L’économie guadeloupéenne se porte-t-elle aussi bien ?

Fin juin, l’Iedom (Institut d''émission des départements d''outre-mer) et l’Insee ont présenté conjointement le bilan de l’année économique de la Guadeloupe en 2022 et les premiers chiffres enregistrés au cours de l’année 2023. Les feux sont au vert et les tendances pour les mois à venir semblent prometteuses. Thierry Beltrand, directeur de l’Iedom Guadeloupe, en énonce les grandes lignes.

Quelles sont les premières conclusions que vous pouvez faire de
l’année 2022 ? Et du premier semestre 2023 ?
Thierry Beltrand : Le fait principal est que 2022 est clairement une année de reprise. Nous avons eu cette chance qu’à la suite de la crise sanitaire l’économie guadeloupéenne ne s’est pas totalement effondrée grâce notamment au soutien du gouvernement et des collectivités territoriales. Malgré tout, on misait beaucoup sur une reprise dès 2021 qui n’a pas eu lieu. Il aura fallu attendre l’année 2022 pour voir une belle reprise de notre économie. Mais elle est belle et bien là ! De plus, les nouvelles vont dans le bon sens, c''est la sensation que nous avons des premières analyses de l’activité début 2023. Il y a des facteurs non négligeables qui nous amènent à penser que cette année sera une belle année pour la Guadeloupe.
En effet, le tourisme mène sa bar-que très confortablement. Nous avons retrouvé une fréquentation touristique quasi similaire à nos chiffres d’avant crise (2 millions de passagers contre 2,4 millions de passagers en 2019) et, cela, en dépit de la hausse extraordinaire du prix des billets d’avion

. Les Français de l’Hexagone ont toujours cette soif de découverte des Antilles avec un trafic touristique aérien assuré à 90% et nous en sommes ravis. Les Canadiens sont également de plus en plus nombreux. Si cette tendance se poursuit, nous espérons mettre derrière nous ce triste épisode…
On l’a donc bien compris, le tourisme est le moteur de l’activité économique guadeloupéenne aujourd’hui. Mais peut-il soutenir les autres secteurs ?
Malheureusement non. C’est à ce niveau que nos inquiétudes se situent. Le tourisme amène son lot de belles réussites mais il ne peut pas, à lui seul, soutenir une économie. Nous avons besoin que d’autres secteurs reprennent des couleurs, notamment le bâtiment et la construction. Il reste encore de nombreux chantiers en cours ce qui donnent une sensation de mouvement mais le renouvellement de ce marché va être très compliqué notamment à cause de la hausse du prix des matières premières et matériaux et de la hausse des taux d’intérêt bancaires… Le ralentissement des crédits pour l’habitat a déjà des conséquences sur notre territoire qui a besoin de construire et créer du logement. C’est un secteur qui subit de plein fouet l’inflation tout comme le commerce. L’inflation (augmentation de 3,6% en 2023 contre 1,8% en 2021), particulièrement dans l’alimentation, a eu un impact fort sur la consommation et à isoler encore davantage les petits ménages. A l’Iedom, nous recensons une augmentation de 30% du nombre de dossiers de surendettement. Nous ne voulons pas être alarmistes mais c’est notre rôle de surveiller de près la détérioration de l’accès à la consommation des ménages.
Comment se portent
les entreprises ?
Elles ont été largement protégées durant et après la crise covid. Énormément de prêts garantis par l’Etat (PGE) ont été accordés en Guadeloupe mais, dès lors que le temps était venu de les rembourser, les choses se sont corsées. En effet, beaucoup d’entreprises n’ont pas consolidé leur trésorerie et ne peuvent pas rembourser… Nous avons vu certaines d''entre elles disparaître mais de façon plutôt localisée, ce qui rassure. D’ailleurs, nous avons effectué une enquête d’opinion sur leur moral et il semble toujours présent. A titre d’exemple, la création d’entreprise est à son plus haut niveau depuis vingt ans avec 7 850 nouvelles immatriculations dont la moitié sous le statut de micro-entrepreneurs. De notre côté, nous restons vigilants et à leur écoute quant à leurs besoins et nous développons des accompagnements individualisés pour chacune.
Si l’année 2023 dévoile des signes encourageants, pouvons-nous être optimistes ?
Oui je le pense. Le tourisme a un impact tel sur notre activité économique qu’il va rayonner directement ou indirectement auprès de secteurs en berne. Aussi, les croisiéristes sont de retour. C’est également notre point fort et nous devons l’exploiter à bon escient. Les investissements en Guadeloupe sont croissants, le taux d’emploi également, cela démontre une confiance dans notre territoire.