Agir vite autour de la parentalité en Outre-mer

Quatre sénateurs ont été missionnés par le Sénat pour rédiger un rapport autour de la parentalité et des enjeux des politiques de la famille dans les Outre-mer. Un thème préoccupant qui a révélé un certain nombre d’inégalités et de défaillances dans l’accompagnement moral et financier des familles et dans la rareté des dispositifs locaux spécialisés autour de la petite enfance. Victoire Jasmin, sénatrice guadeloupéenne, a pris part à ces travaux.

Quel est votre premier sentiment suite à la publication de ce rapport ?
Victoire Jasmin : Je suis d’abord très satisfaite que nous ayons pu enfin proposer un travail de fond sur ce sujet de la parentalité qui me tient fortement à coeur. Il est clair et net que l’urgence prédomine tous nos propos et qu’il y a de nombreux points à aborder rapidement pour apporter mieux prendre en charge les enfants, d’adapter les politiques publiques aux besoins des familles, de mieux accompagner les familles dans l’intérêt des enfants. Nous sommes conscients que le modèle matriarcal n’est plus le modèle prédominant des familles guadeloupéennes. L’évolution de la cellule familiale vers un modèle de monoparentalité (52% en Guadeloupe contre 25% dans l''Hexagone) est évidemment à prendre en compte dans les nouvelles mesures mises en place par le gouvernement. De plus, il ne fait généralement pas suite à une séparation mais commence dès la naissance et se poursuit pendant la majorité de l''enfance. La société a évolué et nos lois et devoirs doivent évoluer de pair pour continuer à protéger les parents

. Nous avons également notifié que la solidarité intergénérationnelle s’étiole du fait d’un éloignement géographique. Avant, plusieurs générations cohabitaient dans une seule et même maison. Aujourd’hui, les mamans disposent de logements sociaux dans les villes et sont isolées de leur famille. Il n’y a plus cette proximité qui permettait de les soulager notamment autour de la garde de l’enfant. Elles doivent ainsi trouver d’autres modes de garde, une problématique toute aussi ardue. La Guadeloupe manque cruellement de structures d’accueil ou celles-ci ne sont parfois pas desservies par les transports en commun. C’est un frein pour offrir de bonnes conditions de vie pour les enfants. Certaines mamans ne peuvent pas reprendre une activité professionnelle et leur niveau de vie se voit dégradé. D’un problème découle un autre problème… C’est à nous de prendre les choses en main et d’apporter des solutions efficaces rapidement.
Vous parlez du rôle de la maman dans la vie de l’enfant, mais où est celui du père ?
Le rôle du père est très important dans l’éducation et l’accompagnement des enfants. La part des naissances non reconnues par le père est conséquente ; 63% en Guade-loupe contre 10% dans l''Hexagone. Souvent les pères étaient éloignés du cadre pour des raisons liées à l’attribution de certaines aides sociales, nous constatons aujourd’hui une amélioration de cette tendance. Certains pères étaient. Il convient aujourd’hui de mieux informer les familles des droits auxquels elles peuvent prétendre. De nombreuses normes juridiques existent déjà des textes qui doivent être appliquées afin de permettre aux familles de recourir à leurs droits afin de mieux prendre en charge les enfants, adapter les dispositifs existants et favoriser l’augmentation du nombre de places en crèche.
Quels vont être les axes majeurs d’interventions et de recommandations ?
La création d’un observatoire de la parentalité est plus que nécessaire pour toujours avoir un oeil sur nos familles. Il y a également un gros travail de communication à établir autour des dispositifs disponibles pour les mamans célibataires. Nous avons décelé un manque d’informations flagrant du fait d’un illectronisme et d’une pudeur grandissante. Nous allons développer une politique volontariste dans les communes (avec la création de nouvelles places en crèches) et redonner du pouvoir aux Caisses d’allocations familiales. Elles doivent devenir un chef de fil dans la prise en charge des familles et de leurs interrogations et devront, à l’avenir, disposer de nouveaux fonds pour développer des mesures judiciaires d''aide éducative et d''aide à la gestion du budget familial. La CAF doit aller à la rencontre des familles et doit se déplacer à domicile pour étudier chaque demande et chaque profil dans le but d’éviter l’isolement physique et financier.
Enfin, quel est le calendrier fixé pour les actions énumérées ?
Dès la rentrée de septembre ! Nous avons une feuille de route à établir mais, à partir de septembre, de nouvelles dispositions peuvent être lancées. Charlotte Caubel, secrétaire d''État chargée de l''Enfance, a le rapport entre les mains et semble aussi déterminée que nous. Nous ne pouvons plus regarder ailleurs. Car même si les dispositifs principaux de soutien à la parentalité sont en marche dans les Outre-mer (réseaux d''écoute et d''appui aux parents, lieux d''accueil enfants-parents, contrats locaux d''accompagnement à la scolarité, médiation familiale, espaces rencontres, programme des «1 000 premiers jours»), nous devons les accélérer. Le temps presse.