Sénégal : Entretien avec Diagne Fodé Roland, membre du comité éditorial de Ferñent

La répression frappe de façon sanglante ces dernières semaines au Sénégal, où le régime de Macky Sall, l’un des piliers de la Françafric, se maintient par la force. La répression des manifestations de l’opposition a fait plusieurs dizaines de morts et des centaines de blessés d’après la croix-rouge sénégalaises. Diagne Fodé Roland membre du comité éditorial du journal communiste, ouvrier, populaire, panafricain Ferñent, répond aux questions d’Initiative Communiste.

IC : Peux-tu d’abord, pour nos lecteurs, situer ton ancrage militant au Sénégal ? Qu’est-ce que «Ferñent»?
Diagne Fodé Roland :
Ferñent (Étin-celle en Wolof) est un journal communiste, ouvrier, populaire, panafricain né en février 1983 ; Seul clandestin à l’époque vu la légalisation de tous les groupes, partis et mouvements se réclamant de la gauche marxiste-léniniste et maoïste.
IC : Quelles sont les forces politiques au Sénégal et que représentent-elles en termes de classes ?
Historiquement les partis de la bourgeoisie bureaucratique compradore sont le PS parti social-démocrate membre de l’Interna-tionale Socialiste et ses démembrements, le PDS parti libéral membre de l’internationale Libérale et ses démembrements dont l’actuel parti au pouvoir l’APR.
Le panafricanisme et le panégrisme, c’est-à-dire la quête d’unité de l’Afrique et des Noirs à travers le monde sans référence de classe a été représenté par le RND du savant Egyptologue Cheikh Anta Diop dont les travaux sur «l’antériorité nègre de l’Egypte pharaonique» et «les fondements économiques et culturels d’un Etat fédéral d’Afrique Noire» promeuvent la souveraineté africaine d’une bourgeoisie nationale soumise à la domination néocoloniale impérialiste. Le PAI, puis le PIT et la LD qui en sont issus, And Jëff parti maoïste et Ferñent sont les courants idéologiques marxiste-léninistes qui affirment oeuvrer à l’édification du parti de la classe ouvrière et des classes laborieuses.
IC : Où en est actuellement le mouvement populaire sénégalais ?
La collaboration de classe dans les gouvernements bourgeois néocoloniaux des directions des partis communistes et des principaux leaders de la gauche historique au Sénégal ont annihilé d’importantes avancées du mouvement syndical dont la combativité a été longtemps animée par l’unité d’action qui a fait naître le «syndicalisme autonome de lutte» contre la «participation responsable» sous contrôle du PS bourgeois néocolonial. C’est ce syndicalisme de lutte par exemple qui a empêché la privatisation du secteur de l’électricité au Sénégal contrairement à d’autres pays du «pré-carré» françafricain après la dévaluation de 50 % du franc colonial CFA en 1994 par décision de Miterrand-Balladur.
Toutes les conquêtes démocratiques, notamment la fin du parti unique et les deux alternances bourgeoisies néocoloniales résultent des combats de classe animés par l’unité d’action sur le terrain de la gauche communiste dans sa diversité et des panafricanistes.
La participation aux gouvernements néocoloniaux de la gauche ex-communiste a créé un vide à partir de 2014 qui a été rempli par une rébellion patriotique de la jeunesse intellectuelle qui pointe du doigt la «mal-gouvernance» qui a produit des milliardaires qui le sont devenus par les détournements des deniers publics et le bradage des richesses nationales aux impérialistes, principalement français.
Émergeant de l’illusion longtemps distillée que les plans libéraux d’ajustement structurel du FMI, de la Banque Mondiale, de l’OMC et la «coopération» avec l’impérialisme allaient «développer» le pays, la jeunesse intellectuelle patriotique s’est dotée d’un parti-front, Pastef-Les patriotes, rassemblant, à une vitesse TGV, les éléments les plus combatifs de la petite bourgeoisie intellectuelle, les ouvriers, les paysans, les éleveurs, les pêcheurs, les travailleurs de la débrouillardise du secteur informel, les femmes et des fractions de la bourgeoise d’affaires. La jeunesse sénégalaise et africaine choisi de plus en plus nettement de rester au pays pour le changer que de continuer à subir la tragédie mortelle des traversées du désert du Sahara et des océans pour subir le racisme d’Etat qui en font des «sans-papiers» dans les chimériques «eldorados» de la forteresse du bloc impérialiste en construction qu’est l’UE.
C’est ce parti-front que les résistants de la gauche communiste, ceux et celles qui ont rompu avec les renégats participatifs aux gouvernements néocoloniaux, ont rejoints à l’instar de ce que fut le Rassemble-ment Démocratique Africain (RDA) fondé à Bamako en octobre 1946 aidé en cela par le PCF de Thorez/Duclos/Frachon et qui réunissait en son sein le bourgeois agrarien Houphouët Boigny, l’enseignant Modibo Keita et le syndicaliste postier Sékou Touré.
Ce parti-front et l’ensemble des organisations démocratiques de la «société civile» comme le FRAPP (Front pour une Révolution Anti-Impérialiste Panafricain et Populaire ou Y en Marre) qui, pour les communistes que nous sommes à Ferñent, constitue notre jambe droite contre le néocolonialisme. La jambe gau-che, c’est le travail idéologique et politique pour rassembler les communistes résistants et les jeunes qui veulent devenir communistes.
Notre travail associe dialectiquement ces deux tâches pour que le mouvement ouvrier et populaire, les classes laborieuses se dotent de leur propre parti de classe dans la perspective de la libération nationale et sociale dans un monde où les rescapés du camp socialiste -communiste que sont la Répu-blique Populaire de Chine, le Viet-nam socialiste, la Corée du Nord et Cuba socialiste sont des exemples vivants que l’avenir appartient au communisme. Source : Initiative communiste