Le grand remplacement «institutionnalisé»

Les cris d’indignation, les critiques au vitriol, montent de toutes les couches sociales du pays Guadeloupe pour dire : Non ! Pas ça ! Mais, quel est l’objet de ce levier de bouclier ?

A entendre ce qui se dit, la raison de la colère prend sa source dans la présentation d’un article 55 dans le projet de loi de finances 2024 à l’Assemblée nationale intitulée : «Extension du champ de la continuité territoriale Outre-mer». Que dit cet article dans son chapitre III, article L.1803-6-1 ?
«L’aide destinée à accompagner les projets individuels d’installation professionnelle dans l’une des collectivités mentionnées à l’article L.1803-2 est dénommée «passeport pour l’installation professionnelle en outre-mer». Cette aide a pour objet le financement de tout ou partie du coût des titres de transport nécessités par cette installation ainsi que le versement d’une allocation d’installation».
«L’aide est attribuée à leur demande, aux personnes résidants en France métropolitaine justifiant d’un projet d’installation professionnelle durable dans l’une des collectivités mentionnées à l’article L.1803-2. Son octroi est subordonné à la condition d’une convention entre son bénéficiaire et l’établissement mentionné à l’article L.1803 10, qui prévoit notamment les conditions de son remboursement en cas de non-respect de ses engagements par le bénéficiaire». Pourquoi tous ces cris et ces coups de menton des élus et autres «francisés» ?
Pourtant, cette orientation gouvernementale était en embuscade dans les 72 mesures énoncées par le CIOM du 18 juillet avec l’aval des élus qui ont demandé à l’Etat, à travers les «lamentations de Fort-de-France», de les aider à mettre en place des politiques publiques.
L’Etat français qui, malgré les paroles lénifiantes d''Emmanuel Macron, est engagé dans une stratégie de renforcement de sa domination coloniale, les a débordés. «Kod a yanm ka maré yanm !».
«Fort-de-France» a balisé le terrain pour aider le pouvoir français à poursuivre avec plus de cynisme sa politique de grand remplacement.
Dans le numéro 1038 du 03 août 2023 de ce journal, nous écrivions en réponse à Éric Zemmour, ce piètre politicien héritier de la «cagoule» que : «Cette politique insidieuse (le grand remplacement) a commencé avec la création du Bumidom en 1963 par le Réunionnais Michel Debré, le Premier ministre du Général de Gaulle». Pendant près de 20 ans, plus de 200 000 milles ressortissants de ces pays colonisés, dit de l’outre-mer, ont été contraints à l’expatriation avec des vaines promesses de vie meilleure. L’ANT a pris le relais en 1982 et depuis 2006, LADOM poursuit cette même politique.
Si le nombre de départs en exil a été chiffré, ce que l’on sait moins c’est le chiffre de la mobilité clandestine organisée à partir de la France depuis le vote de la loi de départementalisation. Il existe bel et bien un plan secret de modification de la composition ethnique de notre société, ce n’est pas un fantasme. Cela s’est vu ailleurs avec les résultats que l’on connaît. Le nègre fondamental, Aimé Césaire, a qualifié ce mouvement avec justesse de «Génocide par substitution».
En insérant cet article 55 dans la loi de finances 2024, la France ne se cache plus. Le ministre des colonies peut affirmer sans sourciller devant les parlementaires des pays colonisés, que l’égalité ne se divise pas, la République ne connaît pas la discrimination : ce que vous demandez pour vous doit être donné aussi aux Français de France.
Entendez par-là que vous ne pouvez pas vouloir «le beurre, l’argent du beurre et le cul de la crémière».
Maintenant, les choses ne sont que plus claires. Que vont faire les Guadeloupéens ? Se lamenter, s’indigner pour certains. Pour d’autres, s’accrocher à leur confort intellectuel et matériel en attendant que passe l’orage.
Les organisations anticolonialistes, les forces syndicales, le mouvement citoyen, gagneraient en crédibilité et en légitimité, s’ils trouvent la capacité de dépasser leurs antagonismes secondaires pour donner, à partir du réel guadeloupéen, une perspective à la colère qui s’exprime dans tout le pays.