Aux députés et sénateurs des dernières colonies françaises NOUS DISONS QUE LE TEMPS EST VENU

Votre rébellion collective en Guyane contre le mépris et l’arrogance affichés à votre égard par l’Etat français a surpris positivement vos peuples respectifs, habitués à une déplorable complaisance envers ceux qui exercent leur tutelle coloniale sur nous.
Les sorties du ministre français Darmanin sur le pseudo-rôle libérateur d’une République qu’il nous somme d’aimer -alors même que cette fameuse République avait maintenu l’esclavage plus de deux années après son instauration en 1792- avaient légitiment entraîné votre courroux et votre indignation.
Partout, de Pointe-à-Pitre, de Fort-de-France, de Cayenne et Saint-Denis vous avez unanimement affirmé et revendiqué le rôle éminent joué par nos ancêtres communs réduits en esclavage dans leur propre libération. Vous vous êtes indignés, prenant enfin conscience du fait que la République française exaltée dans nos livres d’histoire écrits par des historiens vantant les mérites du colonialisme et des suprématistes blancs tels que Jules Ferry, était avant tout la République des Français enfermés dans leur roman national.
Vous vous êtes enfin indignés sous l’injure, sous les injures de tous ordres, prenant soudainement conscience que vous étiez considérés comme des Français de seconde zone, des relais d’un système colonial qui perdure et qui a besoin de vous pour maintenir nos pays sous sa domination. Dans les dernières colonies françaises, comme en Afrique les choses bougent et les tenants de l’ordre colonial s’en inquiètent, habitués qu’ils étaient à une certaine connivence, voire à une certaine docilité de la part de ceux que l’on désigne comme l’élite politique.
LE TEMPS EST VENU POUR PASSER DE L’INDIGNATION À L’ENGAGEMENT
Le temps est venu pour assumer pleinement notre héritage historique et d’être à la hauteur des enjeux et des rêves de liberté de nos ancêtres communs dont nous sommes plus que jamais l’espérance. Ces ancêtres, nos ancêtres n’ont en vérité jamais été des esclaves, de vulgaires objets, des biens meubles comme le Code Noire l’édictait en voulant les rabaisser et les chosifier. Non, nos ancêtres étaient des hommes et des femmes pétris d’humanité, composant des sociétés organisées et laborieuse, maîtrisant les arts et les sciences, que des hordes de barbares ont réduit en esclavage.
Les choses ne se révoltent jamais car elles n’en ont ni la capacité ni la vocation, mais l’homme réduit en esclavage est un homme maintenu par la force sous la contrainte, mais qui garde toutes les facultés attachées à sa condition humaine.
Dans tous nos pays esclavagisés par la France, les hommes et les femmes dont nous sommes issus ne se sont jamais rendus : ils ont marronné, ont pris les armes pour conquérir leur liberté, ont instauré des gouvernements et même des Républiques.
Nous leur devons donc le respect et ne devons à aucun prix reprendre à notre compte les termes méprisants, comme le mot esclave, dont se servaient les colons européens pour désigner des hommes, des femmes et des enfants en rien inférieurs à eux, mais qu’ils avaient réduits en esclavage.
LE TEMPS EST VENU DE NOUS NOMMER NOUS-MÊMES
Le temps est venu, l’Histoire étant en marche, pour que chacun de vous mais aussi chacun des colonisés des territoires encore sous tutelle française s’interdise désormais de faire sien le paradigme des français, mais s’honore en désignant publiquement et avec fierté nos arrière-parents comme des Hommes et des Femmes Réduits en Esclavage.
Leur réhabilitation par vous et par tous, nous confèrera la dignité qui nous a été enlevée, et nous ramènera à l’essentiel, à savoir notre véritable identité, se substituant à cette fausse identité qui nous a été imposée.
Cette démarche d’auto-réparation, engendrera forcément d’autres, comme la revendication de Réparations, pas seulement pour l’empoisonnement de nos terres et de nos corps par le chlordécone, mais pour aussi et surtout des siècles d’esclavage et d’humiliations.
La décolonisation des esprits ayant commencé, vous découvrirez bientôt que Réparations et Décolonisation sont consubstantiels, et que nul ne peut contester cette logique.
Le temps est venu pour vous, comme pour tous, de s’engager avec détermination, car c’est bien la mission de notre génération.

Pour le CIPN Guadeloupe
Sa présidente J. Jacqueray

Pour le MIR Martinique
Son président G. Malsa

Pour le CNR Martinique
Sa présidente G. Privat

Pour le MIR Guyane
Son président Apa Mumia Makeba