Cuba : Le blocus le plus long de l’Histoire

Les 16 et 17 novembre 2023, un tribunal contre le blocus américain de Cuba s''est tenu dans les locaux du Parlement européen. 263 participants issus de 21 pays étaient présents. Le tribunal s’est conclu par un verdict juridique solidement fondé : il condamne fermement l’un des plus grands scandales du 21e siècle.

Les 16 et 17 novembre 2023, un tribunal symbolique contre le blocus étasunien de Cuba s’est tenu dans les locaux du Parlement européen. Le blocus économique, commercial et financier, officiellement établi depuis 1960, s’appuie sur plus de 30 lois et dispositions US. Il s’agit du blocus le plus long et le plus ferme imposé à un pays dans l’histoire du monde.
80% de la population cubaine est née pendant le blocus. 263 participants issus de 21 pays ont participé au tribunal. Celui-ci s’est conclu par une condamnation ferme du blocus à travers un verdict juridique solidement argumenté.
Un panel international de cinq juges, dirigé par Norman Paech, professeur émérite de droit à l’université de Hambourg, a présidé le tribunal.
Le procureur général Jan Fermon a soutenu, entre autres, que le blocus violait les principes d’autodétermination, d’égalité souveraine entre les nations et d’interdiction de l’usage de la force ou de la coercition par un pays contre un autre. Tous ces principes sont inscrits dans de nombreux traités internationaux. La formulation des accusations a été suivie par les interventions d’une série de témoins et d’experts sur divers aspects.
DOMMAGES À LA SANTÉ PUBLIQUE
Un premier groupe s’est penché sur les dommages causés à la santé publique par le blocus. La mère d’un enfant atteint d’un cancer et un cancérologue de l’hôpital pédiatrique William Soler ont apporté des témoignages déchirants. Le Dr Belinda Sánchez, directrice de l’immunologie et de l’immunothérapie au Centre de Immonulogie Molécu-laire (CIM), a témoigné du fait que le blocus entrave la production de médicaments et de vaccins contre le cancer. En 2022, le coût supplémentaire pour aller chercher des matières premières plus loin s’élevait à un million de dollars. Cela limite évidemment la capacité d’approvisionnement. De plus, les pièces de rechange pour les machines sont souvent très difficiles à obtenir.
Les problèmes de paiements internationaux ne permettent pas de fixer ou de maintenir les brevets et de payer les publications dans les revues internationales. Ces publications sur les effets des médicaments et des vaccins sont une condition de la reconnaissance internationale.
En raison des restrictions en matière de visas, les spécialistes cubains ne peuvent pas participer à des conférences internationales et les patients américains atteints de cancer ou de diabète ne peuvent pas se faire soigner à Cuba. Inversement, les scientifiques étrangers ne peuvent pas non plus se rendre à Cuba pour des études ou des échanges, car l’entrée aux États-Unis leur est alors rendue difficile ou refusée.
Le Dr Belinda Sánchez a souligné que la pandémie de Covid a fait des victimes inutiles à Cuba. En effet, à cause des problèmes provoqués par le blocus, les vaccins ont pu être produits beaucoup plus tard et pas toujours en quantité suffisante. Des milliers de décès auraient pu être évités en produisant plus rapidement des vaccins en quantité suffisante et en disposant à temps des serin-gues et des aiguilles nécessaires.
Franco Cavalli, président de l’ONG Medicuba Europe, a parlé des conséquences extraterritoriales illégales du blocus sur la santé. Par exemple, Medicuba souhaitait financer trois laboratoires supplémentaires pour le diagnostic des maladies transmissibles, à Santiago, à Santa Clara et à Pinar del Rio. L’objectif était de rendre ces tests plus rapidement accessibles à la population. Ce faisant, Medicuba a rencontré des problèmes de paiement avec les fournisseurs en raison des restrictions imposées par le blocus. Franco Cavalli était lui aussi formel : des milliers de décès auraient pu être évités en produisant plus rapidement assez de vaccins et en disposant à temps des seringues et des aiguilles nécessaires.
LES PAYS TIERS TOUCHÉS
Cette intervention a été suivie de nombreux témoignages de personnalités politiques qui ont expliqué le caractère extraterritorial des lois du blocus. L’eurodéputé Manu Pineda (Gauche-PCE) et l’ancien président du Parlement européen Miguel Ángel Martínez (2007-2014) ont déploré que l’Union européenne soit en fait un appendice des États-Unis. Les députés ont accusé l’UE d’être un appendice des États-Unis. Si l’Union ne reconnaît pas l’extraterritorialité, elle ne parvient pas non plus à la nier et à mener une politique souveraine. L’ancien député français Michel Lambert a également avancé des arguments en ce sens.
