La Guadeloupe à la Gold Cup : Entre espoir et questionnement

La Guadeloupe avec la sélection masculine de football participe à la Gold Cup, compétition créée sous sa forme nouvelle en 1991 par la CONCACAF (Confédération de football d''Amérique du Nord, d''Amérique centrale et des Caraïbes), l’équivalent de l’UEFA pour notre région.

La Coupe d’or est largement dominée par le Mexique et les États-Unis, vainqueur à eux deux à 15 reprises, laissant la palme une seule fois au Canada en 2000. L’équipe de la Guadeloupe avait atteint les demi-finales en 2007, s’inclinant avec les honneurs devant le Mexique et ses vedettes européennes.
Naguère abonnée aux rencontres avec la Caraïbe, avec notamment le Trophée Caraïbe, la Guadeloupe avait été orientée au début des années 1960 vers la France, à l’épo-que où celle-ci, en plein processus de décolonisation et de revendication, avait tenté d’assimiler à outrance, en proposant les Jeux, fort éphémères, de la Communauté ou la participation à la Coupe de France, devenue pour cette dernière, une compétition (anesthésiante) de référence chez nous, nous faisant croire désespérément à une reconnaissance trop souvent réclamée.
Il faudra attendre le volontarisme du docteur Jacques Rugard et celui de son équipe pour que la Caraïbe et les Amériques du Centre et du Nord nous ouvrent les bras.
Le rôle de Jack Warner, un Trinidadien très influent dans le milieu du football caribéen et mondial, aura été bénéfique à notre adhésion à la CONCACAF, bien avant ses démêlés connus avec la justice, en même temps que Sepp Blatter et d’autres dirigeants du football mondial.
LA COMPÉTITION EN 2023 : ENTRE CERTITUDES
ET INCERTITUDES !
Après être redescendue dans le groupe C, notre sélection nationale est montée en B et a dû disputer les préliminaires pour accéder à la Gold Cup en battant d’une part Antigua qui nous avait mené la vie dure lors des étapes précédentes et d’autre part l’équipe du Guyana. Le sélectionneur Jocelyn Angloma en dépit des critiques a souhaité conserver son groupe et jusqu’à maintenant les choses semblent lui donner raison.
Pour nos joueurs, ce tournoi est un aboutissement. En plus de la fierté de jouer pour leur territoire, ils accomplissent le rêve de tout footballeur professionnel -jouer une grande compétition internationale - déclare le sélectionneur qui dit en prime : «j’ai eu l’occasion de vivre ces moments exceptionnels et rares en tant que joueur, et je sais à quel point cela est important pour eux».
La Guadeloupe est placée dans un groupe comprenant le Canada, 46e mondial, Cuba, 166e mondial, le Guatemala, 116e mondial. Il s’agit d’adversaires aguerris, là où le football est organisé à un niveau international et professionnel, hormis Cuba, notre prochain adversaire qui a connu la défection de quatre joueurs. La performance de l’équipe de la Guadeloupe contre le Canada n’est pas passée inaperçue et la presse spécialisée désigne notre sélection comme la révélation de la compétition.
Après une campagne de Nations League, quelque peu décevante, nous avons ressenti, nous Guade-loupéens, un sentiment de fierté après ce match nul méritoire contre l’une des meilleures équipes du tournoi. Selon l’entraîneur Jocelyn Angloma, nous avons des chances de nous qualifier pour les quarts de finale ; «cela fait partie de nos certitudes, mais, nous avons aussi, dit-il beaucoup d’incertitudes».
AU-DELÀ DE LA COMPÉTITION : RÉFLÉCHIR À NOTRE AVENIR INSTITUTIONNEL
Parmi les problèmes évoqués par le sélectionneur, certains sont de nature structurelle, tenant à nos ressources financières et à notre position de colonie départementalisée. L’essentiel du développement du sport et du football en particulier est soutenu par les collectivités, alors que, tout autour de nous dans la Caraïbe, l’effort de la FIFA est important, depuis Joao Havelange qui pour des raisons stratégiques s’était abondamment appuyé sur de petites fédérations et notamment celles regroupées au sein de la CONCACAF. C’est ainsi que des instructeurs, Sud-Américains pour la plupart, viennent épauler les cadres nationaux, tandis que des moyens sont alloués à la construction d’espaces sportifs dans ces pays proches de nous.
L’équipe de la Guadeloupe est supportée par un contrat d’objectifs avec la Région, et il semblerait que la même chose soit en train de se mettre en place au niveau du Départe-ment. Au fur et à mesure que nous avançons dans la compétition, la CONCACAF intervient, mais cela ne représenterait que la moitié des ressources nécessaires.
