.org/fr/revues/bshg/2011-n158-bshg02570/1036828ar.pdf), et singulièrement à la vue de ce qui s’est passé très récemment, lors la révision de la PPE en 2021 avec la non-prise en compte par l’Etat de l’approbation de cette dernière par la Région, on constate que la situation de la Guadeloupe vis-à-vis de la France est tout à fait comparable à celle des pays africains soumis à la France-Afrique ; Empêchée de tous développements industriels et maintien de la population dans le chômage et l’assistanat.