Louis Collomb : «Notre carnaval est en construction»

Cette année-ci,le carnaval était court mais la liesse populaire était au rendezvous.Pour mieux cerner le sujet nous avons interrogé Monsieur Louis Collomb, Président de l'O.C.G.(Office du Carnaval Guadeloupéen)

NET : Quelle appréciation por- tez-vous sur le carnaval 2013 ?
Louis Collomb :D'abord une appréciation positive. Je pense que depuis un certain nombre d'années nous avons un carnaval qui entre dans une phase ascen - dante. Nous avons encore sûre - ment beaucoup de marge de progression. Maintenant, il nous appartiendra de diriger cette progression car il nous reste beaucoup de travail à faire.

NET : Quels sont les indicateurs qui permettent de penser que le carnaval guadeloupéen a franchi une étape importante dans son développement ?
L.C : Le carnaval n'a pas franchi cette année une étape impor - tante. Depuis un certain temps on peut dire qu'on est entré dans la cours des grands. Nous sommes capables en Guadeloupe de faire un grand carnaval. Maintenant il n'y a pas de critère objectif pour définir cela, sinon par le nombre de participants, le nombre de specta - teurs, le nombre de personnes qui se sont déplacés pour l'évènement. Ce qui est sûr aujourd'hui, c'est que le carnaval a pris de l'am - pleur, il est devenu un vrai outil populaire, une vraie manifesta - tion qui draine du monde. Par contre, plus ça progresse, plus cela demande du travail et plus il faut créer une vision. Pour le moment nous ne sommes pas encore à ce stade car nous n'a - vons pas réellement un projet pour le carnaval guadeloupéen. C'est vrai qu'il est en construc - tion, il est en train de se faire, la tâche est ardue, mais nous nous y attelons. Maintenant, il y a une très bonne équipe à mes côtés à la direction de l'O.C.G, il en est de même à la direction des dif fé - rents groupes et fédérations qui s'occupent du carnaval. Il y a des gens qui travaillent vraiment et qui se donnent beaucoup de mal pour réussir. Après, nous avons un travail de coordination et de mise ensemble de tous cesmouvements.

NET : Le carnaval 2013 a donné lieu à de grands specta- cles publics regardés par des milliers de personnes. Mais, cela ne se fait-il pas au détri- ment de son caractère de liesse populair e, de défoulement dans les quartiers, de sa fonction d'exutoir e et de dérisions rassemblant tout le peuple ?
L.C : Certes, plus le carnaval se développe dans le sens de grandes manifestations, plus il a ten - dance à s'éloigner du «terroir». L'exercice à faire aujourd'hui c'est de garder ce lien et peutêtre même de revenir un peu en arrière sur certains points pour retrouver ce «terroir». Le jour où nous nous séparerons du terroir, peut-être que l'on pourra conti- nuer à se développer mais cela va devenir un spectacle sans âme. Le carnaval de Guadeloupe a cette chance par rapport à d'autres, nous avons une musique spécifique, nous avons vraiment des éléments très particuliers en Guadeloupe et il est important de ne pas se séparer de cela. Donc, il faut trouver cet équilibre. De toute façon, si l'équilibre ne se trouve pas, un moment donné on va basculer dans quelque chose et peut-être avec un retour en arrière on atteindra un cycle. C'est Emmanuel Albon qui avait fait un texte là-dessus et qui disait que l'être humain a tendance à se surpasser et plus on se surpasse, plus on a tendance à bien faire les choses. Plus on s'éloigne de ce qu'on est, au bout d'un moment on arrive à la rupture. Donc du coup, ça crée un cycle. Ce qu'il faut, c'est trouver cet équilibre au lieu de nous faire tourner en cycle. Nous permett - re d'aller de manière linéaire dans un carnaval qui se tient. Moi, je suis de la tendance qui reste très ancrée dans le vécu des groupes. Maintenant, ça reste encore dans tous les cas un moment de défoulement. Le problème de liesse populaire c'est plus compliqué. J'ai tendance à dire qu'on est dans une société guadeloupéenne en par - ticulier, puisque la Martinique par exemple sur ce genre de manifestation est plus consom - matrice que participative. Il y a un phénomène qui me fait «peur» en ce moment. Ce sont tous ces gens qui viennent voir le carnaval, qui s'installent dès 10 heures ou 11 heures du matin avec leurs chaises, leur canari, devant lesquels il ne faut surtout pas passer , parce que vous les dérangez, vous les empêchez de voir et cela même lorsqu'il n'y a pas de groupe qui passe. Je trou - ve cela dangereux parce qu'on va vers un carnaval où il y aura