Mettre les matériaux durables au coeur du bâti

Du 28 au 30 juin 2023, le Conseil régional de l''Ordre des architectes de Guadeloupe (CROAG) a organisé un symposium caribéen et amazonien sur les matériaux durables à l''hôtel Langley en Guadeloupe. Des experts nationaux et internationaux dans ce domaine ont présenté leurs idées et ont fait converger ensemble des projets communs prochainement dans la Caraïbe. Joan Dessaint Fomi, secrétaire générale du CROAG, met en lumière les temps forts de ce rendez-vous.

Dans quel cadre a été initié ce
symposium et pourquoi ?
Joan Dessaint Fomi : Nous avons récemment participé à notre con-vention nationale des architectes à Nantes et nous nous sommes portés volontaires pour une meilleure implication des architectes auprès des acteurs de la Ville dans l’aménagement du territoire dans le cadre de la transition écologique. Chaque région devait ainsi définir des actions et mener ces objectifs à leurs termes et, pour cela, nous avons décidé d’organiser un symposium en Guadeloupe réunissant divers professionnels de l’univers des matériaux durables issus de la Caraïbe (Martinique, Guyane), dans le but d’un meilleur ancrage dans notre zone géographique, mais également des pays d’Amérique latine, d’Afrique et d’Europe, pour plus de partages. En effet, les contributions de chacun étaient essentielles pour réfléchir de manière homogène et apporter des idées complémentaires à des projets déjà existants ou à venir. Il existe aujourd’hui des dispositifs autour du développement de l’utilisation des matériaux durables qui permettent d’avoir un réel impact sur la politique de décarbonation, la lutte contre le réchauffement climatique ou encore contre les effets de serre et la pollution

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Avez-vous été surprise par les discussions lors de ces tables rondes ?
Oui, j’ai été agréablement surprise par l’engouement général. Il y a un sentiment fort de vouloir créer un réseau d’acteurs impliqués à définir de nouvelles stratégies technologiques adaptées à nos modes de vie caribéens tout en respectant notre écosystème. Les matériaux durables ont, désormais, un rôle fondamental dans notre travail d’architecte tant dans la construction neuve mais également dans la réhabilitation du bâti. Nous ne pouvons plus construire comme auparavant. Nos expérimentations et nos recherches concernant la durabilité et le réemploi de ces matériaux commencent à porter leurs fruits et nous pourrons bientôt envisager de les démocratiser avec l’appui du secteur du logement.
Quelles sont-elles ?
Nous travaillons à développer des projets inclusifs qui font appel au bois, bambou, béton bas carbone ou terre crue. Ces matériaux sont à notre portée et doivent être absolument intégrés à nos réflexions. De même que la feuille de coco ou la fibre de bananier qui sont des isolants intéressants. A travers cette réunion, nous nous sommes rendus compte que tous nos territoires voguaient dans le même sens et c’est une belle nouvelle. Nous recherchons tous à apporter de la modernité et de la technologie à nos constructions mais en étant le moins invasif possible. La richesse et la dynamique de nos débats nous démontrent que nous sommes prêts à faire bouger les lignes. Il y aura un processus d’adaptabilité nécessaire auprès des instances et du secteur public pour établir de nouvelles réglementations mais les architectes jouent un rôle plus que fondamental pour offrir des solutions aux répercussions tant commerciales et environnementales et apporter plus de cohérence dans les choix. Par exemple, décarboner la construction supposera d’aller vers des circuits courts mais il y a encore du chemin à parcourir dans ce domaine…
Quelles sont les avancées concrètes dont vous pouvez nous parler ?
Nous sommes heureux d’annoncer le lancement d’un concours autour des matériaux durables destiné aux jeunes architectes. Il y aura deux opérations, en collaboration avec des bailleurs sociaux guadeloupéens, pour la construction de dix logements à Vieux-Habitants et dix logements à Saint-François d’ici fin 2024. Nous sommes très attachés à ces projets qui vont permettre de viabiliser des process encore jeunes et coûteux. Mais cet investissement sera amorti dans le temps. Le but est donc de se projeter vers un nouveau type d’habitat, différent dans son esthétisme et dans sa fonctionnalité. Il faudra intégrer des matériaux qui s’assemblent et se désassemblent et créer davantage de systèmes de ventilation et d’aération. C’est un nouveau mode de pensée et nous sommes enthousiastes à l’idée de mettre des jeunes au coeur de ce projet.