La réserve de poissons de Guadeloupe serait-elle en train de se tarir ?

Suite aux récents incidents intervenus entre les pêcheurs guadeloupéens et ceux de la Martinique,nous avons voulu connaître le point de vue de M.Jean-Claude Yoyotte, Président des marins pêcheurs de Guadeloupe.

Nouvelles-Etincelles : Comment appréhendez-vous le conflit qui oppose les pêcheurs de Guadeloupe et ceux de la Martinique ?
Jean-Claude Yoyotte : Je ne considère pas cela comme étant un conflit. Je dirai plutôt qu'il y a un usage non approprié. On ne peut pas avoir de conflit dans une zone théoriquement non autorisée. Il y a une certaine tolé - rance, donc nous plaçons notre DCP \(Dispositif de Concentration de Poissons). Alors, les camarades de la Martinique n'hésitent pas à venir pêcher dessus. Cela n'est pas sérieux de leur part compte tenu qu'ils savent très bien que le DCP ne les appartient pas. Cependant, je pense qu'en homme intelligent, cela se régle- ra à l'amiable, en bonne harmonie et en bon voisinage.

NET : Depuis, avez-vous déjà ren- contr votre homologue de la Martinique ?
J-C.P : Oui, je l'ai rencontré. Nous avons échangé sur le sujet. Normalement cela devrait être réglé. Il nous a invités à une réunion où nous pourrons rencontrer l'ensemble des profes - sionnels de la Martinique afin de discuter et parvenir à apaiser lestensions.

NET : Notre réserve de poissons est-elle en train de se tarir ?
J-C.P : Nous n'avons pas de réser - ve ! Par contre, nous avons une étendue dans laquelle nous fai - sons «notre cueillette». C'est une pêche tout à fait artisanale. Quand on parle de tarissement, cela sous-entend qu'on a un bas - sin qui a un certain niveau et qu'à la longue, on s'aperçoit que son contenu diminue. Etant donné que c'est le niveau de la mer, ce sont des études qui sont menées et des quantifications. Pour l'instant, je dirai qu'il y a peut-être des prises qui ont dimi- nué. Cependant, j'émets beaucoup de réserves sur une possible diminution de la faune deGuadeloupe. En période de raz de marée, lorsque la mer revient, toutes les nasses se remplissent ainsi que les filets. Ce qui veut dire que les poissons sont bien là et disparais - sent, on ne sait où. Aucune étude n'est menée pour comprendre cephénomène.

NET : La population guadelou - péenne consomme t-elle beau - coup de poissons ?
J-C.P : Ce n'est pas parce que la population guadeloupéenne consomme beaucoup de pois - sons qu'il n'y en a plus ! Ef fectivement, c'est une très bonne chose qu'elle consomme beaucoup de poissons. Cela laisse présager que les pêcheurs ont encore de beaux jours devant eux dans l'exercice de la profes - sion. Il faut savoir que c'est l'une des seules professions qui satisfait les besoins en consommation de la population guadeloupéenne à hauteur de 65%, loin devant l'a - griculture ou l'élevage. Elle pourrait faire mieux si l'Europe ne nous avait pas coupé les aides qui nous permettraient d'avoir une flotte plus consé - quente et favoriser une pêche archipélagique. Nous sommes en discussion avec les Institutions Européennes afin qu'elles prennent en compte nos réalités, avant l'adoption du Financement des Fonds Européens des Affaires Maritimes et de la Pêche. Nous sommes en train de présenter nos amendements pour le financement de DCP et de certains bateaux dans la ligne. Si nous arrivons à avoir gain de cause dans notre démarche, nous pourrons passer de 65 à 70% de la consommation produite enGuadeloupe.

NET : Y'a-t-il un accroissement de nouveaux pêcheurs ?
J-C.P : Il y a surtout un accroisse- ment de clandestins. Des gens qui pratiquent la pêche informelle. Nombre d'entre eux perçoivent le «RMI» et préfèrent rester dans l'informel. Donc, là aussi, nous sommes entrain de mener des études pour mieux cerner le sujet, trouver des pistes de réflexions et d'actions afin de régulariser cette situation.

NET : S'agissant de l'essence détaxée, où en sont les négociations ?
J-C.P : Elles sont au point mort ! Il faut savoir, comme vous l'avez dit, que l'essence est déjà détaxée, donc on ne peut rien enlever dessus comme taxe. Nous sommes obligés de demander qu'il y ait des mesures compensatoires. Il y en a qui sont européennes, nationales ou régionales. Nous attendons de pied ferme un rendez-vous que nous a promis les collectivités Régionales et Générales. Jusqu'à maintenant, c'est seulement le Conseil Régional qui finance le Comité Régional de la pêche deGuadeloupe.

Si l'on croit la déclaration du Président Yoyotte, la pêche est un secteur plein d'avenir qui tend vers l'autosuffisance alimentaire du peuple guadeloupéen mais qui ncessite encore quelques ajustements d'ordre financier. Les élus politiques qui ont en charge les destinées du pays devraient se pencher un peu plus sur ce secteur d'activité pour ôter quelques jeunes dans la voie de l'oisiveté et autres fléaux qui frappent la Guadeloupe.