La Nuit Blanche 2024 sous l’égide de l’Outre-mer

La Nuit Blanche, c’est un immense événement dans la capitale parisienne qui ouvre l’art contemporain au grand public. La conservatrice et historienne d’art guadeloupéenne Claire Tancons prend les rênes de la direction artistique de la 23e édition de la Nuit Blanche qui se déroulera du samedi 1er en soirée au dimanche 2 juin matin. Elle nous dévoile quelques indiscrétions.

D’ici quatre mois, Paris va se
transformer en musée vivant hors de ses murs et, cette année, ce sont les Outre-mer qui seront la star de la Nuit Blanche 2024.
Pourquoi un tel choix ?
C’est à l’initiative de la mairie de Paris, notamment de la maire de Paris, Anne Hidalgo, conjointement avec Jacques Martial, adjoint à la mairie de Paris, chargé des Outre-mer (ancien président du Mémorial ACTe). C’est un grand bonheur pour moi d’être nommée à ce poste que j’embrasse avec gratitude. Nous nous sommes déjà mis au travail pour présenter une Nuit Blanche qui répondra aux attentes et je peux vous dire qu’elles sont élevées ! La Nuit Blanche est un événement qui existe depuis plus de vingt ans à Paris avec une fréquentation toujours en nette hausse. C’est un rendez-vous qui permet de démocratiser la culture et l’art contemporain et de l’apprivoiser dans des lieux toujours plus surprenants, gratuitement. Des lieux où l’art n’est naturellement pas présent. Nous ambitionnons ainsi de proposer des contenus riches avec pour ligne directrice les Outre-mer ! L’occasion de mieux faire connaître les pratiques artistiques des onze pays ultramarins. De Tahiti à La Réunion, en passant par la Guadeloupe. De plus, nous avons activé un réseau d’artistes des Outre-mer, mais pas seulement, à se joindre à nous dans cette aventure et nous recherchons à créer ensemble un événement qui symboliserait l’ouverture sur le monde et sur ces trois océans, comme un écho aux territoires lointains de l’Hexagone. Il y a une dimension d’autant plus particulière que nous entrons dans une année olympique et ce choix d’inclure les Outre-mer dans les festivités est très fort ! Cela offre une dimension mondialisée à cet événement et j’en suis ravie !
Sans nous dévoiler la programmation de cette Nuit Blanche,
quelles informations pouvez-vous nous glisser.
J’ai l’envie que nous puissions retrouver des oeuvres qui ont un rapport entre Paris et les Outre-mer et de retrouver cette carte ultramarine de Paris dans l’espace public. Je souhaiterais également que nous découvrions l’amplitude des histoires qui unissent tous nos territoires, ces liens qui nous manquent parfois... Il y aura notamment des spectacles vivants en extérieur et des représentations autour du sport. La Nuit Blanche sera ultramarine mais elle sera aussi sportive ! N’oublions pas que l’Outre-mer est un vivier de champions dans de nombreuses disciplines, escrime, football, athlétisme... J’ai à coeur de traduire, avec l’appui de l’art contemporain, toute la réalité ultramarine, même celle qui n’est pas linéaire, et de ne pas oublier de célébrer ses réussites, ses blessures et ses souffrances…
Comment retranscrire à travers l’art toutes les facettes de
l’Outre-mer ?
C’est challengeant je le conçois car je réalise à quel point il y a une complexité de discours lorsqu’on évoque les Outre-mer en France… A mes yeux, l’Outre-mer est une fiction politique fissurée, tout autant que l’art ultramarin... Il faut pousser la réflexion. Moi qui ai vécu dix ans aux Etats-Unis, notamment à la Nouvelle-Orléans, puis travaillé à l’international dans l’élaboration d’événements artistiques (Claire a dirigé des biennales d''art contemporain comme celles de Gwangju, du Cap ou encore de Sharjah) je suis encore surprise de constater un certain mutisme autour du colonialisme. Il continue d’être censuré alors que c’est un fait qui irrigue à peu près toutes nos actions et nos comportements lorsqu’on est issu des Outre-mer. On ne peut pas s’affranchir d’un tel passé mais on peut en parler, l’évoquer et surtout avancer avec lui. Je vois ainsi les choses avec une conscience diasporique et caribéenne et, quand je discute avec de nombreux artistes ultramarins, eux avouent s’être éloignés de leurs origines. Il faut penser l’art comme une pratique curatoriale et c’est l’enjeu de cette Nuit Blanche.
Quatre territoires vont, semble-t-il, avoir leur propre Nuit Blanche ?
C’est exact ! C’est un projet que nous sommes entrain de finaliser avec la Polynésie, la Nouvelle-Calédonie, la Guadeloupe et la Martinique. Elles vont jouer le jeu de créer une programmation spécifique sur leurs territoires qui sera retransmise sur France Télévision. Je suis enjouée de voir autant d’initiatives parallèles. C’est un boosteur pour la suite !