Déflagrations, un roman-fiction poignant

Honoré Moustache, psychanalyste de profession, présente son premier roman Déflagrations, disponible depuis fin février. A travers ce roman thriller, il raconte la lourde histoire de Maud, 35 ans, victime d’un viol sur ses terres guadeloupéennes. Traumatisée par cet événement, elle décide de quitter son île pour se reconstruire à Paris. Mais y arrivera-t-elle ?

Sans trop en dire, pouvez-vous brosser les grandes lignes de votre tout premier ouvrage ?
Les faits se déroulent en mai 1967, une époque charnière pour la Gua-deloupe qui vit une période sombre avec de nombreux conflits politiques et manifestations qui mettent l’archipel à vif. Maud a 35 ans et subit un viol dont l’auteur reste méconnu… C’est le point de départ de rebondissements dans son intimité. De sa vie tranquille et paisible, elle devient une victime de violence dont elle ne sait comment se défaire. Pour tenter de trouver des réponses à ce mal-être, elle part s’installer en région parisienne dans le but de guérir ses maux mais également de s’émanciper de son entourage familial qui l’oppresse.
Dans ce destin, elle devra faire face à un nouvel univers de femme ultramarin mais également face à une nouvelle solitude… Je n’en dis pas plus mais les épreuves seront nombreuses pour Maud… Dans ce roman, j’ai voulu tout d’abord mettre en lumière une époque, celle des années 60, une époque qui me plait car beaucoup de choses bougent. La femme commence une révolte pour ses droits. On parle alors de pilule contraceptive, de compte bancaire…Des évolutions mais toujours malmenées par une société bourrée de contradictions où tout avance au ralenti car trop enlisée dans une double domination, celle du patriarcat et du pouvoir religieux.
Maud, malgré sa peine et son désarroi, doit affronter des rapports familiaux complexes, exigeants et étouffants qui lui prennent son peu d’énergie. L''Église catholique radicale se positionne aussi pour lui donner des leçons de morale. Elle se sent enchaînée dans ces sphères qui ne lui permettent pas de se reconstruire sereinement comme elle le souhaiterait.
Ce sujet semble raisonné avec une actualité tournée vers les droits des femmes et l’inscription de l’IVG dans la constitution. Pourquoi avoir choisi ce personnage de Maud ?
Je suis un humaniste avant tout et je suis très touché par les histoires des femmes et surtout par les violences et l’impunité de leurs agresseurs... De par mon métier de psychanalyste, j’ai écouté et accompagné des victimes et leurs mots m’ont toujours touché. Maud, au départ, est une femme issue d’un milieu bourgeois qui vit éloignée de la dureté de la réalité. Mais ce viol la confronte à une autre réalité où une tierce personne a pris le contrôle de ses émotions et de ses douleurs. Elle se lève chaque jour avec une souffrance telle qu’elle ressent le besoin de casser ce lien qu’elle noue avec son cadre pour vivre de nouvelles expériences.
A travers ce roman, je prends la parole pour évoquer des phénomènes sociétaux qui bouleversent et qui brisent des vies. J’ai ressenti cette envie de m’atteler à l''écriture d’un roman, totalement fictionnel, mais avec une approche fine de la tragédie, comme Jean Racine, pouvait le faire dans ces romans. J’ai baigné dans ses ouvrages toute mon enfance et j’aime la façon qu’il avait de dépeindre des personnages typés aux histoires poignantes tout en ayant un regard lucide sur la société. Ce désir d’écriture m’offre la possibilité de conquérir des territoires inconnus, un sentiment nourri par l’insularité, ce besoin constant de regarder ailleurs et de comprendre ce qui s’y passe !
Le constat reste plutôt clair. Votre roman pourrait très bien décrire une situation en 2024, soit 60 ans plus tard. Comment expliquer cela ?
Oui, je ne m’en suis pas rendu compte sur le moment mais c’est en se penchant sur les actualités que l’on réalise qu’il y a encore de beaucoup de tabous autour notamment de la sexualité. La femme reste toujours prisonnière et l’homme, lui, est comme intouchable. Même 60 ans après, je suis d’accord avec vous… Le faisceau de scandales que nous pouvons entendre, que ce soit dans l’univers du cinéma, des arts, de la politique ou même de l’entreprise, fait froid dans le dos. Le personnage de Maud c’est aussi bien Judith Godrèche, que Monica Lewinski ou Naffisatou Diallo….
Ces histoires ne sont pas si éloignées dans le temps et, pourtant, encore aujourd’hui, les femmes qui portent plainte sont fustigées. Heureuse-ment, il se dessine une sorte de sororité qui appelle à libérer les mots et c’est une bonne chose. De plus, l’église, quant à elle, se retrouve finalement mise sur la touche. Elle n’est plus en adéquation avec l’évolution des moeurs et elle ne fait plus recette. Ce délaissement de l’emprise de l’église catholique ouvre la voie à des relations moins coercitives et plus épanouissantes pour beaucoup de femmes.