Fabien Zou, le créateur de mode prend du galon
Le styliste guadeloupéen Fabien Zou a présenté, pour la première fois, ses créations lors de la Fashion Week de Paris en septembre. A 28 ans, il touche délicatement du doigt l’univers de la haute-couture qui le fascine depuis tout jeune et compte bien continuer à faire son trou.
La Fashion Week, quelle belle aventure pour vous on imagine ?
Oui, ce fut totalement surréaliste. J’avais déjà pu présenter mes créations lors de la Fashion Week en 2021 à Amsterdam lorsque je vivais là-bas, mais l’engouement et l’exaltation n’étaient pas les mêmes. A Paris, j’ai pu m’établir dans un lieu défini, convier des invités que je souhaitais présents et mettre en lumière ma collection, intitulée Véyé, soit 7 looks plutôt sombres. Elle était prête depuis janvier et j’avais envie de la montrer à mon entourage et à des gens du métier. J’ai voulu également y mettre ma touche caribéenne et le défilé a débuté au son de la conque de lambi et s’est fait sur un air de biguine. Il m’a fallu beaucoup de logistique pour pouvoir organiser un tel événement, mais ça en valait la peine, car cela m’a également permis d’apprendre pour la suite... Je suis encore un jeune styliste qui débute dans un univers exigeant.
Vous semblez dur avec vous-même. Un côté perfectionniste ?
Oui et heureusement, car il faut l’être ! Cette expérience était géniale et c’est une petite réussite, je ne reviens pas là-dessus, mais je sens que je dois davantage me structurer pour encore progresser
. Aujourd’hui, je me suis installé à Côme, non loin de Milan, en Italie, pour être à proximité de cette cité de la mode. Je veux vraiment vivre de ma passion et être réactif. La mode est quelque chose d’inné. Très tôt, je découpais les vêtements de ma grand-mère pour réaliser des habits pour mes poupées. Puis, à 16 ans, j’ai commencé à coudre. Je réalisais les costumes pour mon groupe de danse folklorique dans l’Oise. J’avais à coeur de leur donner une touche de modernité et d’apporter un côté artistique. C’est cela qui me motive ! J’aime cette créativité qu’il y a dans le support du tissu, j’y trouve une liberté d’expression sans limite, une liberté dont j’avais besoin et que je voulais explorer. Ce n’est pas simple de s’autoriser à prendre des voies artistiques quand la société nous oriente vers un chemin très standardisé...
C’est-à-dire ? Ressentez-vous qu’il est difficile de suivre sa passion ?
Je pense que, pour rassurer son entourage, nous sommes assez enclins à ne pas écouter nos besoins. Je sentais que la mode m’appelait, mais j’ai préféré continuer des études générales pour faire plaisir à mes parents. J’ai évolué dans le monde du marketing avec l’idée en tête qu’un jour, je reviendrais à cette passion et c’est le cas aujourd’hui. Je travaille, j’exerce un métier (Fabien est chef de produit) mais je mets mon temps libre et mes deniers personnels dans le développement de ma marque. J’ai tout appris sur le tas avec une machine à coudre et quelques vidéos. Au départ, un ourlet de pantalon, puis j''ai commencé à élaborer des choses plus sophistiquées. La couture, c’est un challenge de chaque jour, car un vêtement peut sans cesse évoluer... Ce que j’aime dans celui-ci. Comme dans la vie, c’est pouvoir pousser ses limites. Je ne crée par du vêtement de prêt-à-porter ni même du vêtement haut de couture, ce que j’aime, c’est créer des tableaux uniques, des morceaux d’art qui raconteraient une histoire, tout en restant malléable, mais j’aime dessiner des pièces 2023particulières, presque éphémères… Je ne recherche pas à ce qu’elles soient portées, mais à ce qu’elles soient observées...
Il y a beaucoup de poésie dans vos mots et dans vos intentions.
En effet, et je mets un point d''orgue à ce que cette poésie soit empreint de ma culture caribéenne. Je m’inspire beaucoup des Antilles et ma précédente collection était trop peu colorée à mon goût. Je me remets beaucoup en question ces derniers temps pour écouter mes ressentis et trouver ce twist que je recherche entre une nouvelle collection fortement madras, aux couleurs des fleurs de nos îles, aux textures de nos cheveux crépus, tout en gardant un côté très élégant et chic aux pièces. Je veux pousser la recherche vers une certaine originalité et trouver ma patte, la patte Fabien Zou.
Cette patte qui avait séduit Aya Nakamura !
J’ai été honoré d’habiller les danseurs et choristes de la chanteuse Aya Nakamura lors de sa tournée en France hexagonale. J’étais ravi et j''ai eu la sensation qu’ils ont aimé ma flexibilité, ma détermination et mon implication. J’aimerais habiller d’autres artistes par la suite. Mais, aujourd’hui, j’ai aussi envie de travailler sur le développement de ma marque, d’identifier mes valeurs et de trouver mes méthodes de communication. En 2024, je me sens prêt à passer un cap !