Les violences faites aux femmes en Guadeloupe

On a le sentiment que les violences faites aux femmes ont atteint des records cette année, tant cela a été un sujet du quotidien. Le 25 novembre étant, une journée, internationale pour l’élimination des violences à l’égard des femmes, Nouvelles-Etincelles a interrogé Mme Lucette Faillot, directrice régionale aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes à la préfecture de Guadeloupe. Nommée par le ministre de l’Egalité entre les femmes et les hommes placée sous l’autorité du préfet.

Quelle est la réalité des violences faites aux femmes en Guadeloupe ?
Lucette Faillot : C’est une situation prégnante puis-que les violences faites aux femmes existent toujours. Elles sont permanentes, mais nous sommes à l’oeuvre. L’Etat et tous nos partenaires sont mobilisés de manière à faire reculer ce type de comportement, des actes répréhensibles qui sont sanctionnés par la voie judiciaire.
D’après-vous, quelles sont les causes de ces violences ?
Elles sont multiples. Il y a déjà la cellule familiale où beaucoup de choses peuvent se passer. Il y a la violence conjugale, des violences intra-familiales (VIF). La violence peut être psychologique, physique ou économique. Il y a aussi cette violence qui vient des indivisions familiales, chez nous c’est assez spécifique.
Nous sommes sur une île, les familles ont leurs propriétés familiales et immobilières. Si la propriété appartient à l’un ou à l’autre, quand il y a séparation, cela se complique quand on s’est investi financièrement pour construire ensemble. C’est là qu’il y a une grosse difficulté pour les femmes. Comment elles font pour s’en aller ? Quand il y a urgence et danger, il ne faut pas hésiter. Il faut partir parce qu’il y a une pression familiale qui peut être très forte si le conjoint ou le compagnon a la faveur de sa famille. Je ne parle même pas des enfants qui sont au milieu de tout cela et qui sont les co-victimes.
Ce sont des causes qui font que c’est d’autant plus difficile de traiter et d’accompagner ces personnes, parce qu’il y a des allées et retours liés à l’emprise. Pour les personnes victimes ce n’est pas facile, de même que pour les professionnels de plus en plus formés, la police nationale, la gendarmerie, les associations et tout autre institution.
Comment s’organise l’aide aux femmes victimes des violences conjugales ?
C’est une coordination d’acteurs qui viennent en complémentarité dans l’accompagnement. Tout d’abord dans la prévention et ensuite dans la sensibilisation des personnes victimes de violences conjugales.
Depuis 2020 en pleine crise sanitaire covid, nous avons mis en place au niveau de l’Etat, une astreinte téléphonique. C’est un dispositif qui permet aux femmes d’avoir une écoute bienveillante, mais pas seulement, c’est aussi pour les mettre à l’abri en cas de danger.
C’est une cellule qui existe et se compose des forces de sécurité intérieure, police nationale, gendarmerie, mais également des associations d’aides aux victimes agréées que sont : «Initiatives France victimes et Gwada France Victimes», une est en Grande-Terre et l’autre en Basse-Terre. Nous avons mis en place le CAO 115 qui est la plateforme téléphonique pour les appels et la mise à l’abri en urgence. On peut dire que nous sommes novateurs d’un dispositif qui existe désormais en France hexagonale à savoir l’utilisation de taxi social.
C’est un moyen de déplacement qui a été mis en place et géré par le CAO 115 et maintenant par la Croix-Rouge, qui est le porteur de ce dispositif. Il permet que ces personnes se déplacent pour les visites à l’UMJ (Unité médico judiciaire) ou encore si elles ont un traitement administratif à faire dans certaines administrations. Ainsi, elles circulent en voiture en tout anonymat. Ce dispositif tient du fait qu’il y a un dépôt de plainte reconnu par des acteurs très importants.
Les choses changent et s’améliorent, les mentalités aussi en matière de prise en compte du dépôt de plainte puisqu’il y a eu des aménagements dans les services de police et de gendarmerie, de manière à mieux accueillir les personnes. Je pense que le Grenelle de 2019, a apporté des fruits, sans compter les mesures nationales qui ont été édictées notamment au niveau judiciaire pour l’accompagnement des femmes avec maintenant, l’éviction de l’auteur qui est prise en compte autrement. A noter aussi la création des centres de prises en charge des auteurs des violences financés par l’Etat, le ministère de l’Egalité entre les femmes et les hommes.
Quand la femme est harcelée sur son lieu de travail, la démarche est tout autre ?
L’employeur doit faire de la prévention. Il doit porter à la connaissance de ses employés la possibilité de porter plainte, de ne pas rester dans une situation qui non seulement va générer une ambiance anxiogène et ce sera peut-être quelqu’un qui sera mis à l’écart. Ce genre d’attitude peut même conduire quelqu’un au suicide. Aussi, il faut faire rentrer dans les entreprises des professionnels qui puissent parler de ces sujets. Il faut libérer la parole.