Le fruit à pain : un atout moteur dans la conquête de l’autosuffisance alimentaire

INTERVENTION DE LUCIEN DACALOR, PLANTEUR
DE FRUIT À PAIN
L’arbre à pain est de la famille des moracées, de la même espèce que le jacquier ou le châtaignier pays, introduit chez nous entre 1789 et 1793.
Souvent, on dit que l’arbre à pain est répandu dans le pays, pousse facilement mais n’est pas cultivé.
L’arbre à pain est originaire d’Océa-nie, c’est un arbre des plaines chaudes et humides qui pousse à partir du niveau de la mer, jusqu’à 1000 mètres d’altitude. Sa durée de vie est de 50 à 80 ans.
Le fruit à pain figure à mon sens comme un produit incontournable de la gastronomie de la Guadeloupe.
Ma plantation d’arbres à pain à Cambrefort, s’assimile à l''agroforesterie. C’est l''association d''arbres et de cultures ou d''animaux sur une même parcelle. Cette pratique d’antan permet une meilleure utilisation des ressources, une plus grande diversité biologique et la création d''un microclimat favorable à l''augmentation des rendements.
PRODUCTION DE FRUIT
A PAIN EN GUADELOUPE
Il n’existe aucune statistique des surfaces plantées en arbre à pain, ni de rendement

. La DAAF affiche toutefois pour les années 2007/2008 une consommation de 75 000 tonnes de fruit à pain en Guade-loupe et une évaluation à la louche de plus de 100 000 arbres à pain plantés. La pérennité de l’arbre à pain en Guadeloupe est menacée par les cyclones mais aussi du fait de l’insouciance de l’homme, de l’urbanisation, des constructions individuelles ou collectives.
De tout temps la Guadeloupe a produit des fruits à pain dans toutes les communes de l’archipel. Pour la plantation de l’arbre à pain le sol idéal doit être bien drainé labouré voir bêché, faire un trou de 80 cm de côté, voire 1 mètre, mettre du compost ou du fumier et poser le plant ; remplir de terre progressivement et arroser régulièrement au début de la plantation.
L’arbre à pain est de taille moyenne qui peut atteindre 20 m à 30 mètres de hauteur, de large envergure le diamètre du tronc peut dépasser un mètre. Les feuilles simples vert foncé sont munies de 7 à 11 lobes, elles sont de 12 à 60 cm de long et de 10 à 50 cm de large.
Personnellement, j’ai créé un verger d’arbres à pain depuis avril 2014 sur un ½ hectare sur la commune de Capesterre Belle-Eau avec 60 arbres à pain alignés avec un écartement de 8 à 10 mètres. L’originalité ce qu’ils ont une taille de 4 à 6 mètres et qu’ils sont associés à la banane plantain et à la banane poto. La récolte se fait avec une perche amovible prolongé par une scie…Pas question de monter aux arbres.
Cette expérimentation et veille statistique sur le fruit à pain à commencé depuis 1998, elle me permet d’avoir une production en continue toute l’année avec une forte baisse de janvier à mars, malgré l’irrigation et l’élagage des branches sèches. Il faut savoir que l’arbre à pain commence à porter des fruits à partir de 2 ans et ½ et à partir de 6 à 8 ans on peut récolter 200 à 300 fruits par arbre. Le rendement à l’hectare pour 100 arbres devrait rapporter 20 000 fruits avec un poids de 1.5 à 5.2 kg soit environ 32 tonnes. Entre l’apparition de la fleur et le fruit il faut attendre 11 semaines pour la maturité du fruit à pain, et même 17 semaines en plusieurs étapes.
Après chaque élagage s

