Le retour des soirées biguine

Le musicien guadeloupéen Jean-Max Mirval relance le concept des soirées Biguine Zénith au Gosier. Il entend créer un rendez-vous chaque 2e dimanche du mois où pourront se retrouver et danser tous les amateurs de cette musique traditionnelle antillaise. Prochaine date le 12 novembre.

Pourquoi lancer ce type de soirée autour de la biguine ? Le public semblait-il en attente d’un tel événement ?
Vu l’engouement des premières soirées, je vous dirais que oui ! Je suis ravi de remettre au goût du jour les soirées dansantes biguine. J’avais déjà expérimenté ce type de soirée entre 2012 et 2016 (L''instant biguine puis le Biguine Wabap) et ça avait été un joli succès ! Je pense que les gens attendaient avec impatience de pouvoir festoyer accompagnés de cette musique guadeloupéenne. Car il y a une vraie frénésie autour d’elle ! L’ambiance que nous avons ressenti nous a donné l’envie de programmer d’autres rendez-vous et j’espère que cela va continuer. C’est une musique si chère à mon coeur que je suis très heureux de pouvoir la partager de nouveau !
Quel est votre lien avec la biguine ?
Très jeune, j’ai pris des cours de piano et j’étais sensible à la musique classique. Mais il me manquait le déclic pour évoluer. Puis, quand j’entendais ma mère chanter et danser au rythme de la biguine, j’ai tout de suite été captivé... La biguine fait partie de mon ADN mais pas uniquement. Elle fait partie de l’ADN de tous les Antillais. Elle a longtemps été mise au placard, décriée voire même moquée mais j’ai toujours ressenti un rapport très sincère envers elle et envers l’histoire qui la lie. Dès les années 90, j’ai eu l’envie de démocratiser cette musique, si difficile à jouer, et de mettre en évidence son pluralisme. Elle évoque tant de choses au-delà des notes ! Dès 2003, j’ai été le premier à organiser des concerts et, rapidement, les gens ont apprécié. On remplissait des salles et la ferveur était présente. Mais elle s’est amenuisée au fil du temps. Certains compositeurs de l’Hexagone ont tenté de la remettre à la mode mais ils ont voulu trop en faire… J’en étais désolé mais j’ai alors compris qu’il y avait un rapport ambigu ici avec la biguine.
Dites-nous en plus.
En Guadeloupe, on peut se rendre à une soirée salsa ou kompa, des musiques qui ne sont pas les nôtres, mais il n’y a pas de soirée biguine, c’est tout de même contradictoire… Car on pense, à tort, qu’aux Antilles la musique se résume au tambour ou au gwoka. Mais les choses sont bien plus complexes que cela. La biguine est aussi née de la colonisation, du métissage et de notre héritage créole. Mais, dans les années 60, les discours des nationalistes ont détourné le peuple de cette musique, leur musique. Il fallait mettre en évidence le gwoka qui semblait être le fruit d’une image sombre de notre histoire, elle avait plus de sens que la biguine. C’est faux ! La biguine est tout autant chargée de symboles. Elle représente un pluralisme ethnique et culturel fort qu’il ne faut pas minimiser. Cet amour-désamour envers cette musique démontre que nous avons toujours des difficultés à assumer notre passé et à en avoir une pleine conscience. On s’est trop longtemps dépossédés de la biguine et, aujourd’hui, j’aimerais qu’elle reprenne sa place dans notre culture créole.
Par quels biais pensez-vous pouvoir recréer un lien affectif avec la biguine ?
Par nos soirées dansantes ! J’y suis attaché car elles me permettent de présenter des standards et, également, par le biais de ma chaîne YouTube où je poste mes créations. Je suis totalement libre dans ma musique et cela est épanouissant. Je tente de dépoussiérer cette musique qui doit vivre avec son temps. Il est important d’accepter le mouvement et de bouleverser la tradition pour lui apporter un air plus moderne. Cela permettra aussi que les jeunes prennent possession de la biguine. Nous devons nous réconcilier avec elle pour qu’elle puisse se transmettre aux futures générations !
Biguine Zénit, discothèque Le Zénith
Bas-du-Fort, Gosier le 12 novembre