Un mode de calcul du prix de la tonne de canne qui étrangle les planteurs

On pressentait déjà la mobilisation des planteurs de cannes qui depuis plus d’une semaine ont exprimé leur souffrance à travers une lettre ouverte qu’ils ont diffusée le plus largement possible à la population, interpellant ainsi tous les acteurs de la filière canne.

Les professionnels de la canne dénoncent, avec force, le modèle de fixation du prix de la tonne comme il est appliqué aujourd’hui.
D’après le président de l’Union pour le développement cannier et agricole de Guadeloupe (l’UDCAG), Roméo Meynard, interrogé par nos soins, la profession a beaucoup de problèmes au niveau de la canne. Les difficultés dit-il, ont véritablement commencées dès 2013 en Basse-Terre et depuis deux ans, en Grande-Terre.
D’après le président de l’UDCAG, les planteurs de cannes, en zone Basse-Terre, ont commencé par recevoir une modique paie qui n’a cessé de diminuer jusqu’à ne rien recevoir en 2023.
Face à une telle dégradation de la situation, les planteurs ont décidé de mettre un terme à ce qu’ils ressentent comme une exploitation, car disent-ils, les gens travaillent pour avoir un salaire décent leur permettant de faire vivre leurs familles. Ils sont bien décidés vaille que vaille à agir pour que les choses prennent une autre tournure dès la récolte 2024

. Pour le président de l’UDCAG, s’il faut passer par le boycottage de la récolte 2024 pour se faire entendre, ils y sont prêts.
Roméo Meynard souligne qu’il n’est plus question que les planteurs de cannes guadeloupéens continuent à travailler dans les champs dans les mêmes conditions que leurs ancêtres, réduits en esclavage par le pouvoir politique en place. Il regrette amèrement que tous les efforts qui ont été entrepris pour sauver la filière canne, n’ont servi qu’à enrichir une catégorie de personnes, ce qu’il juge indigne pour la profession.
D’autre part, les planteurs ont le sentiment d’être roulés dans la farine quand la fixation de la richesse de la canne dépend du bon vouloir des usiniers. Ils sont à leur merci, car ils n’ont aucun moyen de contrôle. Selon le président de l’UDCAG, il y a une inter-profession qui doit être mise en place. Elle devrait être en mesure d’effectuer ce contrôle. Les craintes des planteurs se justifient par rapport à la vétusté du matériel de mesure utilisé qui date de plus de soixante ans. Selon le président Meynard, l’usine est équipée d’un broyeur de cannes qui chauffe en excès et qui rend inexacte la richesse de la canne.
Le président de l’UDCAG, explique le circuit que prend le prélèvement de la richesse saccharine : «Quand le CTICS fait son prélèvement, les planteurs obtiennent une première richesse puis les données sont envoyées à l’usine Gardel au Moule. C’est cette dernière qui détermine en toute discrétion la richesse saccharine définitive».
Par la voix de son président, l’UDCAG se dit prête à prendre en main la filière canne, qu’il estime n’appartenir qu’aux planteurs. Ils considèrent que les planteurs constituent le premier maillon de la chaîne, et que sans eux, il n’y aura plus de canne en Guadeloupe.
Parmi les points de revendication, les planteurs dénoncent les délais de
Roméo Meynard, président de l''UDCAGpaiement et la manipulation éhontée des richesses de la canne.
Ils dénoncent la mainmise de l’usine Gardel qui, selon eux, tirerait des subsides conséquents à partir de la mélasse de leurs cannes, laquelle est transférée à l’usine Bonne-Mère où est fabriqué du rhum, du vinaigre et de l’alcool sans rien leur verser de la transformation de ces produits.
S’agissant de la bagasse, les planteurs perçoivent une subvention, mais strictement rien de l’électricité produite à partir de cette matière.
Les planteurs revendiquent un prix fixe de 160 € la tonne de canne bloqué durant trois ans, leur permettant de mettre à profit cette période qui leur permettra d’analyser de fond en comble les difficultés qui assaillent la profession. Pour l’instant, le prix fixe est de 109 €, conditionné par une richesse saccharine de 9, ce que très peu de planteurs parviennent à réaliser.
Le jeudi 15 février, très tôt dans la matinée, les planteurs ont bloqué plusieurs axes routiers de la Guadeloupe, pour d’abord sensibiliser la population sur leur situation et d’autre part, pour aider les décideurs politiques en charges de la filière canne-sucre-rhum à prendre les bonnes décisions pour retrouver la paix sociale.
Parmi les propositions avancées, les planteurs envisagent de mettre sur pieds une autre forme d’économie de cette filière canne, avec le concours de tous les décideurs et acteurs concernés.
C’est ce qu’ils ont proposé à la réunion qui s’est tenue à Petit-Canal en présence des maires de Petit-Canal, Bouillante et Anse-Bertrand, ainsi qu’avec les députés Olivier Serva, Christian Baptiste et Max Mathiasin arrivé en fin de réunion.
Après l’échec de la rencontre du lundi 19 février à la Chambre d’agriculture à Convenance Baie-Mahault, le lendemain, 20 février, une autre rencontre a eu lieu entre les planteurs, les exécutifs des collectivités du Conseil régional, de de l’Assemblée départementale et la Chambre d’agriculture.
Selon le président de l’UDCAG Roméo Meynard, les élus ont entendu leurs cris de souffrances et de détresse. Mais ne pensent pas moins que les planteurs «doivent se sacrifier» pour la survie des autres activités. Le président précise qu’il n’y aura pas de récolte cette année, et que le mouvement continuera plus que jamais. Manifestement l’ouverture de la récolte 2024 est incertaine.