La Convention de Morne-Rouge pour l’autonomie, cinquante-deux après…

Lorsque l’on poursuit un objectif majeur et dont on est convaincu de la justesse pour le pays et qu’il correspond à notre réalité objective et aux moyens dont nous disposons, il faut aller jusqu’au bout du chemin, aller toujours de l’avant. Cela n’empêche pas pour autant de regarder de temps en temps dans le rétroviseur pour corriger les erreurs et reprendre des forces pour mieux avancer.

Ainsi nous nous souviendrons de la cinquième Conférence fédérale de 1955 qui déclarait «La Guadeloupe, pays différent de la France» du congrès constitutif du PCG de mars 1958 qui consacrait la totale rupture avec le soutien de la départementalisation, des congrès de notre parti et notamment ceux des années 1980 qui permettaient à celui-ci d’accorder sa position avec celle de principe des partis communistes du monde entier sur la question des droits des peuples à l’autodétermination et à l’indépendance nationale.
Ainsi comme chacun a pu le comprendre cela permettait également de mettre en évidence la liaison de la ligne tactique de l’autonomie avec celle stratégique de l’indépendance nationale à contenu socialiste. La voie par étapes de la décolonisation de notre pays. Mais il y a surtout la Convention de Morne-Rouge pour l’autonomie…
Ce forum des autonomistes de Guadeloupe, de Guyane, de Marti-nique et de La Réunion a été plus riche, beaucoup plus riche que les rencontres bilatérales habituelles sur ce thème entre nos partis frères et a constitué par son retentissement un jalon important dans la lutte anticolonialiste de nos peuples.
Le haut niveau de l’organisation assumée conjointement par Ar-mand Nicolas et Camille Darsières respectivement secrétaire général du PCM et du PPM, la qualité des contributions et de leur synthèse traduite dans une déclaration finale dynamique claire et mobilisatrice assurèrent le vif succès de cette manifestation dans une ambiance d’enthousiasme et de ferveur révolutionnaires. Les délégués à cette Convention pour l’autonomie actèrent : «Que l’avenir statutaire des quatre territoires concernés ne saurait être considéré qu’au regard du fait national et du fait colonial ; que ces entités nationales doivent être constituées dans le cadre juridique d’un Etat autonome ; que ce statut d’autonomie ne saurait être au profit d’une minorité, mais avant tout au profit des masses laborieuses source de toute production et de toute richesse ; que les institutions à venir de ces peuples eux-mêmes et par ces peuples seuls, selon le processus démocratique qui sera exposé ci-après».
«Les organismes à mettre en place sont : une assemblée délibérante élue au suffrage universel direct qui votera les lois dans les matières relevant de la compétence de l’Etat autonome ; un exécutif désigné par l’assemblée et responsable devant elle ; un organe de coopération».
Tout est clair et limpide. Alors comment comprendre que 52 ans après que les résolutions de la déclaration finale de la Convention de Morne-Rouge ne soient pas passées dans la vie en dépit du fait de la tenue de la Convention de Sainte-Anne 6 ans plus tard pour faire le point et redonner de l’élan au mouvement ?
On peut évoquer les faiblesses sur le plan pédagogique dans la vulgarisation de notre mot d’ordre, on peut soutenir également que l’influence perverse de l’électoralisme a influencé sur la permanence et la régularité de notre propagande sur la question, on doit surtout mettre en avant le poids de la division des forces anticolonialistes et les surenchères démagogiques qu’elle a généré, etc. Mais c’est la force colossale des moyens de manipulation et d’aliénation dont dispose le colonialisme qui de notre point de vue lui a permis de maintenir son système de domination et d’oppression sur nos peuples les privant encore et encore du libre et véritable exercice de leur droit à l’autodétermination.
Mais le combat continue. Il sera âpre, difficile. Le contexte de la résurgence des luttes anticolonialistes en Afrique contre le néocolonialisme français peut réellement l’affaiblir et nous être favorable. Dès lors, il y a nécessité de revenir sur l’étude des documents de la Con-vention de Morne-Rouge pour l’autonomie, de reprendre les mobilisations de ce genre, mais plus large encore avec la participation de toutes les forces anticolonialistes de nos pays confrontées à la domination coloniale française pouvant s’accorder sur une plate-forme minimale de large autonomie.
Les programmes économiques sociaux et culturels de l’autonomie accouchés ces 16, 17 et 18 août 1971 restent pertinents. Il faut simplement les actualiser. Ce n’est pas tout juste une question de dignité… C’est une question fondamentalement existentielle et il y a urgence.
Mais, il y a surtout urgence de travailler à la convocation d’une deuxième Conférence de Morne-Rouge, après l’échec de «l’Appel de Fort-de-France» consacré à la commission interministérielle des «Outre-mer» qui a affiché sans aucune ambiguïté le renforcement de la stratégie coloniale de la France.