Sentiment d’appartenance, questionnement identitaire… L’Afrique et nous, quelle posture ?

C’est une question à la fois ancienne et actuelle qui mérite selon moi une très sérieuse réponse, une réponse approfondie à travers la production d’un sociologue averti ou de quelque expérimenté essayiste.

N’étant ni l’un ni l’autre, j’ose ici bien modestement, non point de donner une réponse, mais de tenter de provoquer des réactions qui aideront, je l’espère, à lever des ambiguïtés qui semblent persister dans nos relations de Guadeloupéens avec le continent mère.
J’observe depuis quelque temps y compris parmi certains compatriotes, apparemment nationalistes, une volonté, pas simplement de solidarité avec les peuples de l’Afrique sub-saharienne, mais une sorte de quête d’identification même à ceux-ci.
Aujourd’hui, on est loin des préjugés d’une trop grande partie de nos populations dans un passé relativement récent, résultat de l’aliénation culturelle coloniale, qui regardait les peuples sub-sahariens avec un complexe de supériorité affiché d’où une certaine distanciation entretenue. C’est vrai, les choses ont réellement changé positivement. Les rencontres entre étudiants et travailleurs antillais et africains depuis plusieurs décennies en France y sont naturellement pour beaucoup.
Cependant, si je suis un sympathisant du mouvement panafricain souhaitant de toutes ses forces l’union des peuples africains ainsi que leur réelle émancipation et le développement multiforme de leurs pays, je ne suis pas partisan du courant d’un retour en Afrique ou d’une quelconque assimilation à ce continent. Le taux important de mélanine qui fait la couleur noire de ma peau, s’il marque mon incontestable origine, ne me contrains pas forcément à une attitude d’usurpation d’identité qui ferait de moi un ressortissant africain. J’ai eu l’opportunité de visiter un pays d’Afrique le Congo (Brazzaville) J’ai retrouvé bien sûr des noms et patronymes bien de chez nous. J’ai reconnu des onomatopées familières. Mais cela n’a pas réussi à me convaincre de mon africanité.
Ce que je pense, c’est que la couleur de la peau ne fait pas une identité. Et combien même, je suis ouvert à toutes les cultures, je ne nous crois pas Africain. D’abord formellement du point de vue de notre lieu naturel d’existence et évidemment ni Européen, ni Asiatique. Et puis naturellement du point de vue culturel, même quand notre expérience de vie a emprunté des éléments de la culture africaine, elle a fait la même chose avec la culture européenne, indienne aussi, et même syro-libanaise. Nous sommes Guadelou-péens, Caribéens, considérant avec le poète haïtien Anthony Phelps que notre terre a suffisamment d’humus pour voir pousser un homme nouveau.
Me réjouissant vraiment de la posture de plus en plus tranchante des jeunes de la nouvelle génération des originaires de l’Inde qui affirment leur «guadeloupéanité», il ne m’est pas concevable que dans le même temps, qu’au lieu de faire peuple et nation, une partie des Afro-descendants s’inscrive dans une démarche de fuite en avant. Cette terre de Guade-loupe ensemencée de la chair, du sang et de la sueur de nos aïeux ne peut être que nôtre. Elle ne peut être laissée au bénéfice de nouveaux conquistadors en mal d’exotisme.
En dépit de la carte d’identité française que nous imposent le fait colonial et son administration, de plus en plus considérée comme un objet utilitaire, nos compatriotes quelles que soient leurs origines affirment de plus en plus avec force leur identité guadeloupéenne.
Alors, je suis d’accord pour célébrer l’Afrique comme lieu de l’apparition de l’Homme sur la planète, à reconnaître son extraordinaire apport à la civilisation mondiale, mais en définitive, ce qui doit réellement compter pour nous aujourd’hui, c’est la manifestation concrète de notre solidarité et notre soutien aux luttes des forces progressistes de ses peuples contre l’impérialisme et le néocolonialisme.
Je suis donc favorable à la coopération fraternelle et aux échanges amicaux de toutes sortes satisfaisant nos intérêts mutuels avec les travailleurs et les peuples de tous les pays africains.