La loi immigration, une loi scélérate qui ébranle la société française

Adoptée le 19 décembre, loi immigration qui scelle la compromission entre le macronisme, les droites et le Front national est le signe le plus évident de la fascisation qui travaille toutes les couches de la société française.

Les deux députés guadeloupéens Olivier Serva et Max Mathiasin qui ont voté cette loi ont fait preuve d''une crasse compromission dans le déni total de ce qu''ils sont réellement. Ils connaîtront à coup sûr leur chemin de croix sur les pentes de Golgotha. Dès le vote de la loi une opposition s''est constituée parmi les élus, les médecins, syndicats qui sont bien décidés à ne pas appliquer les nouvelles mesures.
LE TOUR D''HORIZON DES MESURES CLÉS DE LA LOI
• Restrictions sur certaines allocations
C''était un point dur entre LR et la majorité. Un point qui a conduit la gauche à fustiger le choix de la «préférence nationale», quand une partie de la majorité a indiqué qu''il s''agissait de «préférence pour le travail». Pour les prestations comme les allocations familiales, le droit opposable au logement ou encore l''allocation personnalisée d''autonomie, un délai d''attente de cinq ans est prévu pour les étrangers qui ne travaillent pas ; il est de trente mois pour les autres. Pour l''accès à l''aide personnalisée au logement (APL), qui a cristallisé les débats, la condition de résidence pour les étrangers qui ne travaillent pas est de cinq ans. Le délai de carence pour ceux qui travaillent est de trois mois. Les étudiants sont exclus de ces restrictions, ainsi que les réfugiés ou les titulaires d''une carte de résident.
• Des régularisations à la discrétion des préfets
Sur la question de la régularisation des travailleurs sans papier dans les métiers dits «en tension», le texte issu de la CMP est proche de celui du Sénat. Il donne aux préfets un pouvoir discrétionnaire. Il s''agira d''un titre de séjour d''un an, délivré au cas par cas, à condition d''avoir résidé en France pendant au moins trois ans et exercé une activité salariée durant au moins 12 mois sur les 24 derniers. Cette «expérimentation» ne s''appliquera que jusqu''à fin 2026. La majorité présidentielle a en revanche pu ouvrir la possibilité pour le travailleur sans papiers de demander ce titre de séjour sans l''aval de son employeur, ce qui n''est pas le cas, jusqu''à présent, avec la «circulaire Valls». Le texte durcit les conditions pour les étudiants, le titre étudiant étant conditionné au versement d''une caution et au «caractère sérieux des études». LR a aussi obtenu le maintien de la suppression de l''article qui facilitait l''accès au marché du travail de demandeurs d''asile issus de pays à haut taux de protection.
• Débat et quotas migratoires
La Commission Mixte Paritaire a aussi validé, outre un débat annuel au Parlement sur l''immigration, l''instauration de «quotas» fixés par les parlementaires pour plafonner «pour les trois années à venir» le nombre d''étrangers admis sur le territoire (hors demandeurs d''asile) ? Une mesure pourtant considérée comme inconstitutionnelle par la majorité présidentielle.
• Déchéance de nationalité, droit du sol, délit de séjour irrégulier
Le camp Macron a également fini par donner son accord à la déchéance de nationalité pour les binationaux condamnés pour homicide volontaire contre toute personne dépositaire de l''autorité publique. Il a aussi tiré un trait sur l''automaticité de l''obtention de la nationalité française à la majorité pour les personnes nées en France de parents étrangers : elles devront désormais en faire la demande entre 16 et 18 ans. Un retour à la «loi Pasqua», s''est félicité LR. Autre restriction obtenue par la droite : en cas de condamnation pour crimes, toute naturalisation d''une personne étrangère née en France deviendrait impossible. LR a aussi obtenu le retour du délit de séjour irrégulier, auquel était opposé, entre autres, le président de la commission de Lois de l''Assemblée, Sacha Houlié.
• Plus de mineurs en centre de rétention administrative
Alors que LR était réticent à l''inscrire dans le texte de la CMP, une disposition interdit désormais le placement de mineurs étrangers en centre de rétention administrative (CRA). En revanche, les conditions du regroupement familial ont encore été durcies.
• La promesse d''une réforme de l''AME
Les LR en avaient fait une condition sine qua non pour une CMP conclusive : pour renoncer à supprimer l''Aide médicale d''Etat (AME), ils voulaient une lettre de la Première ministre, Elisabeth Borne s''engageant à la réformer dès le début de l''année 2024, en s''appuyant sur le rapport de Patrick Stefanini et Claude Evin rendu début décembre.
Et de fait, la cheffe du gouvernement s''est engagée par écrit auprès du président du Sénat Gérard Larcher. Le texte de la CMP comprend en revanche une restriction de l''accès au titre de séjour «étranger malade». Sauf exception, il ne pourra être accordé que s''il n''y a pas de «traitement approprié» dans le pays d''origine. Une prise en charge par l''Assurance Maladie sera par ailleurs exclue si le demandeur a des ressources jugées suffisantes.
LA RÉSISTANCE À L''APPLICATION DE CETTE LOI S''ORGANISE
Le premier acte a été posé au coeur même du gouvernement par la démission du ministre de la santé Aurélien Rousseau qui a déclaré «Je constate cliniquement que ce n''est pas possible pour moi d''appliquer ce texte». Des manifestations ont eu lieu à Rennes, à Besançon, à Avignon, ou encore à Cherbourg. Mais surtout, élus, médecins, universitaires, syndicalistes ont fait connaître publiquement leur désaccord, voire leur intention de ne pas appliquer certaines dispositions de la loi. Les trente-deux départements dirigés par des élus de gauche ont annoncé dans un communiqué qu''ils refusaient la «préférence nationale». Plus de quatre-vingts présidents d''université ont manifesté leur désaccord. De son côté, la CGT appelle à la désobéissance civile et à la multiplication d''actions de résistance contre cette loi à l''image de ce qu''ont fait trente-deux départements. Face à tous ces appels à la désobéissance, le président de la République pète littéralement les plombs et donne libre cours à ses penchants fascistes en répondant par le mépris aux élus de la République en ces termes «On est dans une République bananière ? Il y aurait des petits roitelets locaux qui décideraient de ne plus appliquer les lois de la République».
La confrontation sur ce terrain s''annonce donc violente avec le pouvoir.
La Guadeloupe qui connait un fort mouvement migratoire euro-caraïbe est concernée par cette loi. Comment les élus, les syndicats, tous les secteurs organisés de la société guadeloupéenne vont-ils gérer la situation créée par «notre appartenance au territoire de la République française».
Il n''y a pas si longtemps un congrès des élus s''était réuni sur la question de l''immigration. C''est peut-être le moment de revisiter les résolutions de ce congrès pour permettre d''établir notre propre politique dans ce domaine.
Source : Isabelle Ficek - Marine Astier Repotere.Net