Réfléchir différemment le passé

Mieux vivre ensemble en Guadeloupe, c’est le message pacifique que diffuse Johanna Pierre-Justin Virapatirin, Docteur en sciences de gestion et maître de conférences à l’Université des Antilles, dans son ouvrage La Petite Économie Insulaire, paru en octobre 2022. Elle livre un récit panoramique du passé colonial de l’archipel guadeloupéen tout se ouvrant la réflexion vers un futur rempli d’optimisme et de dépassement.

Votre ouvrage fête ses un an.
Quel est votre sentiment depuis
sa parution ?
Un an après, je croise encore des personnes qui me remercient d’avoir réalisé ce travail de réflexion et d''analyse pour la Guadeloupe. Ce livre est le fruit d’une recherche réalisée à la suite de ma thèse de doctorat réalisée autour des styles de management insulaires dans les cultures post-coloniales. Je voulais rédiger un éclairage plus précis dans un contexte local particulier et appuyer mes connaissances sur les spécificités de notre territoire. C’est un livre clé en main que j’ai voulu être une synthèse d’un flot pluridisciplinaire d’informations et de recherches historiques, économiques, géographiques, culturelles… Le but étant de favoriser sa lecture et son accès au plus grand nombre, et plus particulièrement la jeunesse, qui a aussi besoin de davantage de données pour mieux comprendre le passé mais, également, de pouvoir regarder le futur avec plus d’enthousiasme que ce n’est parfois le cas

. Mon livre est paru il y a un an mais je l’ai écrit pour qu’on puisse encore le lire dans plusieurs années, qu’il devienne une base de référence pour comprendre les enjeux des Antilles.
Que peut-on découvrir à travers vos lignes ?
J’ai cherché à présenter les incidences des faits historiques sur le monde économique actuel. J’ai évoqué des sujets comme le retour au pays, l’économie bleue, l’autosuffiSsance alimentaire ou encore le style paternaliste dans le management. D’ailleurs, l’étude du monde de l’entreprise est largement symbolique de notre société guadeloupéenne. La dimension affective prend énormément de place dans nos rapports et dans nos choix et elle a ainsi des conséquences sur nos modes de fonctionnement. Le système patriarcal est encore bien présent dans l’univers du travail alors que dans l’intimité, c’est la famille monoparentale qui devient le modèle le plus représenté. Il était question d’étudier ces interstices et de présenter ces paradoxes qui peuvent expliquer toute la complexité de la personnalité de la population guadeloupéenne. Je ne souhaitais pas avoir une écriture manichéenne où tout serait blanc ou noir. Au contraire, le Guadeloupéen est issu d’une grande multiculturalité qu’il doit accepter et intégrer.
Pensez-vous qu’il soit important
de regarder vers le passé ?
Je pense que nous devons nous sentir honorés de notre histoire et de découvrir les facettes de notre culture, des facettes qu’on pensait anecdotiques mais qui façonnent qui nous sommes. Nous avons des rites et des traditions qui nous caractérisent comme le goût pour la fête ou les veillées mortuaires. Il n’y a rien de honteux à cela. Nous avons tous également des profils différents et ce métissage qu’il soit libanais, indien, blanc, afro-descendant, permet d’assimiler notre représentation. Il faut oublier ce rapport de dominant et de dominé, il n''apporte rien de bon. Il faut plutôt apprendre à vivre avec la survivance de notre histoire et ne pas croire que tous leurs stigmates pourraient influer de manière négative notre futur. En tout cas, je n’ai pas envie de voir les choses avec ce prisme. Il faut se servir de nos connaissances pour avoir une réflexion plus ouverte envers les nôtres et envers les autres.
Voilà des mots réconfortants…
Oui ! Je plaide le dépassement, qui est différent de l’oubli. Je pense qu’il est possible de dépasser les événements les plus tristes de notre passé, sans oublier de se les approprier, mais, je le répète, sans rancune ni rancoeur. Nous pouvons nous édifier avec le souhait de laisser une trace positive et pacifiste.