Florence Naprix, une femme artiste engagée

L'artiste compositrice-interprète guadeloupéenne Florence Naprix met, depuis toujours, son énergie au service de la musique créole, sa passion. Mais, au fil des années, son implication en faveur de la défense des droits de la femme prend davantage de place dans son art. Elle l’évoque notamment dans son podcast (Re)belle est la bête, le spectacle.

 En ce début d’année, qu’attendez-vous de 2024 pour vos projets ?



Je suis actuellement en pleine écriture de mon nouveau spectacle musical, (Re)belle est la bête, qui mettra en évidence un sujet qui me tient à cœur, celui de la femme et de l’importance de lutter pour sa place et son égalité dans la société. Je suis encore attristée de voir à quel point elle est parfois reléguée à un certain rang, voire oubliée lors de violences conjugales. C’est un fléau qui me hante et je n’ai pas fini d’en parler ! Ce spectacle, que j’aimerais présenter cette année, sera l’occasion d’entendre la voie d’une femme en 2024, ses questionnements, ses doutes mais aussi ses frustrations face à des événements tels que des féminicides encore trop fréquents. J’ai ouvert ce débat dans mon podcast mais, avec ce spectacle, j’ai envie de faire les choses en grand et d'impliquer davantage le public.



Trouvez-vous que la parole des femmes n’est pas suffisamment libérée ?



Je trouve que les femmes s’expriment de plus en plus, et bien heureusement, mais que leurs mots ne sont pas assez entendus… Cette inégalité que nous connaissons, que ce soit dans la vie conjugale et intime ou dans la vie professionnelle, est injustifiable. Nous devons mener une réflexion de fond sur ces rapports que nous entretenons et ces non dits qui abîment les femmes. Aujourd’hui, une femme qui dénonce reste une menace pour l’équilibre d’une famille, d’un couple, ou même d’une entreprise. Il y a ce privilège masculin existant qui permet de minimiser ou de passer sous silence certaines choses. Le fait même de porter plainte est parfois regardé de travers ou peu considéré par les autorités... A travers mon futur spectacle, je ne veux pas me restreindre et je souhaite ouvrir la discussion sur des débats épineux. Je sens que la femme a cette capacité d’être plus forte qu’on ne l’imagine…



 Sentez-vous que vos mots ont pu accompagner certaines d’entre elles ?



Oui et c’est ce qui me pousse à continuer de m’exprimer. Je suis une artiste guadeloupéenne touche à tout et je suis fière de mon héritage culturel et musical mais je suis aussi une femme qui a ôté ses œillères et qui a pris son destin en main. J’organise des « Ateliers de chant mais pas que », avec ma sœur , Graziella Bordey-Naprix, orthophoniste et coach vocale, dédiés aux femmes où elles se libèrent de nombreux maux par le chant. Ensuite nous discutons librement et beaucoup évoquent leur quotidien épuisant. En Guadeloupe, il n’est pas aisé de consulter une tierce personne notamment issu du domaine médical. Ce groupe devient un espace de confiance dans lequel la parole circule librement. Chacune d’entre elles ont des histoires émouvantes à conter et certaines arrivent à puiser dans nos échanges la force de modifier le cours de leur vie. Ce sont des décisions difficiles à prendre mais, petit à petit, elles y arrivent.



Pensez-vous que ce soit la mission d’un artiste de s’engager dans de tels combats ?



J’ai toujours considéré que l’art était bien plus qu’un divertissement. Selon moi, nous sommes investis d’une mission et le fait qu'un artiste dispose d’une plateforme privilégiée est un sacré avantage pour diffuser des messages. Le chant a toujours été une évidence pour moi car il me permet de me réaliser. Quand je chante, je veux donc raconter quelque chose. Quand j'étais en France, je me rappelle que je parlais de la beauté de la Guadeloupe dans mes chansons en créole. Aujourd'hui, je parle toujours de mon île mais je suis aussi capable de parler de nos blessures et de nos faiblesses. Je veux qu’elle guérisse de la même manière que je souhaite que la femme s’élève. Il est important d’arrêter de regarder en arrière ou se laisser porter, il faut apprendre à se connaître et à reprendre le fil de nos décisions. J’aime ce devoir que j’ai en tant qu’artiste de pouvoir aller plus loin.



Votre musique est-elle le résultat de toutes vos aspirations personnelles ?



Oui, j’aime présenter une musique qui aura un sens. Je m’inspire et je m’entoure d’artistes qui sont dans cette même élévation collective. Fred Deshayes, Dominik Coco, Véronique Sambin, ils ont ce petit grain de folie et cette passion pour leur public que je respecte. J’aime performer sur scène car je ressens l’enthousiasme du public et j’aime l’instantané du live et cette connivence avec les musiciens. J’ai envie que mon prochain spectacle puisse tourner à travers la Caraïbe et l’Hexagone et puisse ainsi voyager à travers les cultures.  



Instagram @florencenaprix



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