Mort d'un géant : Eric Hobsbawm s'en est allé !
Lundi 1er octobre 2012, aux pre- mières heures de la matinée, on apprenait le décès, à l'âge de 95 ans de l'historien marxiste bri - tannique Eric Hobsbwam. Ilsouf frait d'une leucémie. Né en 1917, l'année de la victoire de la Révolution socialiste d'octobre, il avait fait de l'idéo- logie marxiste-léniniste, confortée par son expérience de vie en Allemagne dans les années trente, une redoutable arme de combat, une exigence, et un moyen scientifique d'explication des phénomènes historiques du 20è siècle, et de transformation de la société capitaliste. En 1936, il adhère au Parti communiste britannique qu'il ne devait quitter que le 1er octobre 2012, jour de son décès. Il fut longtemps ignoré par la France et le monde francophone, à cause du fait qu'il proposait une autre interprétation de l'histoire, une autre vision du 20e siècle, assez proches de celles décrites par Aimé Césaire, ou Frantz Fanon. Il se situait à l'opposé de la description, de l'interprétation qu'ont voulu donner de ce 20e siècle, un Stéphane Courtois -Le livre noir du communisme- ou François Furet, de la Révolution socialiste d'Octobre, du système socialiste mondial, comme étant des abo- minations absolues, à côté desquels, la 1ère et la 2e guerre mondiale, les guerres coloniales, Hiroshima, Nagasaki, l'Agent Orange déversé pendant dix ans sur le Vietnam, peuvent être considérés comme des “jeux d'enfants inoffensifs.” Sous la plume de Courtois, Furet et leurs affidés, le mal total, absolu était représenté par les communistes et le sys- tème socialiste mondial. “Au terme de vingt ans d'unilatéralisme, écrit Annie Lacroix-Riz, autre historienne marxiste française(1 dans un même opprobre général, toutes les tentatives intervenues depuis les années 1790 pour changer le cours des sociétés et améliorer la vie des hommes, règne la mar - ginalisation sinon la criminalisation de la critique et pas seulement au sens traditionnel que lui donnait Marx.”“T riomphe l'assimilation ou la comparaison systématique entre nazisme et communisme”. “Ainsi, poursuit Annie Lacroix-Riz, la France historiographique a-t-elle vu en vingt ans, la référence au marxisme quasiment liquidée, le plus souvent dans la hargne des chasseurs et la honte des pourchassés. L'esprit dominant semble percevoir un progrès intellectuel dans la réduction des affaiblis au silence et àl'impuissance”. C'est contre la liquidation de l'interprétation marxiste de l'histoire imposée par les intellectuels et les institutions de la bourgeoisie que se battait Eric Hobsbwam. Il a lutté toute sa vie pour s'opposer aux falsificateurs, aux intel - lectuels faussaires que les pouvoirs d'argent ont enrôlés pour imposer aux concours de recrutement en histoire -CAPES, agrégation- l'étude d'ouvrages d'auteurs foncièrement, viscéralement anticommunistes, écartant ainsi toute possibilité de controverse, toute interprétation concurrente. Eric Hobsbwam a beaucoup publié, entre autres : “Les pri - mitifs”, “L'ère des révolutions”, Le long 19e siècle”, “Aux armes historiens”, “L'empire, la démocratie, le terrorisme”, et, surtout, son best-seller international : “L'âge des extrêmes -Histoire du Court XXe siècle” universellement connu, traduit dans une quarantaine de langues, sauf en français. Proposé aux éditeurs français, aucun d'eux n'ac- cepte de le publier. Il a fallu attendre cinq ans pour trou- ver un éditeur “belge” et un traducteur . La chappe de plomb imposée par l'idéologie bourgeoise dominante sur l'enseignement de l'histoire en France s'y opposait. Pierre Nora, historien bourgeois de chez Gallimard en donna les raisons : “Les reliques du marxisme d'Hobsbwam passeraient mal en France, pays le plus longtemps et le plus profondément stalinisé.” Ce livre n'a jamais été édité en France, mais bien par les éditions “Complexes” à Bruxelles en Belgique. Le mensuel français “Le Monde diplomatique” s'associa. Ce livre, dès sa mise en vente en France, remporta un immense et fulgurant succès populaire, contredisant les déclarations péremptoires de Pierre Nora. Hobsbwam n'était pas qu'un historien marxiste remarquable. Il était aussi un passionné éclairé, un grand connaisseur de la musique de jazz, auquel il consacra de nombreux articles et un livre : “Rébellion/La résistance de gens ordinaires.”