Il y a 40 ans, le 17 décembre 1972, les Saintannais écrivaient une page glorieuse de leur histoire

Pendant près de quarante ans, Sainte Anne est une chasse gardée du colonialisme français.Maurice Satineau et sa clique y ont instauré un climat de violence, de peur et de brigandage électoral sans égal.

Profitant de l'ignorance et de la crédulité de la population, Satineau mène une active et intense propagandeanti-communiste, exploitant àl'occasion le mythe de Schœlcher, “libérateur” de la race noire. Sa formation politique s'appelait tout simplementle Parti “schœlchériste.” Rapidement, Satineau réussira à développer au sein des popula tions de Maudette, Deshau teurs, Belle-Place, Barotte,Lamarre, Pavillon entre autres, une haine viscérale des communistes qui marquera, pour longtemps, plusieurs générations d'hommes et de femmes. Cette haine les rendra disponi bles pour les pires excès contre les communistes. Sainte-Annefournit aux colonialistes les plus gros bataillons de briseursde grève. La corruption, la fraude électorale, la violence, l'impunité assure, sont les armes de Satineau et ses nervis.Elles assurent aux divers candi dats de la droite réactionnaire l'élection du maire, desconseillers généraux et du dépu té de la première circonscription à tous les coups

. C'est cet héritage que trans mettra Maurice Satineau à seshéritiers qui pensaient pouvoircontinuer à faire main bassesur Sainte-Anne, pendant uneéternité. Coup de théâtre ! Depuis 1965, grâce à l'action inlassable des communistes pour la réalisation de l'union de tous les Saintannais de progrès, le rapport de forces s'est modifié au bénéfice des forces démocratiques et révolutionnaires. Situation intolérable, inaccep table pour le pouvoir colonial qui mettra tout en œuvrepour reprendre, à son profit,la direction de la municipalitéde Sainte-Anne, au travers d'hommes liges, rompus à l'obéissance servile. Les élections municipales du 17 décembre 1972 permet tront aux Saintannais de découvrir toute la monstruosi té du pouvoir colonial, ne reculant devant aucune extrémité, aucun coup de force,aucune action psychologique,pour faire élire son poulain, Francisque Baptiste, et reconquérir ainsi la direction de la municipalité de Sainte-Anne.600 CRS INVESTISSENT SAINTE-ANNE Le 17 décembre, au matin, les Saintannais découvrent que sixcents militaires (CRSCompagnie R_publicaine deS_curit_, armés jusqu'aux dents, avaient pris la commune d'assaut, la quadrillant, disposant des barrages aux points stratégiques, entravant la circulation,ralentissant l'accès aux urnes desélecteurs supposés de la listed'Union Démocratique, dirigéepar Hégésippe Ibéné. Toute une infrastructure guer rière est constituée et mise enplace : militaires, ambulances,chambres froides, bulldozers, “cercueils” en plastic sont réquisitionnés. Les présidents desbureaux de vote, véritables fiersà bras, furent choisis parmi lesnervis de la réaction coloniale.T out est organisé pour la réalisa tion d'une fraude massive, afin de mettre la mairie entre lesmains de Francisque Baptiste. Malgré toutes les entraves por tées au bon déroulement du scrutin, et en dépit de cet énor me déploiement de force militaire, c'est par une majorité de2.382 voix contre 2.073 voix quela liste conduite par notre cama rade Hégésippe Ibéné battaitcelle des fantoches, conduite parFrancisque Baptiste. Avec la complicité des CRS et de l'Administration coloniale, lesprésidents des cinquième etsixième bureaux de vote, aucours du trajet qui les conduisaitde leurs bureaux au bureau recenseur, falsifiaient les résul tats. Les nouveaux procèsverbaux fournis par l'Administra tion coloniale aux présidents falsificateurs donnaient évidem ment la victoire à FrancisqueBaptiste. Les autres membres deces bureaux, représentant laListe d'Union Démocratique, contestèrent ces résultats frauduleux ainsi que les fausses signatures portées sur ces procès-verbaux. Ils furent détruits. En tenant compte des résultatsdes quatre autres bureaux, laListe d'Union Démocratiqueconservait sa majorité : 2087voix contre 1.389. Le coup des P.V. frauduleux ayant échoué, le préfetBrunon et le sous-préfet Cluchard entrent personnellement en action et entrepren nent de réaliser un coup deforce pour la proclamation de Francisque Baptiste, quitte à faire massacrer la population.LE 17 DÉCEMBRE 1972, UN SYMBOLEL'information circule rapide ment et la population apprendce qui se trame contre elle. Elledécide de faire front ! Femmes,enfants, vieux, se rassemblent pour constituer le premier barrage, face aux forces de répressioncolonialiste. Devant le calme de la popula tion, sa détermination, sa volon té de résister, d'affronter les for ces de répression, Brunon etCluchard hésitent, capitulent et renoncent à leur entreprise criminelle. D'une voix blanche, le lundi 18 décembre 1972, au petit matin,le président de la délégationspéciale, usé, défait, membreactif de l'U.D.R., parti deFrancisque Baptiste, proclameenfin la victoire de la Liste d'Union Démocratique, conduite par Hégésippe Ibéné. Lapopulation de Sainte-Anne venait d'écrire l'une des plus belles pages de l'histoire du peuple guadeloupéen, en lutte contre le colonialisme français. Le 17 décembre 1972 est un sym bole et marque la fin d'uneépoque, celle où les colonialistesbafouaient cyniquement lavolonté populaire et imposaientà la population des hommes àleur dévotion. Cette journée du 17 décembre a eu un retentissement considérable sur l'ensemble du pays.Elle a été reconnue et saluée partous les courants de pensée, dela gauche à l'extrême gauche,comme un événement politiquemajeur et l'un des grandsmoments de la résistance du peuple guadeloupéen à l'oppression colonialiste. Un nombre considérable de jeu nes, de femmes, de travailleurs,ont fait en cette occasion leurpropre expérience politique. Une rue de la V ille, baptisée “Rue du 17 Décembre 1972”,immortalise cette glorieuse ethéroïque victoire desSaintannais de progrès sur la réaction coloniale et ses marionnettes locales. Les masses avaient pris conscien ce de leur propre force, etavaient compris que la seulefaçon de mettre un terme à la violence, au brigandage électoral, était d'opposer aux brigands et aux colonialistes une résistance et une détermination plus grande que la leur. Des hommes et des femmes, atteints dans leur dignité, dans leur honneur, dans l'idée qu'ilsse font de la justice et de ladémocratie, avaient décidé derelever la tête. Une résistance spontanée était née, due à une prise de conscience collective d'une situationdevenue insupportable à une majorité de travailleurs saintannais. Chacun avait compris qu'àsa place et selon ses moyens, il avait le devoir d'intervenir, nonpas pour donner des leçons oudéplorer une situation de violen ce, mais en tant que force maté rielle, consciente et organiséepour y mettre un terme.