Hommage à Lucie Julia

Huguette Manette, épouse de Guy Daninthe ancien Secrétaire général du PCG, plus connue dans le monde littéraire sous son nom de plume Lucie Julia, est décédée le 23 septembre 2023 à l''âge de 96 ans. Originaire de la commune rurale de Morne-à-l''Eau, cette commune de la canne à sucre, elle a pris conscience très jeune des conditions sociales difficiles des hommes et des femmes qui travaillaient et vivaient dans son faubourg de Bonne Espérance.
C''est certainement de là que s''est forgée sa personnalité de femme résistante, sa vocation de professionnel du social et ses inspirations d''écrivaines et de poète pour exprimer les sentiments de son peuple.
Huguette Manette a été la première assistante sociale diplômée de Guadeloupe et elle a, surmontant toutes les embûches, révolutionné la profession.
Lauréate de plusieurs prix littéraires, elle nous laisse une collection d''oeuvres littéraires impressionnantes qui sont toutes des marqueurs de notre société.
Elle a apporté une contribution exceptionnelle à l''émancipation de la femme guadeloupéenne en se plaçant dans la lignée de Gerty Archimède en fondant l''UFG, dont elle a été la première présidente.
Syndicaliste CGTG et membre du Parti Communiste Guadeloupéen, Huguette Daninthe a été de tous les combats et sur tous les fronts pour la défense de la classe ouvrière.

EN LIEU DE VÉRITÉ

Pour la poète, l''écrivaine, feue Huguette Manette, veuve de Guy Daninthe, assistante sociale retraitée militante des droits des femmes ayant passé l''arme à gauche à 96 ans.
Pour cette femme de lettre,
hier soir, à l''espace Biras, il n''y a pas eu de table-ronde, ni veillée mortuaire mais une veillée culturelle au rythme, pendant quelques instants,
de «la bamboula» qu''elle a connue,
aux sons à peine perceptibles qui, en son temps, a pu la faire se lever, marcher et danser.
Hier soir,
Elle a donc quitté le linceul, sans qu''on ait eu à égrener le chapelet,
ni verser dans psaumes
ou cantiques
Hier soir,
elle a quitté le linceul, par les témoignages vrais et touchants, de parents, alliés et amis, ayant attesté de son amour du prochain, de sa force de caractère, de sa compétence et conscience professionnelle, de sa générosité de son empathie et de sa résilience.
Hier soir
elle a quitté le linceul, par la lecture ou la psalmodie de ses vers extraits, notamment, de son recueil de poèmes au «fil des ans» à l''humus et parfum du terroir.
Hier soir
elle a quitté le linceul, par la lecture, qu''elle a voulue, d''un texte teinté d''humour, qu''elle a écrit sur son itinéraire professionnel, sans complaisance, un vrai parcours du combattant plein d''embûches en qualité d''assistante sociale première en titre, miné par une série d''arrêtés
de la tutelle et autres décisions
de la honte, sous le sceau d''un anticommunisme primaire
mais qui n''ont pu arrêter sa marche
en avant, en duo , et en dernier lieu
avec le soutien de guadeloupéens,
aptes à être au coude-à-coude
aux moments cruciaux de l'' histoire
de leur pays.
Hier soir,
elle a quitté le linceul, pour nous dire, que l''on chuchotait ou pas,
elle passait la tête haute,
Il en a été ainsi, à Saint-Barthelémy que l'' autorité de tutelle a voulu être son île d''Elbe, lorsqu''un malade a refusé son intervention au motif qu''il ne voulait pas d''''une «piqûre noire», il en a été ainsi, lorsque son employeur institutionnel a voulu s''immiscer dans sa vie privée, tournant les talons et claquant la porte, privilégiant, sa dignité par l''exercice de sa liberté de parole, convaincue que ne peut être cadeau de Dieu, selon Ecclésiaste qu''elle a cité : «que, si un homme mange, boit et prend du plaisir dans tout son travail»
Auteure, sous le pseudonyme de Lucie Julia du remarquable opus :
«Gerty Archimède, Fleur et perle de Guadeloupe», ouvrage, magnifiquement porté et interprété sur les planches, compte de tenu de son talent, et du fait que ses parents et elle se sont toujours exprimés en langue créole, il n''y a que sa grande discrétion qui pourrait expliquer, qu''elle ne soit pas au nombre des fondateurs de l''ACRA Académie Créole des Antilles
instituée le 27 juillet 1957, avec comme secrétaire permanent :
Rémy Nainsouta
aux côtés des quatre femmes, y ayant fait partie :
Gerty Archimède
Marie-Eugénie Bourgeois
Léone Marélie et
Florette Morand
Et même si elle ne nous laisse qu''un
conte bilingue français- créole :
«Montrésor a mantidou»
Hier soir,
elle a quitté le linceul,
pour toucher coeur et âme,
au delà de la langue,
sa plume d''or exprimant tous
les sentiments :
Amour, Joie, révolte... Un champ qu''elle nous invite à exploiter, en route en lieu de vérité, ce mercredi.
Toute notre affection et sympathie à ses deux fils Ernest et Guy et à leurs proches.

José Galas