Les SICA cannières 40 ans déjà !

Les SICA cannières de Guadeloupe fêtent leurs 40 ans d’existence, cette année au service du développement de l’agriculture du pays. A cette date, il est important pour nous d’ausculter à la loupe ces quatre dernières décennies et ainsi, faire le bilan de leurs actions, pour mieux comprendre l’impact de leur mission dans les secteurs qui leur sont dévolus et le bénéfice que l’agriculture guadeloupéenne en a tiré d’une manière générale.

Ces sociétés d’intérêt collectif agricole au nombre de quatre, ont vu le jour entre 1983 et 1984, en pleine crise de l’économie sucrière. Avec l’arrivée en 1981, de la gauche au pouvoir en France, la filière allait bénéficier d’un plan audacieux de rénovation et d’accompagnement, dit Plan Mauroy que les syndicats, les forces sociales et politiques, le PCG en tête, se rivalisaient à faire feu de tout bois pour que les mesures de redressement de ce plan réussissent. D’aucuns ont encore en mémoire les primes d’encouragement attribuées aux colons et aux petits planteurs, par la municipalité communiste de Port-Louis que dirigeait Charles Edwige.
Dans la conjoncture d’alors, il fallait remettre en confiance les planteurs par diverses mesures de soutien et d’incitation à leurs activités, tout en menant une politique très orientée en direction des usiniers pour moderniser et sauvegarder les quatre dernières unités de transformation qui existaient à l’époque, à la Guadeloupe à savoir : Beauport à Port-Louis, Gardel à Moule, Grosse-Montagne au Lamentin et la SOSUMAG à Grand-Bourg de Marie-Galante. Ces quatre SICA occupent un périmètre bien défini, sur tout le territoire guadeloupéen.
On retrouve donc :
- La SICADEG (Société d’intérêt collectif agricole, de développement et d’exploitation de la Grande-Terre) qui est basé dans le bassin cannier du Nord Grande-Terre, normalement autour de l’usine de Beauport ;
- La SICAGRA (Société d’intérêt collectif agricole guadeloupéenne pour la restructuration de l’agriculture) dans le Centre et Sud Grande-Terre, normalement autour de l’usine de Gardel ;
- La SICAMA (Société d’intérêt collectif agricole de Marie-Galante) normalement en lien avec l’unique usine sucrière de l’île ;
- L’UDCAG (Union pour le développement cannier et agricole de la Guadeloupe) dans la zone de la Basse-Terre, normalement autour de l’usine de Grosse-Montagne.
L’ensemble de ces SICA travaille en synergie et procède à la mutualisation de leurs expertises, techniques, moyens d’actions et stratégies au sein d’une structure fédérative que constitue le GIE-Canne Guadeloupe créé en 2005. Leurs missions premières consistent à :
- Satisfaire et assurer les besoins d’approvisionnements de leurs adhérents en intrants ;
- Permettre aux agriculteurs d’avoir en temps utile les financements nécessaires à leurs activités ;
- Assurer un appui technique aux planteurs de canne afin de leur permettre d’améliorer la performance technico-économique de leurs exploitations ;
- Servir de relais entre les pouvoirs publics et les planteurs pour la redistribution des aides allouées à la production cannière.
En près de quarante ans d’existence les SICA constituent un modèle de gestion coopérative qui a fait ses preuves en termes de longévité, de poids économique et de rigueur financière, condition sine qua non pour bénéficier de la confiance des banques chaque année et ainsi mobiliser les prêts de campagne en conséquence. Sur les quatre bassins canniers ce sont :
- Plus de 10.000 hectares qui sont entretenus annuellement ;
- Un réseau de 20 agents mis à disposition pour appuyer techniquement les 5.500 planteurs de cannes ;
- 6M€ d’avances consentis chaque année aux planteurs pour la réalisation des travaux de replantation et d’entretien des parcelles ;
- 30 M€ d’aides publiques redistribuées en moyenne chaque année.
En dehors des planteurs de cannes, les SICA offrent une multitude de services que certains bananiers, maraîchers, jardiniers ou même le quidam du coin pour un besoin quelconque peuvent y trouver facilement leur compte.
Aujourd’hui, malgré le caractère incontournable des SICA, la production cannière est réduite à sa plus simple expression. La saule cannière a considérablement diminuée et en dépit de la politique d’irrigation opérée par la collectivité départementale, tout comme la recherche des meilleures variétés de canne adaptées à chaque région ou bassin, je doute fort qu’il nous sera permis d’observer une augmentation du tas de canne dans l’avenir.
La Guadeloupe a réuni du 23 au 25 octobre dernier sous l’impulsion de l’ODEADOM (Office de développement de l’économie agricole des départements d’outre-mer) les agriculteurs des autres régions et départements dits d’outre-mer, autour d’un séminaire ayant pour thème «Agricultures ultramarines et changement climatique».
Paradoxe ou situation plus que symptomatique d’une désillusion assurée, ceux du lycée agricole, désormais appelé Guadeloupe agrocamus qui doivent prendre en charge les reines de l’agriculture de demain, menaient au même moment et ce, depuis déjà près d’un mois, une longue grève pour mieux prendre en compte leur avenir. Comprenne qui voudra !
En conclusion, la situation positive des SICA cannières ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt. Pour ne plus avoir à regretter le décalage qui se fait jour de façon permanente à chaque fois qu’il s’agit de se pencher sur quelle que soit la filière, à une période où l’on parle de plus en plus de souveraineté alimentaire, une prise en compte de façon globale et responsable de notre politique agricole s’impose.