Ka pou nou fè ? Allons plus loin !

Ma réaction, dans le précédent numéro du journal, au cri de colère de Joël Nankin contre l’indifférence de compatriotes, face aux dangers qui menacent l’existence de notre communauté n’est pas tout à fait complète.
En réalité, on ne peut pas généraliser le comportement d’indifférence qu’il pointe du doigt. Car, des Guadeloupéens organisés dans des associations, des comités informels, individuellement, font des choses dans le pays avec le sentiment qu’ils agissent pour le bien commun. Que ce soit dans le domaine du développement durable, de l’écologie, de la culture, contre les violences policières, la répression, l’empoisonnement par le chlordécone et l’occupation illégale du littoral, ils se mobilisent, ils agissent dans l’intention de changer le cours des choses.
Le problème, c’est que tout cela se fait dans la dispersion, sans cohérence, sans une stratégie commune de rupture avec le système dominant. Alors, cela donne l’impression de tourner «an won, won, won» comme le chante Fred Deshayes, sans ouvrir une perspective claire au pays.
Ce handicap pour une action coordonnée, efficace au service de la lutte de libération politique est encore plus paralysant et plus déstabilisant au niveau des organisations politiques.
Car là, c’est la confusion, le mensonge, le quant à soi, les falsifications historiques et les positions hégémoniques qui fleurissent, brouillent les pistes et démobilisent.
L’intervention récente de Elie Domota sur une télévision locale est un modèle du genre. Pour asseoir sa thèse que la seule réponse possible à la décolonisation, c’est l’indépendance, il tord le cou à l’histoire, procède à des amalgames, dénature les revendications politiques pensées et mise en oeuvre par d’autres Guadeloupéens aussi engagés que lui.
J’apprécie l’engagement d’Elie Domota dans le combat qu’il livre contre les oppresseurs et les exploiteurs. C’est un dirigeant qui connaît ses fondamentaux et maîtrise sa communication.
Voilà pourquoi, je considère les contre-vérités qu’il a développées comme inacceptable et contre-productif pour l’essor de la lutte d’émancipation en Guadeloupe.
Il ne peut pas valablement faire un amalgame entre le statut d’Autonomie et les statuts de Département, de Région, de Collectivité unique ou territoriale, parce qu’ils sont tous inscrits dans le cadre de la République, sans pour autant avoir les mêmes niveaux de compétences.
C’est une grossière falsification de vouloir attribuer la paternité de la lutte pour le changement de statut à l’Etat français au prétexte qu’il est obligé de se conformer à la Charte européenne de l’autonomie locale adoptée en octobre 1985. Tous ceux qui s’intéressent aux rapports de la France à la décolonisation savent, au moins, que depuis 1870, la doctrine inchangée de la République française jusqu’à ce jour, c’est l’intégration et l’assimilation.
La revendication d’un changement de statut pour la Guadeloupe a été initiée en 1957 par les communistes guadeloupéens et le Congrès constitutif de mars 1958 a formellement revendiqué un statut d’autonomie en Union avec la France, soit 27 ans avant la Charte européenne de l’autonomie locale.
La résolution du Congrès du PCG a été suivie par d’autres engagements forts qui ont propulsé cette revendication : la Convention de Morne-Rouge pour l’autonomie en 1971 ; le Programme commun de la gauche française qui a inscrit en 1972, dans son chapitre VI, le droit des peuples de l’Outre-mer à l’autodétermination.
D’autres actes ont été posés par les Partis Communistes et organisations indépendantistes des dernières colonies de la France pour mobiliser la solidarité internationale.
C’est confronté à la persistance de la revendication de changement de statut que l’Etat français est contraint depuis 1981 avec l’élection de François Mitterrand et ensuite de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy à chercher des alternatives pour contrer la poussée de cette revendication.
Pour les communistes guadeloupéens, l’autonomie est un système politique de souveraineté partagée par un peuple en lutte pour sa libération, avec l’Etat colonisateur. Tout comme nous reconnaissons que l’indépendance peut accoucher comme cela été souvent le cas de la néo colonisation.
Elie devrait veiller à ne pas réveiller des conceptions du passé : un seul pays, un seul peuple, une seule organisation, un seul chemin, l’indépendance qui ont obstrué la voie de la libération des masses populaires en Guadeloupe.