Radioscopie d’une élection

L'élection du Président du Conseil Départemental et de laCommission permanente le 2 avril dernier a-t-ellevraiment signé la fin de la campagne électorale et fermer le dossier des élections départementales ?

P lusieurs éléments de l'actualité politique incitent à en douter : la dernière réunion du conseil municipal des Abymes, la déclaration du maire de Bouillante, l'interview de l'ex-président du Conseil Général Jacques Gillot dans le quotidien de la place, le vote du budget de la CANBT. Il faut être infirme politiquement pour ne pas voir que la bataille continue avec la même volonté de terrasser l'adversaire avec en perspective les élections régionales du mois de décembre.

LA STRATEGIE DE VICTORIN LUREL A GAGNE

V ictorin Lur el a orienté et contrôlé les élections départementales du début à la fin. La campagne électorale s'est faite en grande partiecontr e sa personne, mais en réalité, sur les thèmes qu'il a imposés dans le cadre de cantons redécoupés par le gouver nement alors qu'il était encore ministre. Dès son retour en Guadeloupe, après avoir été déchargé de sonministèr e, il a annoncé publiquement et avec un ton sans concession sa volonté de fair e le ménage dans le socle de gauche. Son discours de politique générale, après avoir récupéré son poste de Président, un acte jugé sans tact dans la forme par de nombreux compatriotes, il a, en faisant l'inventair e des pr oblèmes vitaux pour les Guadeloupéens non résolus ouvertement désigné sa ciblée : la gouvernance du Conseil Général, donc la tête du Président Jacques Gillot. Pour mener à bien cette stratégie, il a fait ce que font tous les exécutifs Régionaux et Départementaux depuis l'avènement de la décentralisation pour remporter les élections. Il a mobilisé les moyens financiers de la Région à un niveau certainement plus élevé, mais enpr enant le soin de recouvrir sa démarche électorale par une convention de développement locale avec les communes qui attendent comme sœur Anne la promesse d'une subvention. Victorin Lurel a actionné à fond les ressorts du municipalisme, cette nouvelle «idéologie» qui organise la vie politique en Guadeloupe. Les commentateurs et les politiques ont tout faux lorsqu'ils disent que la Fédération socialiste a gagné les élections départementales. Incontestablement, c'est la stratégie de Victorin Lurel et son engagement personnel sur le terrain qui ont gagné.

