Paul Lacavé dans la filiation de Delgrès

L e mois de mai est vécu dans notre calendrier comme une période de fondation, de naissance d'une com- munauté d'hommes et de femmes née de ce plus grand crime que l'humanité a connu, la traite transatlantique et l'escla- vage des nègres. En ce mois de mai, a été atteint le sommet de la résistance, de la lutte ininterrompue des nègres arrachés de leur terre d'Afrique par la ruse et la violence des négriers enr ôlés par les féodalités européennes pour faire commerce des hommes noirs, qualifiés par ces criminels, de «bois d'ébène». Dans le fort de Basse-T erre, au Galion, s'est dressé un homme, un nègre, le colonel Louis Delgrès pour s'opposer aux forces esclavagistes dépêchées par le raciste Napoléon Bonaparte, empe - reur des Français pour ramener les nègres dans les fers de l'esclavage après huit années de liberté. Louis Delgrès et les hommes libres de Guadeloupe ont relevé le défi de la liberté et de la dignité et ont accepté de livrer batailles pour vivre libres et à égalité avec tous les hommes. Sur tout le territoire de la Guadeloupe, des hommes et des femmes vaillants ont répondu à l'appel de Delgrès de ne pas accepter la soumission, l'ignominie, la domination : Jean Ignace, Massoteau, Rose Toto, la Mûlatresse Solitude, par leur courage, leur sens de l'honneur ont élevé la race des nègres au panthéon del'humanité. Le message que Delgrès a laissé à la postérité dans l'explosion du réduit Danglemont «Vivre libre ou mourir» en se faisant sauter avec ses hommes emportant dans la mort, la première ligne de la colonne ennemie est toujours au cœur des résistances qui orga - nisent notre société. Cet appel de Delgrès adressé aux générations futures de poursuivre la lutte, considérée comme un droit naturel, contre toutes formes d'oppression a toujours été entendu par des Guadeloupéens depuis 1802. Les exemples sont connus de tous les combats livrés sur tous les fronts pour la défen - se des droits légitimes des Guadeloupéens et pour s'opposer à l'arbitraire des «nouveaux napoléons». A Capesterre Belle Eau, nous ouvrirons cette année, la célébration du centième anniversaire de la naissance d'un homme qui a marqué l'histoire des luttes de son peuple contre l'exploitation des usiniers, les pratiques de gouvernance arbitraires et racistes des pouvoirs français, la violen - ce armée du système de domination. Paul lacavé en se portant, à la tête des ouvriers de Capesterre Belle Eau révoltés, face aux fusils et mitraillettes des CRS, offrant sa poitrine aux tirs en prononçant cette phrase «tirez sur moi, ne tirez pas sur le peuple» le 16 mai 1950, a mis ses pas dans les pas de Delgrès. En acceptant d'aller jusqu'au sacrifice suprême pour le respect des droits, de la dignité et de la liberté des travailleurs en grève et de tous les Capesterriens victimes des exactions de l'usine et du gouverneur de la France au service des «nouveaux esclavagiste», il a relayé pour la postérité, le message de Louis Delgrès à Danglemont : «V ivre libre ou mourir».