évère il faut attendre 25 semaines pour avoir des fruits à maturité.
Pour obtenir de bons fruits, il faut une pluviométrie annuelle de 1000 à 3000 millimètres de pluie bien répartie entre les racines, personnellement je conseille au besoin un arrosage régulier des jeunes pous-ses mais aussi des plantes adultes.
L’arbre à pain n’apprécie pas les vents forts et fréquents qui peuvent le faire mourir (cyclone Maria). L’arbre à pain n’est pas sensible aux maladies aucun traitement à faire le fruit à pain est naturellement bio…
LA COMMERCIALISATION
Le fruit à pain est connu à l’international. Je reçois des commandes de partout avec des quantités à vous faire tourner la tête. La vente directe du fruit à pain est aux mains des petits agriculteurs, nombreux, disséminés dans toutes les communes de l’archipel guadeloupéen.
C’est pour eux une ressource de subsistance non quantifiable qui n’est pas habituellement détectés par les statistiques officiels.
Depuis 2009 les points de ventes de fruits et légumes sont en progression continue. On trouve le fruit à pain sur les marchés nocturnes, les marchés itinérants et les chaines de distribution des supermarchés et libre-service le présentent sur des étagères réfrigérées. L’impact à long terme de ce changement sur la croissance économique est encore à ce jour impossible à chiffrer.
Le fruit à pain doit être visible partout en bordure des routes au niveau de la ferme des exploitants agricoles des points de vente ou en vente indirecte pour les restaurants hôtels, les agro-transformateurs les livraisons à domicile ou encore la vente par internet.
Le rôle des SICA : SICAPAG, SICAFEL, SICAGRA n’est pas à négliger pour le développement de la filière fruit à pain.
SOIGNER LA PRESENTATION DU FRUIT A PAIN
Il y a une nécessité de préparation du fruit à pain pour la vente au marché. Cinq opérations de base :
1/ Eliminer les fruits non commercialisables, non conforme, non présentables
2/ Trier selon le degré de maturité et de la taille
3/ Calibrer les fruits à pain
5/ Laver les fruits à pain prêts à emballer dans un carton ou un cageot pour la distribution / la livraison à l’abri des sources de chaleur.
Le fruit à pain est très fragile il ne dure que 3 à 4 jours dans les meilleures conditions, et 15 jours au bas du réfrigérateur ou à température entre 10 et 15 degrés, soit dit en passant, il peut être expédié à l’international dans les conteneurs refrigés et suivre les mêmes circuits de commercialisation et de distribution que la banane dessert.
Il n’est pas conseillé de stocker le fruit en dessous de 12 degrés.
Le fruit à pain peut aussi être conservé par séchage ou par lactofermentation (Beyer, 2007).
Le journal gratuit AIDES indique que le prix du fruit à pain varie entre 1 euro à 3 euros selon les communes de Guadeloupe et dépendances.
N.B : Le fruit à pain congelé en provenance de la Martinique coûte 6,80 euros pour les 800 grammes et les bananes congelées poyo, 5,40 euros pour 800 grammes.
L’ AVENIR DU FRUIT A PAIN
Le fruit à pain est un aliment énergétique. L''amidon et le sucre en font un aliment riche en calories dont l''organisme a besoin pour conserver sa chaleur, travailler et jouer. C''est aussi une assez bonne source de vitamine C qui renforce les tissus de l''organisme, aide celui-ci à assimiler le fer et favorise le métabolisme.
Par ailleurs, le fruit à pain est riche en fibres nécessaires au bon transit intestinal. Les personnes qui mangent des aliments riches en fibres risquent moins de devenir trop grosses ou obèses. L''obésité peut être une cause de diabète et d''affections cardiaques.
Les graines de fruit à pain sont une assez bonne source de protéines dont l''organisme a besoin pour sa croissance et sa bonne santé. La vitamine B1 (thiamine), dont les graines sont bourrées, aide l''organisme à convertir les hydrates de carbone en énergie et en chaleur.
Les feuilles de l''arbre à pain sont une bonne source de vitamine C, de fer et de calcium. Le fer est bon pour le sang et le calcium aide à avoir des os et des dents solides.
Les utilisations alimentaires
du fruit à pain
Le fruit à pain est comestible, pour les variétés sans graines. faisant du fruit à pain un fruit à usages multiples. Il peut être consommé mûr ou immature, bouilli, cuit à la vapeur ou au four, également transformé en farine utilisée en complément de la farine de blé en boulangerie, ou comme gélifiant dans la préparation de crème pour le petit-déjeuner (Roberts-Nkrumah et Badrie, 2005). Les fruits mûrs sont mous et sucrés et sont utilisés dans la fabrication de gâteaux, de cookies et de flans.
Avec le temps, le fruit à pain a graduellement été accepté comme aliment de base, en particulier dans les zones rurales.
De petites quantités sont transformées en produits congelés, déshydratés sous vide, en conserve, en farines, chips, et les fleurs mâles «tototes» sont confites.
Le fruit à pain est plus généralement consommé, à maturité, comme aliment de base au quotidien.
Les préparations typiques sont nombreuses. Des ouvrages sur les recettes à base de fruit à pain ne manquent pas.
Les produits transformés, commercialisés en Guadeloupe sont la farine, des surgelés de tototte confite, des bijoux…
Il se mange en légume cuit à l’eau, au four, en purée, en croquettes, en frites, en gâteau, en pudding, en chodo (crème de fruit à pain)…
La fécule et la farine de fruit à pain permettent d’élaborer de nombreuses recettes (pains, crêpes, pâtisserie, pizza, etc.).
Les chatons mâles communément appelés tototes peuvent être confites pour faire des douceurs….
Les Utilisations non alimentaires
Les utilisations non alimentaires du fruit à pain sont presque essentiellement «médicinales».
Les feuilles sont utilisées en cataplasme pour soigner certaines maladies de la peau (furoncles).
En décoction, elles stabilisent la glycémie si elle est due à une insuffisance (Attygale, 1952 Said, 1969 Bever et Zahad, 1979).
Le latex et le bois font partie de la pharmacopée traditionnelle et ont de nombreux usages (Handy et al., 1972 Croft, 1987 Olsson, 1991, Whistler, 1992, Krauss, 1993).
Le latex est utilisé en massage de la peau pour le traitement des entorses, des claquages musculaires, des contusions, des douleurs sciatiques et en pansement ou en bandage en cas de douleurs de la colonne vertébrale. Ce latex est également utilisé pour des problèmes dermatologiques.
Les racines sont astringentes et sont utilisées en décoction comme purgatif, mais aussi contre les douleurs bucco-dentaires et les troubles gastro intestinaux (Mc Intoch et Manchew, 1993).
Les fruits utilisés en emplâtre, calment les brûlures de la peau, et en cataplasme, aident à faire mûrir les furoncles.
Les autres utilisations non-alimentaires et non médicinales
Elles sont diverses : le latex, comme colle pour piéger les oiseaux, colmater les pirogues, le bois, comme combustible et pour la construction de pirogue, de rame, de sa densité est de 505 à 645 kg/m3, les feuilles, comme fourrage pour les animaux. Son amidon a également été testé comme excipient dans les préparations pharmaceutiques de comprimés (Adebayo et Itiola, 2003). L’arbre à pain est porteur d’avenir.
AIDONS-NOUS A DONNER SENS AU DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE DURABLE.
AIDONS NOTRE PAYS, PLANTONS ? CONSOMMONS DES FRUITS A PAIN !