Le Comité interministériel des Outre-mers a accouché d’une souris de laboratoire

«Mon peuple, quand donc cesseras-tu d’être le jouet sombre, au carnaval des autres ou dans les champs d’autrui, l’épouvantail désuet». Aimé Césaire . (Recueil ferrements)

Les présidents des collectivités colonisées par la France, enfermés dans leur «kwayans a mal papay» ont certainement considéré comme dépassée ou ne s’adressant pas à eux cette interrogation lancinante du poète de la négritude. Ils en font les frais aujourd’hui. Par cécité politique ou prétention de se hisser au rang de partenaires du président Emmanuel Macron, ils se sont laissé tourner en «bourricot».
Le Comité interministériel des Ou-tre-mer (CIOM) promis par le président de la République depuis un an, après plusieurs reports s’est tenu en définitif le 18 juillet dernier sous la présidence de la Première ministre Elisabeth Borne, entourée dit-on, de dix-sept ministres. On est loin de l’exercice de Nicolas Sarkozy en 2009. Les appréciations plus ou moins mitigées des élus indiquent clairement que ce Comité interministériel a accouché d’une souris de laboratoire.
UNE GRANDE DECEPTION
La déception même contenue, traverse tous les courants politiques. Pour le Guyanais Davy Rimane (gauche démocratique et républicaine), récemment élu président de la Délégation Outre-mer : «Il n’y a rien de transcendent dans tout ce qui a été annoncé. Vu comment ces territoires sont traités, l’Etat ne peut pas être inconscient de la distance qui croit entre ces territoires et l’Etat. A un moment donné, qu’il le veuille ou non, l’Etat va devoir en répondre».
De son côté, le socialiste Philippe Naillet de La Réunion estime que «de nombreuses attentes restent largement insatisfaites et rien de fort n’est proposé pour stopper la fracture sociale et réduire les inégalités».
Cette déception est d’autant plus grande que la convocation de ce Comité interministériel a été accueilli favorablement par les élus en ces termes : «ce CIOM, doit ouvrir la porte a des arbitrages réels et permettre des avancées relatives à des sujets sur lesquels l’Etat est très attendu : Les moyens dédiés à la santé, les moyens octroyés aux collectivités pour conduire le développement économique localement, le soutien la réalisation des objectifs stratégiques d’autonomie alimentaire et énergétique, la continuité territoriale, les actions de dépollution et de réparation des dégâts causés par le chlordécone». Toutes ces doléances n’ont trouvé aucun écho auprès du gouvernement qui a déroulé son catalogue de mesures concoctées comme cela se fait toujours, dans les cabinets ministériels.
LE DÉVELOPPEMENT
NE VIENDRA PAS DE PARIS
72 mesures hétéroclites, sans cohérence d’ensemble ont donc été validées par ce comité et s’inscrivent dans six grands chapitres :
• Transformer les économies ultramarines
• Améliorer la vie quotidienne dans les Outre-mer
• Mieux accompagner les enfants, les jeunes et les étudiants
• Garantir un environnement normatif adapté aux spécificités des Outre-mer
• Construire l’avenir avec des équipements et infrastructures adaptés aux nouveaux défis
• Assurer un suivi interministériel régulier
Exit les 153 propositions adoptées par le Congrès des élus guadeloupéens et adressées au gouvernement comme base de discussion à la rencontre du Comité Interminis-té-riel. Effacer les problématiques soulevées dans «l’Appel de Fort-de-France» pour des nouvelles relations avec le pouvoir central. Les deux principales mesures qui mobilisent l’attention du pouvoir français, c’est :
• La réforme de l’Octroi de mer, la seule autonomie fiscale des collectivités Outre-mer qui ne rapporte rien à la France. Alors qu’elle ne parle pas de la TVA cette taxe injuste qui va directement dans ses comptes.
• La mobilité, avec cette fois, l’introduction d’un mécanisme pervers pour permettre aux ressortissants français de souches de venir s’installer dans les Outre-mer pour étudier et travailler. Le grand remplacement a commencé.
ERADIQUER LA
COLONISATION
La douche est peut-être froide, mais elle est revitalisante. Elle nous renvoie à Aimé Césaire dans «Ferre-ments». Mais elle nous rappelle aussi le postulat posé par le dirigeant communiste Rosan Girard dès le début des années soixante : «Il est pour le moins stupide de penser que la Guadeloupe pourrait se développer et connaître le progrès social dans l’application bornée des lois et des règlements pensés pour la France et l’Union européenne».
Le message qu’il fallait entendre est toujours à l’ordre du jour : «Il faut rompre avec l’assimilation et l’intégration pour instaurer en Guade-loupe un pouvoir politique autonome, démocratique et social».