L’ancien président de l’Assemblée générale des Nations unies, Mogens Lykketoft (2015-2016), a souligné que la grande majorité de l’ONU a massivement désapprouvé le blocus pendant 31 années consécutives. En 2016, sous la mandature Obama, tout semblait indiquer que le blocus serait allégé. Mais avec Trump, ces espoirs ont été anéantis. Quant à Biden, il n’a pris aucune initiative sur ce sujet.
Mogens Lykketoft a également souligné que l’inscription de Cuba sur la liste US des États soutenant le terrorisme était totalement injustifiée. Au contraire, Cuba est un acteur de la paix en Amérique latine, notamment dans le conflit interne en Colombie.
Brenda López, une jeune syndicaliste étasunienne, a témoigné des problèmes rencontrés par les jeunes aux États-Unis en raison du blocus de Cuba. Tout d’abord, tout échange entre étudiants des deux pays est rendu difficile. Deuxième-ment, ces difficultés valent aussi pour tout échange ou coopération possible au niveau syndical.
Troisièmement, les jeunes de couleur représentent moins de 6 % des étudiants en médecine aux États-Unis. En effet, les jeunes qui souhaitent y devenir médecins doivent s’acquitter en moyenne d’une dette d’études de plus de 215.000 dollars. En revanche, Cuba offre une formation gratuite à la faculté de médecine latino-américaine de La Havane. 47% des jeunes États-Uniens qui y étudient sont noirs, 29% sont d’origine latino.
Quatrièmement, le blocus a créé des obstacles gigantesques à la coopération scientifique entre les États-Unis et Cuba. Cinquièmement, les agriculteurs US subissent des pertes allant jusqu’à un milliard de dollars par an du fait qu’ils ne peuvent pas vendre leurs produits sur le marché cubain, pourtant tout proche.
Son sixième et dernier point est que les dizaines de milliers d’activistes climatiques aux États-Unis et dans le monde n’ont pas accès à l’approche de Cuba qui, dans son plan climatique Tarea Vida, part des besoins et des intérêts des gens ordinaires et offre une alternative à l’inertie du monde capitaliste en la matière. Les activistes climatiques du monde entier n’ont pas accès à l’approche de Cuba, qui offre une alternative à l’inertie du monde capitaliste.
PROBLÈMES AU NIVEAU COMMERCIAL
Le blocus a également des conséquences très graves au niveau commercial. L’entrepreneur espagnol Juan Francisco Fernández a indiqué qu’il voyait actuellement 77 de ses 79 lignes de crédit possibles fermées au commerce avec Cuba. L’entrepreneur italien Michele Curto a expliqué que la législation sur le blocus multiplie le prix à chaque niveau intermédiaire. Cela oblige également Cuba à opérer à moindre coût, ce qui entraîne des pertes économiques. Pour souligner la nature criminelle du blocus, il a donné l’exemple d’un relaxant musculaire nécessaire pour intuber un patient en douceur. Ce procédé était notamment très important pendant la pandémie. Mais l’organisation de Michele Curto n’a pas pu l’acheter et le revendre à Cuba en raison des restrictions.
La législation sur le blocus multiplie le prix à chaque niveau intermédiaire. Victor Fernández est venu de France pour témoigner d’un investissement indispensable dans les chemins de fer cubains que la SNCF, entreprise publique française, prévoyait de faire. Mais le projet n’a pas pu se réaliser en raison de problèmes avec les banques.
LA COOPÉRATION UNIVERSITAIRE BLOQUÉE
Stefaan Smis, professeur de droit international et européen à la VUB, a témoigné du partenariat stratégique que son université entretient depuis des années avec celle de Marta Abreu de Santa Clara. Le partenariat s’est décliné avec sept universités cubaines. Mais le blocus interfère à tous les niveaux possibles. Par exemple les programmes Zoom, Teams ou Canvas ne peuvent pas être utilisés pour la communication. Par ailleurs, une série de sites web d’universités ne sont pas accessibles à Cuba. Et les professeurs qui se sont rendus à Cuba dans le cadre d’un échange universitaire ne peuvent pas se rendre aux États-Unis pendant un an. Même après cette période, ils restent soumis à des interrogatoires difficiles pour obtenir un visa d’entrée. Certains livres ne peuvent être livrés à Cuba. Gerold Schmidt, de la fondation Rosa Luxemburg, a fait état de problèmes similaires.
LES MÉDIAS COMPLICES
DU BLOCUS
En termes de communication et de médias, les conséquences du blocus s’avèrent également extrêmement graves. Le journaliste espagnol Pascual Serrano a affirmé que les principaux canaux de communication sont les complices nécessaires du blocus criminel de Cuba. En publiant des informations erronées ou en passant sous silence les dégâts provoqués, ces médias veillent à ce que le blocus perdure.
A suivre…