Un faux procès fait à l''octroi de mer

Un constat s’impose, depuis les mouvements sociaux de 2009 en Guadeloupe dénonçant la «Pwofitasyon», et malgré l’adoption de la loi du 20 novembre de 2012 relative à la régulation économique Outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux Outre-mer, le différentiel de prix en défaveur des Outre-mer persiste, d’où ce sentiment prégnant de vie chère qui perdure parmi la population.

La réforme de l’octroi de mer est actuellement au coeur des discussions parmi les élus de la Guadeloupe. Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, prévoit une réforme en profondeur de ce système tarifaire qui s’applique aux produits importés dans les colonies françaises. Créer à l''origine pour favoriser la production locale au sein des colonies, cette taxe spécifique constitue une part importante du budget des collectivités locales, du budget de fonctionnement des communes, L''octroi de mer est devenu au fil des années un imbroglio législatif dont les populations des colonies sont victimes. Cette réforme vise à alléger le coût de la vie et à stimuler le développement économique local, mais elle reste un défi complexe à relever.
Les prix des produits de grande consommation en Guadeloupe restent très supérieurs à ceux pratiqués en France. Dans un avis du 4 juillet 2019, l''Autorité de la concurrence émet plusieurs recommandations pour réduire ces écarts, dont le développement du commerce en ligne, et une réflexion sur les paramètres de l’« octroi de mer».
LEVÉE DE BOUCLIER DES ÉLUS CONTRE LA RÉFORME
En 2018, au moment des gilets jaunes, on a trouvé le coupable de la vie chère, l''octroi de mer. «L’oc-troi de mer contribue à la vie chère en Outre-mer», a déclaré le ministre de l’Économie Bruno Le Maire lors de la conférence de presse du gouvernement. Il a indiqué un processus pour que la réforme de ce dispositif soit «totalement adoptée et mise en oeuvre au plus tard en 2027».
Ce n’est pas la première fois que le gouvernement veut s’attaquer à cette taxe. En 2020 déjà, un rapport commandé par Bercy préconisait sa suppression pure et simple. Mais parce que les revenus qui en découlent reviennent directement aux collectivités locales, ces dernières s’opposent à toute modification susceptible de trop les affecter.
Ainsi, quand un rapport de l’Autorité de la Concurrence, réclamé par Emmanuel Macron pendant son premier quinquennat, a préconisé la simplification de la taxe, la levée de boucliers a été générale
LE DÉFICIT DE CONCURRENCE EST LA CAUSE PRINCIPALE
DE LA «VIE CHÈRE»
Bien que le taux d’octroi de mer additionné à la TVA locale soit bien inférieur en moyenne au taux de TVA appliqué en France, la propagande lancée au sein de la population est que l’Octroi de mer est l’une des principales causes de la «vie chère» sur notre territoire. Il s’agit donc de comprendre les raisons d’un tel décalage. Celui-ci tient probablement en grande partie à l’opacité de l’Octroi de mer.
En effet, contrairement à la TVA qui s’applique sur le prix de vente en magasin, dans la mesure où l’Octroi de mer s’applique sur les prix en douane ou sortis d’usine, le consommateur ne connaît pas le taux de cette dernière taxe effectivement pratiqué sur chacun des produits qu’il achète. De cette ignorance sur le taux d’Octroi de mer effectivement payé par les consommateurs, découle sans doute une surestimation plus ou moins consciente de celui-ci.
Ce décalage s’explique sans doute aussi par la spécificité de cette taxe qui ne s’applique que dans les colonies, contrairement à la TVA qui s’applique sur tout le territoire français, et qui vient donc s’ajouter à cette dernière, même si les taux ne sont pas les mêmes.
Plutôt que d’incriminer l’Octroi de mer, il apparaît finalement plus judicieux d’analyser de manière approfondie les conséquences de la structure de l’économie sur les niveaux de marge pratiqués aux différentes étapes de la chaîne de valeur pour discerner les principales causes de la vie chère, l’enjeu majeur étant de créer les conditions d’une concurrence réelle dans tous les secteurs en Guadeloupe.