Qui craint réellement le changement de statut ?

Les résultats du dernier sondage réalisé par l’institut Qualistat au début du mois de juin 2023, sur la question de l’évolution statutaire en Guadeloupe, sont reçus comme des révélations qui ont fait bouger les «lignes» au XVIIe Congrès des conseillers généraux, régionaux et maires de la Guadeloupe.
Sans pour autant jouer la mouche du coche, il ne faut pas se laisser prendre au «vèglag» des élus qui ont convoqué un congrès de la diversion, parce qu’ils n’avaient rien de vraiment pensé et construit dans leur besace sur la question des évolutions institutionnelles et statutaires.
Leur intention était tout simplement, dans leur démarche bien ancrée depuis plusieurs années, de montrer aux Guadeloupéens qu’ils s’occupent de leurs quotidiens en recherchant avec le Gouvernement français, les moyens pour mettre en oeuvre des meilleures politiques publiques. Le sous-entendu est à peine voilé : la question des institutions et des statuts n’est pas la priorité.
Ils avancent à coup de «masko», les yeux rivés sur les prochaines échéances électorales. Personne ne veut risquer de perdre sa place. C’est dans ce contexte de grande exaspération des Guadeloupéens, qui vivent de plus en plus mal la situation de déliquescence dans laquelle s’enfonce le pays, que s’est ouvert ce XVIIe Congrès, sur médiatisé avec en toile de fond une guerre larvée pour le leadership politique en Guadeloupe.
Tous les ingrédients étaient mis en place pour déboucher sur le vide. Le sondage Qualistat est arrivé comme une corde de sauvetage qui a sauvé, ce jour-là, les élus du précipice.
Dans un réflexe de survie, ils se sont rangés derrière la réponse des 59% des Guadeloupéens qui se disent favorables à une fusion des deux assemblées en une collectivité unique. Pourquoi voient-ils l’expression de cette intention, comme une révolution ?
Tous les observateurs lucides et honnêtes de la vie politique savent que depuis la décentralisation les Guadeloupéens n’ont pas peur d’un changement de statut.
Les conservateurs, les assimilationnistes et certains nationalistes ont spéculé sur le non à la fusion des deux assemblées lors de la consultation de 2003, refusant d’admettre et pour certains jusqu’à ce jour, que c’était le résultat d’une campagne de la peur. Car, à la veille de cette consultation, dans un sondage Qualistat 72% de Guadeloupéens se disaient concernés par l’évolution institutionnelle et pour la fusion des deux assemblées. Après la consultation, seulement 34% se disaient rassurés pour l’avenir de la Guadeloupe.
Dix ans plus tard, en 2013, toujours dans un sondage Qualistat : 65% de Guadeloupéens sondés étaient pour une collectivité unique, 70% considéraient que c’était une bonne chose et 95% étaient d’accord pour un référendum sur le changement de statut.
En 2023, vingt après, interrogés par Qualistat, 59% de Guadeloupéens se disent toujours favorables à une collectivité unique, alors qu’ils étaient 53% en 2003. Alors qui a eu peur ? Qui a craint le changement de statut ? Qui a réellement quelque chose à perdre avec le changement de statut ?
Le séisme qui a secoué les élus le 9 juin ne doit pas nous conduire à baisser la garde et à croire dans les bonnes intentions affichées au pied du mur.s