UN PAYSAGE POLITIQUE MODIFIE

A L'issue des scrutins, le rapport des for ces politiques apparait comme pr ofondément modifié mais, les choses sont en réalité plus subtiles que ce que l'on voit, compte-tenu des positions, souvent de cir constances de certains élus. Ce qui est sûr , c'est qu'aujourd'hui, au bénéfice de la loi sur la parité, l'Assemblée est composée de 21 femmes et de 21 hommes. Quel sera l'impact de cette féminisation imposée sur le travail du Conseil départemental ? Nous le serons assez tôt. La victoir e de la stratégie Lurel qui se solde par une majorité absolue, a pour première conséquence, le changement de la gouver nance au Conseil Général. Jacques Gillot, prenant acte qu'il n'a plus la majorité à gauche et qu'il ne fait plus le consensus sur lequel il a construit sa majorité depuis 3 mandatures, a jeté l'éponge. Désormais, à la gouvernance du Conseil départemental, on a la majorité que V ictorin Lur el a arraché des ur nes, avec à la Présidence, Madame Borel Lincertin, à qui, le Président Lurel devait renvoyer un ascenseur public pour tenter d'effacer les critiques dont il a fait l'objet pour l'impression qu'il a donné d'avoir remercié sans ménagement cetteder nièr e de «son poste» de Président du Conseil Régional. Désormais, l'Assemblée départementale compte 4 gr oupes politiques : Le groupe de la majorité PPS/ PPDG : 28 membres (3 PPDG -1 UMP - 2 DVG - 6 FRAPP - 16 PS). Le groupe GURS : 9 membres Le gr oupe Républicain Démocrate : 3 membres Le groupe Jeannie Marc (sans étiquette) : 2 membr es La commission permanente étant composée sur la base de la pr oportionnelle, tous les groupes sont représentés, mais à la Présidence et aux postes de vice-présidents, on ne r etr ouve que les membr es de la majorité PPS/PPDG. Le «socle de gauche» bâtit sur une forfaiture, car sans les communistes, a vécu pour faire place à la coalition socialiste et pr ogressiste, a affirmé la Présidente Borel Lincertin. Exit donc le GURS qui ne serait plus socialiste. Mais, là où il est difficile de suivre la nouvelle Présidente, c'est lorsqu'elle déclare pour justifier l'élimination du Président Jacques Gillot : «Nous pouvons af firmer avec une grande fierté, que grâce à la lucidité des Guadeloupéens, nous avons lavé l'affront de la trahison idéologique dont a été victime notre Parti». C'est proprement irrecevable. Ce n'est qu'un raccour ci pour exprimer un sentiment de vengeance, mais cela ne corr espond à aucune réalité politique et relève d'un cas de déni. Car enfin, les élus du GUSR, héritiers de la FRUI-G ont bien trahis la gauche en 1992, mais les socialistes n'ont jamais r ompu avec eux au Conseil général et partagent dans le socle de gauche (PS- GUSR-PPDG) la majorité du Conseil Régional depuis 2004. A ce titr e, ils sont comptables au même titre que le GUSR et le PPDG des faillites qu'ils dénoncent. Deux autres faits marquants dans le changement du paysage politique au conseil départemental :

La disparition de la gauche alter native qui ne compte plus aucun élu dans cette Assemblée. Ce groupe, en s'éloignant de sa feuille de route qui le plaçait comme une force alternative au «socle de gauche» et en se mettant au service du Président Gillot a été traité comme un obstacle au plan Lurel. La non réélection du conseiller général Jacques Kancel, mem br e du Parti Communiste Guadeloupéen, est un coup dur pour le Parti qui depuis 1944, faisait entendre la voie du monde du travail dans cethémicycle. Mais, ce n'est pas la fin du Parti qui est intervenu dans la campagne, pour démontrer que ces élections n'étaient porteuses d'aucuns enjeux politiques majeurs pour le pays. L'essentiel aujourd'hui c'est de reconstruire les liens du Parti avec le pays réel et de travailler avec les forces vives à la construction d'un véritable projet alternatif de société.

SUR QUOI VA DEBOUCHER LA VICTOIRE ELECTORALE DE LUREL

Bien naïf celui qui pourrait penser que les portes du pouvoir absolu sont ouvertes pour Lurel enGuadeloupe. Cette position dominante de l'homme qui tient à sa personne, à son sens politique af finé et une connaissance maitrisée des «attendus» des couches sociales du pays suscite résistance et défiance alors qu'il est pratiquement seul, en première ligne, sans l'apport d'un appareil politique efficient. La Fédération socialiste dans son état d'organisation actuelle n'est pas d'un grand secours pourLur el en cette période où les attaques vont pleuvoir de partout. Dans cette nouvelle majorité aussi bancale que le «socle de gauche», les loups sont déjà en chasse. Éric Jalton en imposant son organisation politique locale comme un Parti dans la nouvelle majorité, annonce les couleurs alors que Jocelyn Sapotille qui louvoyait sur la présidence du Conseil départemental est en embuscade. Contrairement à ce que l'on peut penser, cette victoire de Lurel n'enterre pas la revendication du changement institutionnel. Il existe dans cette Assemblée une majorité d'élus qui sont au moins pour une Assemblée unique. Ils iront ensemble jusqu'aux élections régionales, mais après, les portes de l'Enfer risquent de s'ouvrir pour Victorin Lurel comme cela a été le cas pour Dominique Larifla et Lucette Michaux-Chevry.