Un ultime cri pour sauver la banane de Guadeloupe
Plantè bannann ka hélé anmwé atouayo, alors que les professionnels de la canne qui viennent de terminer la récolte ne sont pas mieux lotis.
La Guadeloupe est vraiment malade de son agriculture et notamment de ses filières séculaires que sont la banane et la canne. Tout le monde se rappelle le conflit qui a perturbé le démarrage de la campagne sucrière de cette année et les résultats plus que dramatiques que l’on a pu constater à l’arrêt des moulins de la Sucrerie Rhumerie de Marie-Galante et de ceux de Gardel à Moule. Un inventaire plus complet au niveau de nos distilleries ne changerait pas pour autant le constat.
Ces deux productions qui vivent à coups de millions de subventions, demeurent des spéculations incontournables, voire indispensables à la dynamique de l’économie du pays. Pour clouer le bec à tous ceux qui ici et là prétendent que cette masse d’argent gagnerait à être utilisée ailleurs, il leur est rappelé qu’il n’existe aucun pays au monde, qui ne subventionne pas fortement son agriculture. Cela pour deux raisons évidentes, soit que cette production participe au développement de son économie, soit qu’elle participe au maintien de l’emploi.
On vient d’entendre monsieur Francis Lignières, président du Groupement des planteurs de bananes, lancer un cri d’alarme pour alerter les pouvoirs publics sur la situation de la profession qui subit une véritable crise en ce moment. Notre banane est saine et propre, par conséquent se vend bien sur le marché. Où est donc le problème ?
Les origines sont multiples et la cause première vient d’une maladie qui existe sous deux formes appelée cercosporiose jaune ou cercosporiose noire. Ce champignon qui attaque les feuilles de la plante, retarde du coup son évolution, obligeant de facto à procéder à son élagage. Pour l’heure les planteurs de Guadeloupe ont recours à un traitement quasiment bio à base de l’huile de paraffine qui est aspergée par atomiseur spécifique sur les feuilles.
Depuis les nombreux dégâts causés par l’utilisation abusive du chlordécone dans nos bananeraies, et les conséquences incalculables sur notre santé et notre environnement, l’usage des traitements chimiques aériens sont totalement interdits. Il en est de même de certaines molécules chimiques qui auraient pu très bien contribuer à l’éradication de la cercosporiose.
Aujourd’hui on peut affirmer que la profession se trouve véritablement confrontée à un tournant de son développement. On pourrait dire qu’à chaque fois qu’elle franchit trop rapidement certains paliers liés à sa modernisation, d’autres évenements l’obligent à revenir à une activité plus tournée vers la tradition. Certes, cela nécessite une main d’oeuvre plus abondante, des outils et des matériels adaptés, bien sûr avec tous les frais supplémentaires et les autres charges qui en découlent.
C’est là, un deuxième aspect de la situation parmi d’autres qui fait monter au créneau les défenseurs de la profession. Ces derniers estiment ne plus pouvoir faire face aux nombreuses dépenses qu’exigent aujourd’hui la production d’une tonne de banane. Situation qui affecte tout particulièrement les petits planteurs. Aussi, ils entendent faire feux de tous bois de manière à ce qu’au niveau de la préfecture, de la Région et des différents ministères leurs doléances soient entendues. Malgré les nombreux avantages liés au POSEI (Programme d’option spécifique à l’éloignement et à l’insularité) d’un montant de 129 millions à partager avec la Martinique, une revalorisation s’impose aujourd’hui car fixée en 2007, elle n’a pas bougé depuis.
Pour permettre à la profession de retrouver une certaine embellie, tout en espérant que d’ici là on sera épargné de tout cyclone ou autres coups de vent dévastateurs, des réflexions sont portées sur des leviers à actionner dans le cadre de la transition écologique en mettant également à profit les fonds européens qui existent à la disposition de la profession.
D’autre part face à la concurrence des bananes étrangères en plus de cette crise qui perdure, un plan de transition est proposé par la profession mais là encore il faut avoir l’aval de la France et de l’Europe dixit monsieur Lignières. Les faits sont têtus, vivement que le combat pour un statut d’autonomie de la Guadeloupe soit mené de pair pour contourner toutes ces tracasseries administratives et politiques pour sauver la banane de Guadeloupe.