Un 8e titre de champion du monde pour Lionel Picord
A 46 ans, le boxeur guadeloupéen Lionel Picord réalise une prouesse en décrochant un 8e titre mondial dans la catégorie full-contact fin mai en Hexagone. A l’issue de cette victoire, il fait le point sur sa brillante carrière sportive et réfléchit à l’avenir.
Lionel, vous détenez huit titres de champion du monde dans la discipline full-contact, deux titres européens et cinq titres nationaux en boxe pro anglaise. Quel palmarès ! Vous êtes une machine ! (Rires)
C’est vrai que j’ai un parcours plutôt atypique pour un sportif de haut niveau. J’ai 46 ans et, dans mon corps, j’ai encore de bonnes sensations qui me permettent d’aller chercher des titres. Cela fait 20 ans que je boxe, que je m’entraîne sans relâche avec beaucoup de rigueur et de professionnalisme et, aujour-d’hui, je fais le constat que je me sens totalement bien avec moi-même à tout point de vue.
Qu’est-ce qui vous a poussé à devenir boxeur professionnel ?
J’étais un féru des arts martiaux et j’ai commencé le sport par ces disciplines. Elles m’ont permis d’acquérir une sagesse et une connaissance de mon corps qui m’ont fortement aidé lorsque j’ai évolué vers la boxe. J’avais acquis une souplesse, une vitesse et, surtout, un relâchement corporel que j’ai mis à profit dans ma manière de boxer et qui m’a permis de prendre peu de coups dans ma carrière. Cette prévention face aux blessures, associée à une préparation mentale adaptée, m’a ouvert des portes vers des compétitions majeures, puis des titres majeurs. J’ai pu passer des paliers et être patient pour atteindre les sommets dans ma discipline. En 2012, lorsque j’ai gagné mon premier titre de champion du monde, les choses se sont accélérées et cela m’a amené à faire des choix.
Lesquels ?
Je voulais faire carrière en boxe anglais mais j’ai vite compris que ce milieu était extrêmement difficile d’accès et très peu soutenu… Vous êtes souvent seul et il est compliqué de trouver des sponsors. J’ai fait le choix de quitter la France pour m’installer au Maroc et m’épanouir dans ce pays merveilleux. Ici, j’ai trouvé un encadrement sportif sérieux qui croyait en moi et j’ai pu aussi construire ma vie de famille. D’ailleurs, ce pays a beaucoup de similarités avec la Guadeloupe. Parfois, on me confond même avec un Marocain ! Je suis fou de mon île et de mon patrimoine et, ici, je retrouve cette qualité de vie au coeur d’un continent neuf où tout est à développer. La Guadeloupe a un potentiel fou dont elle n’a pas confiance à la différence du Maroc qui a pris les rênes de son propre destin. Ici, le peuple a su innover et s’élever. De plus, il y a de super athlètes sur notre île mais l’accent n’est pas suffisamment mis sur le sport et sur la détection de jeunes en devenir. Expliquez-moi pourquoi l’île voisine, la Jamaïque, cartonne-t-elle ? Parce qu’il existe une volonté politique d’investir dans ses sportifs. Nous, Français, sommes trop attentistes dans ce domaine et c’est aussi cela qui m’a amené à partir. Je voulais plus et c’est chose faite !
Quel regard avez-vous sur votre impressionnante carrière ?
Je reste quelqu’un de très humble. Bien sûr je suis fier de ces titres car je suis allé les chercher ! Il ne faut pas négliger le travail que ce sport demande. Beaucoup veulent briller et se cassent vite les dents ! Ce n’est pas parce que vous êtes champion olympique que vous êtes prêt à entrer dans l’arène des pros. C’est une utopie de croire cela. Il ne faut pas aller plus vite que la musique et c’est souvent l’erreur des fédérations françaises voire des médias… Elles montent des sportifs en épingle et ceux-ci n’ont pas les épaules pour le haut niveau. Je ne dénigre pas nos athlètes mais je pense qu’il y a des étapes à respecter dans une carrière. Moi, je n’ai plus rien à prouver. Mes titres parlent d’eux-mêmes et j’ai réussi en toute discrétion. Les projecteurs sont un plus mais une carrière se crée à la volonté et aux performances. Je viens d’avoir 46 ans et je n’ai pas envie d’arrêter… C’est fou !
D’où vous vient cette énergie débordante ?
En faisant des tests médicaux, j’ai découvert récemment que j’étais sujet aux troubles d’hyperactivité. Mon cerveau est stimulé sans cesse et cette capacité forte d’hyper concentration me permet de me focaliser sur quelque chose et de le faire à fond ! Comme la boxe ! Sans le savoir, j’ai réussi à vivre avec cette pathologie et je pense que cela a joué dans l’acquisition d’une détermination mentale et sportive. Aujourd’hui, je suis en pleine forme. Avec mon kiné, nous réfléchissons à de nouveaux objectifs. Pourquoi pas un nouveau championnat de kick-boxing ? les J0 2024 ? Je ne me projette pas mais je sais que je peux encore réaliser de jolies choses.