Octobre 1917 (2nde partie): Une Révolution toujours actuelle

Par ailleurs, il y a un besoin urgent. En premier lieu, de se réapproprier notre histoire communiste, contre toute diabolisation, mais libres de toute mythification. Le communisme naît comme critique -critique théorique de l'éco- nomie politique bourgeoise dans le «Capital» de Marx et critique comme praxis \(et l'action théorique est également une action pratique dans la mesure où elle influe sur la transformation des rapports sociaux\ pour l'abolition de l'état actuel des choses, pour la transformation des rapports de propriété bourgeois en propriété communiste.

Il faut savoir se réappr oprier de manire critique notre histoi- re communiste du XXème siècle.
Ce sont les autres, le camp bourgeois et anti-communiste, qui écrivent aujourd'hui cette histoire - pour partie de façon très grossière, pour par - tie avec des moyens plus raf fi - nés qui tirent profit égale - ment de centaines de milliers et de millions de documents historiques soviétiques et des pays qui furent des démocra - ties populaires rendus aujour- d'hui accessibles aux cher- cheurs. Sur ce terrain, nous ne sommes pas à la traîne. Qui a essayé d'écrire en histoire sait que c'est par la sélection que le chercheur opère dans la documentation archivistique qu'il peut tracer tel ou tel cadre d'analyse. Les docu- ments -en en vérifiant philologiquement l'authenticité- rap - portent les faits, mais à l'inté- rieur d'une masse qui comme dans le cas russe est véritablement extraordinaire (6 millions de documents dans les Archives centrales russes) on peut sélectionner certains éléments et en omettre d'autres. Ainsi, l'histoire de l'URSS peut aussi être réduite à celle d'un immense Goulag et la famine en Ukraine dans les années 1930 peut être attri- buée à un plan stalinien dia- bolique d'élimination physique d'une nation. Il est temps de commémorer l'Octobre en dotant les communistes des instruments adéquats pour répondre aux dénigrements et à la démolition del'exprience historique du communisme du XXe siècle.

Mais il ne s'agit pas seulement de répondre à la diffamation historique.

Le travail que les communistes peuvent et doi- vent entreprendre dans la connaissance de l'histoir e des révolutions ne peut pas être principalement «réactif», il ne doit pas naître seulement de la réponse aux attaques. L'étude passionnée et critique de notre histoire doit savoir jouer avec plusieurs coups d'avance -pour le dire par un trait d'esprit : il ne faut attendre août 2008 pour travailler sur une compré - hension solide de ce qui a emmené les chars soviétiques à Prague. Les communistes doivent se concevoir et s'organiser comme formation autonome, qui prenne l'initiative égale - ment sur le terrain dangereux et fondamental de la lutte culturelle, sans attendre que ce soient les autres qui choisissent et fixent le terrain sur lequel nous affronter.

L'histoire -dans tous ses aspects- des révolutions com - munistes du XXème siècle doit être étudiée et approfondie en se dotant de tous les instru - ments appropriés pour un tra- vail collectif critique non seu - lement pour vaincre le «révisionnisme historique» mais parce qu'elle constitue un bagage d'expériences fonda - mentales pour la lutte poli - tique d'aujourd'hui, ses per- spectives. Pour en citer seulement un aspect : le terrain de la construction d'une nouvelle organisation économique fon- dée sur une propriété majoritairement publique, étatique, et dans certains cas sociale. Cette organisation économique, tant admirée aussi par les pays en développement parce qu'elle a réussi à doter l'URSS en quelques années d'un grand appareil industriel, l'emmenant à pouvoir faire concurrence dans certains domaines avec les pays capita- listes les plus avancés, n'a pas réussi à passer au stade supé- rieur d'une économie intensi- ve à haute productivité. Et cela fut certainement une des causes qui ont conduit le pays d'Octobre à sa fin peu glorieuse de 1991. Mais pendant ce temps, les bolchéviques et les communistes des démocraties populaires se sont posés et se sont mesurés à la question de l'organisation et la gestion d'une économie socialisée, avec certains succès à côté de lourdes défaites. Ce grand patrimoine d'expériences, de théorisation de l'économie politique du socialisme, depratiques, ne peut pas être rejeté dans l'oubli par ceux qui se proposent comme fin le dépassement de la propriété bourgeoise en propriété socialiste. Seuls ceux qui ont embrassé un nouveau bernsteinisme et défendent la thèse que le mouvement est tout et la fin rien -et qu'on ne peut ni ne doit rien dire sur une société socialiste, mais attendre que quelque chose émerge des contradictions seules de la société- peut éluder la réfé - rence à cette expérience. Mais les contradictions du capitalis - me, comme Walter Benjamin en avait bien l'intuition, ne mènent pas inévitablement au socialisme, et sans l'action consciente et organisée, diri - gée vers une fin, peuvent mener à la destruction de la civilisation : socialisme ou bar - barie.

A suivre…