Bloncourt : Une illustre famille guadeloupéenne méconnue

Gérald Bloncourt, frère de Tony, neveu d’Élie Bloncourt et de Max Bloncourt ; artiste, peintre, photographe ; responsable photo du service politique de l’Humanité ; photographe de presse pour les journaux de gauche et syndicaux ; fondateur du Comité pour la défense des droits de l’homme et de la démocratie en Haïti.
D’origine guadeloupéenne mais élevé à Haïti, d’une mère française, Gérald Bloncourt comptait dans sa famille Melvil Bloncourt député de de la Guadeloupe de 1871 à 1874, déchu lorsque son rôle dans la Commune de Paris fut révélé, Elie Bloncourt (1896-1958 ) figure du socialisme de gauche unitaire, Max Bloncourt avocat et Tony Bloncourt jeune résistant (1921-1942) fusillé par la Gestapo.
Sa famille s’était installée à Jacmel, dans le Sud de l’île en 1927, mais à la suite d’un cyclone particulièrement destructeur elle déménagea à Port-au-Prince en 1936. Typographe et artiste peintre, «affamé» de culture et de politique, il fut profondément marqué par la visite d’André Breton. En 1944, il participa à la fondation du Centre d’art haïtien.
Gérald Bloncourt fut, malgré son jeune âge, un des animateurs des Journées révolutionnaires (Les cinq glorieuses) qui marquèrent Haïti au début de l’année 1946 et provoquèrent le départ du président Élie Lescot. Il fut arrêté par l’armée et choisit l’exil pour échapper à la répression et s’installa en France après un passage par la Martinique.
Militant communiste, il installa «son tabouret sur les berges de la Seine» et vécut difficilement de la vente de ses aquarelles. Il déclarait à postériori aujourd’hui que sa conversion à la photographie était due à son refus de se plier aux exigences du réalisme socialistes qu’aurait dû «lui dicter ses convictions politiques». Il travailla comme responsable photo du service politique de l’Humanité. «Franc-tireur de l’image», il suivit les mouvements sociaux pour l’Avant-garde, la Vie ouvrière ou le Nouvel observateur, CFDT-Magazine, Options, Le Peuple, Regard, Syndicalisme hebdo, l’Université syndicaliste, Témoignage chrétien, La Vie catholique et La Vie ouvrière.
En 1987, il fonda le Comité pour la défense des droits de l’homme et de la démocratie en Haïti et en fut le Secrétaire général, les co-présidents étant Jean-Pierre Faye, Guy de Bosschère et Jean Métellus. À partir de cette époque, il se rendit régulièrement à Haïti.
Photographe de talent, reconnu pour ses clichés du monde ouvrier et populaire, peintre, graveur, poète, personnage amical et chaleureux, Gérald Bloncourt était une forte personnalité culturelle des Haïtiens de Paris. Certaines de ses oeuvres figurent au Musée national d’art haïtien. Le ministère de la Culture le fit chevalier des arts et lettres.
Un humaniste, avant d’être un photographe franco-haïtien de génie, un peintre talentueux et un poète inspiré. Commencée en 1948, au journal L’Humanité, puis comme indépendant, sa carrière de reporter l’a amené à arpenter les usines et les rues de Paris de l’après-guerre. Un Paris populaire et prolétaire, dont il se sentait proche. Parmi des milliers d’autres, ces clichés ont été rassemblés dans Le Paris de Gérald Bloncourt (éd. Parimagine, 2012), Le Regard engagé. Parcours d’un franc-tireur de l’image (éd. François Bourin, 2004) ou encore Les Prolos (éd. Au nom de la mémoire, Bezons, 2004). (Le Monde 31 octobre 2018).