Le 8 mars en Guadeloupe Une date, deux références

En Guadeloupe, une tradition bien pensée, voudrait que nous soyons souvent portés par une certaine propension à retenir la date de décès des nôtres, plutôt que la date de naissance, alors que normalement c’est cette dernière référence qui devrait en tout temps prévaloir. C’est la naissance de l’homme à telle date, dans tel contexte, en fonction des éléments tant objectifs que subjectifs du moment, qui détermine ici et maintenant sa trajectoire à bien des égards.

Le 8 mars est internationalement connu comme étant la date retenue pour la commémoration du combat des femmes pour la justice, la dignité et tous les droits leur permettant d’accéder à plus de liberté.
En Guadeloupe les organisations féminines organisent plusieurs manifestations pour que la femme guadeloupéenne soit de plus en plus consciente de son rôle et de son devoir dans la cité, dans son rapport au monde et vis-à-vis d’elle-même.
Hasard de calendrier ou pas, ce 8 mars se trouve être également la date de naissance d’un certain Félix Proto, né en 1942 à Pointe-à-Pitre. Figure politique emblématique de la Guadeloupe, cet homme d’une intelligence si prodigieuse sera tour à tour un grand médecin stomatologue, un grand humaniste, un musicien éprouvé, pour qui le piano n’avait aucun secret.
En 1986, il est propulsé à la tête du conseil régional de la Guadeloupe par une majorité politique composée d’élus socialistes et communistes. Cette équipe de jeunes guadeloupéens, occupant pour la première fois un poste à responsabilité politique dans le pays, n’avait qu’un seul objectif, réussir le programme politique qui les avait portés au pouvoir, en tirant toute la quintessence des lois de décentralisation qui venaient d’être votées.
Effectivement, le bilan fut élogieux par l’immensité des réalisations opérées dans tous les secteurs d’activités économico-socio-culturels et sportifs du pays. En une mandature de six ans, cette équipe a construit sept lycées dont celui de Saint-Martin, le siège actuel de la Région, le vélodrome de Gourde-Liane, l’acquisition de l’hôtel Fort-Royal à Deshaies, le cinéma Airport au Raizet devenu la Cité des métiers, la réalisation des deux fois deux voies du pont de la Gabarre, le pont de l’alliance, le désenclavement de la Basse-Terre et de la côte sous-le-vent en éliminant plus d’une demi-douzaine de pont à une voie qui s’y trouvait, l’agrandissement du port de Jarry, la construction de l’aéroport Pôle Caraïbes, de la maison de la communication, de l’AGETL etc. Faut-il rappeler les initiatives multiples prises par Proto et son équipe, pour remettre le pays à flot, au lendemain du passage désastreux du cyclone Hugo.
Plus de trente ans après, c’est un exemple vivant et palpable d’une gestion audacieuse et visionnaire au service du peuple qu’il nous est permis de vérifier. Même s’il faut se rappeler le battage médiatique opéré par Lucette Michaux-Chévry en faisant voter par pure démagogie politique dont elle seule avait le secret, une augmentation des impôts dénommée «l’impôt Proto».
Lors d’une émission télévisée de Guadeloupe la 1ère, consacrée à l’oeuvre de Félix Proto, réalisée le 26 octobre 2023, les intervenants sur le plateau n’ont pas tari d’éloges à son endroit. Les mots de bâtisseur, de visionnaire du 21e siècle sont revenus plusieurs fois pour qualifier l’homme.
Militant politique dès les premières heures, j’ai eu le bonheur de faire partie de cette équipe aux côtés d’hommes et de femmes valeureux et engagés parmi lesquels on avait Mona Cadoce, Serge Pierre-Justin, Christian Céleste, Jean Girard, Ernest Daninthe, Georges Brédent, Dunière Talis, Saturnin Chipan, Roland Gendrey.
Incontestablement c’est l’engagement sans faille de cette équipe qui a donné les résultats que l’on peut admirer aujourd’hui en dehors bien évidemment de l’équation personnelle de l’homme Félix Proto.
Je ne voudrais pas faire de comparaison, je voudrais tout simplement prendre à défaut un intervenant qui lors du débat, a laissé entendre que le résultat plus que positif de Félix Proto et de son équipe serait dû au fait que ces derniers s’étaient plus attachés à centrer leurs interventions et actions uniquement sur les compétences de la Région, alors que les autres présidents ont diversifié leurs actions en intervenant notamment au niveau des communes. La consultation du recueil des actes administratifs de la Région Guadeloupe et le parcours d’un document officiel d’un bilan à mi-chemin de cette même Assemblée à l’époque de Proto, prouve tout le contraire.
Le pays Guadeloupe était au coeur de l’engagement politique de cette équipe socialo-communiste, en dépit de certaines divergences. Le leitmotiv du président Proto était «Nous sommes à l’heure du faire et non du dire». Asé palé annou travay !
D’aucuns se rappellent encore, pour toujours un travail plus efficient des élus et de l’administration régionale au service du pays, les nombreuses joutes politiques verbales et les échanges de courriers les plus acerbes entre Serge Pierre-Justin, président du groupe des élus communistes et apparentés et le président Proto. Ce dernier pouvait s’assurer du soutien de ses camarades Boucard, Falibois, Mathurin entre autres. Tous ces hommes habités par une très grande ambition pour leur pays, leurs discours politiques donnaient du sens lors des débats au sein de l’Assemblée régionale.
Il ne faut point vivre sur le passé, mais souvent il sert de boussole pour comprendre le présent et prévoir l’avenir. Etre dans l’anticipation et penser pays, sans jamais se soumettre, ni se compromettre face aux maîtres blancs, sont les arguments qui permettent de comprendre la différence entre la gestion d’hier de Félix Proto et celle de tous les autres.
Le 8 mars 1942 est né un génie en Guadeloupe. Il a embrassé la politique pour servir, en pensant irradier le peuple de son humanisme avant- gardiste, hélas il a été victime d’un complot, fomenté par sa propre famille politique.
Dorénavant, à la date du 8 mars en Guadeloupe deux célébrations doivent être mises en exergue, celle de la commémoration des droits des femmes et la date anniversaire de l’ancien président du conseil régional, le docteur Félix Proto.