Honneur à Sylviane Telchid : mèt a mannyok a lang kréol !

Sylviane Telchid, chantre de la langue et de la culture créole, est passée sur l’autre rive dans la plus grande discrétion, le dimanche 5 mars à l’âge de 81 ans.

Incontestablement, cette Capes-terrienne racine, cette Guade-loupéenne «natif-natal» a marqué son époque par son engagement à la limite du sacerdoce pour la reconnaissance du créole comme une langue, un outil pour l’acquisition des connaissances, la création et la valorisation de la culture guadeloupéenne. A ce titre, bien avant sa mort, elle était déjà entrée dans l’histoire de la Guadeloupe.
Son combat titanesque pour sortir la langue créole des ténèbres de l’obscurantisme et de la domination de la langue du «maître» a commencé dans les années soixante-dix au collège de Capesterre Belle-Eau, aujourd’hui dénommé Germain Saint-Ruff, un grand scientifique capesterrien.
Sylviane Telchid était jeune professeur de Français dans ce collège. Un de ses collègues, Hector Poullet, professeur de mathématiques, voulait se servir du créole, la langue parlée par ses élèves, comme outil pédagogique pour augmenter leurs chances d’acquérir les connaissances dans cette matière.
Il s’est adressé à ses collègues pour l’accompagner dans cette expérience. Sylviane Telchid et une autre collègue, Danielle Montbrand répondent à l’appel.
Ainsi commença la grande épopée du créole au collège Germain Saint-Ruff, malgré une farouche hostilité des services de l’éducation nationale et l’incompréhension de certains parents sous l’emprise de l’aliénation.
Cette situation n’a ni freiné, ni découragé le travail mené avec détermination et courage par Hector Poullet et Sylviane Telchid.
Consumée par la passion de la langue et de la culture créole, Sylviane Telchid a consacré à partir de 1976, toute sa carrière à faire exister et à promotionner la langue créole.
Elle a formé des générations d’élèves et d’étudiants, aujour-d’hui détenteurs de licences, Masters, Doctorat en langue et culture créole qui poursuivent le travail dans les collèges, les lycées et l’université. Elle a porté le créole dans les forums internationaux et dans les universités étrangères.
Le credo de Sylviane Telchid était : «Fo nou maké ; Fo nou pwodui». Elle l’a appliqué d’abord en conscience à elle-même. Car, depuis le premier dictionnaire «Français-Créole» publié en 1983 avec Hector Poullet, elle n’a pas cessé d’écrire et de produire des textes pédagogiques, des contes, des comédies, des proverbes. Elle laisse à la Guadeloupe un riche héritage en langue et culture créole.
La direction de Nouvelles-Etincelles sera toujours reconnaissante à Sylviane Telchid, qui a accepté généreusement et en toute solidarité de publier en 2002 ses cours de créole dans les colonnes du journal, permettant ainsi à l’Etincelle de participer à l’apprentissage du créole dans tout le peuple.
La Guadeloupe a perdu une grande dame, pétrie d’humilité et de bonté, mais aussi une intellectuelle organique hors du commun qui a gagné sa place au panthéon de la langue et de la culture créole.