Le budget de la sélection de la Guadeloupe pour cette compétition représente environ 300 000 €, si nous parvenons aux quarts de finale, avec un apport de la CONCACAF qui s’élèverait à 150 000 €. Il faut aussi savoir que les frais de séjour sont pris en charge par l’organisateur de la compétition.
Il faut ajouter à cela les difficultés d’ordre institutionnel qui ne nous procurent pas les avantages qu’ont les sélections de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie, par exemple. On a vu des entraîneurs français, s’opposer à la mise à disposition de la sélection de la Gua-deloupe de joueurs du pays.
Plus récemment, et au cours de cet-te compétition, l’équipe de Greno-ble qui évolue en D2 a donné de la voix de manière virulente pour que les joueurs Tell et Phaéton, rejoignent le club qui les emploie, au prétexte que la Guadeloupe n’est pas membre de la FIFA.
«Notre statut particulier nous rend entièrement dépendants de la volonté des clubs professionnels, qui pour certains commencent déjà à vouloir rappeler des joueurs», nous dit le sélectionneur Jocelyn Angloma.
À ce sujet, il convient de dire qu’aujourd’hui c’est la Fédération française de football qui bloque, en ne donnant pas son accord et en cherchant par tous les moyens à ne pas ouvrir le champ vers une adhésion pleine et complète à la FIFA, malgré un accord conclu avec cette instance en 2017, par le biais de la FFF grâce à la détermination du président de la Ligue guadeloupéenne de football, Jean Dartron.
Membre de la CONCACAF, la Guadeloupe ne peut cependant disputer les éliminatoires qualificatives pour la Coupe du monde, ce qui n’est pas le cas pour la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie. Nous ne pouvons non plus prendre part aux compétitions débouchant sur notre présence aux JO.
Ailleurs, les Îles Féroé (province autonome du Danemark), Gibraltar (territoire britannique d’outre-mer) sont membres de la FIFA, car d’un point de vue institutionnel, leur niveau d’autonomie est plus important que le nôtre par rapport à l’État français et il est vrai qu’elles ont adhéré à la FIFA à une époque où le jeu était encore ouvert.
Certes, nous bénéficions d’un soutien de la CONCACAF pour notre participation à la Gold Cup, mais cela n’a rien à voir avec les autres pays caribéens membres de la FIFA, car c’est là où le bât blesse : la Fédération française de football, instance rétrograde et conservatrice fait des pieds et des mains pour que nous en restions là où nous sommes, «bénéficiant» de subsides, soi-disant généreusement accordés par ces messieurs «comme il faut», aurait dit le poète national Guy Tirolien.
Il faut croire qu’avec la nouvelle équipe à la tête de la fédération française, jacobine et centralisatrice, qui a montré son conservatisme dans l’affaire de la coiffe des jeunes femmes musulmanes, les choses ne vont pas changer. «Ça va être compliqué. Il y a des discussions qui se font. On n’a pas notre autonomie, comme l’ont la Nouvelle-Calédonie ou Tahiti (reconnus par la FIFA), qui peuvent jouer la Coupe du monde», pour reprendre une déclaration de Jocelyn Angloma, notre sélectionneur, au journal Ouest-France.
Cette compétition est très intéressante et cette posture des clubs européens (car il n’y a pas seulement que les Français), nous oblige à réfléchir sur la nécessité de nous mettre dans une situation institutionnelle qui nous permette d’adhérer à la FIFA et ainsi donc pouvoir participer à des compétitions internationales au-delà de la Gold Cup et mettre ainsi en place une véritable politique sportive, basée sur la massification, le renouvellement de l’élite et bien évidemment l’émergence et la consolidation d’une sélection correspondant à nos voeux, hors du diktat des clubs étrangers. Football et politique ne sont pas aussi loin que l’on pense.

LE PROGRAMME DE LA GUADELOUPE

• 02/07 : Cuba-Guadeloupe
• 05/07 : Guatemala-Guadeloupe
Les vainqueurs de la Gold Cup :
1991 : États-Unis
1993 : Mexique
1996 : Mexique
1998 : Mexique
2000 : Canada
2002 : États-Unis
2003 : Mexique
2005 : États-Unis
2007 : États-Unis
2009 : Mexique
2011 : Mexique
2013 : États-Unis
2015 : Mexique
2017 : États-Unis
2019 : Mexique
2021 : États-Unis