“Pour une rupture avec le paradigme de développement”

Le “Cercle d'études pour la promotion culturelle de Sainte-Anne”,présidé par Claudy Chipotel,a repris à la satisfaction de tous,son cycle de conférences-débats. Vendredi 03 mai 2013,+ c'est Georges Lawson-Body enseignant chercher à l'U A G qui introduisait dans un exposé liminaire,le thème cité en titre.

L e débat qui suivit fut d'une très grande richesse, permettant à chacun de faire valoir son point de vue autour d'un sujet qui divise, ne fait pas consensus, loin de là ! La problématique posée est celle-ci : “Faut-il maintenir la vie sur la planète plutôt que le “développement” ou faut-il donner la priorité au “dévelop- pement”, c'est-à-dire la croissance per- manente au détriment de la vie ? Problématique à laquelle personne, aucun peuple ne peut échapper, qui mérite une analyse approfondie, des réponses ou des éléments de réponse urgents et appropriés, car elle condi- tionne l'évolution humaine. Gilbert Rist, Bernard Hours, Serge Latouche, Cheikh Anta Diop, François Perroux, Harry Truman, Karl Marx ou Vladimir Illich Lénine et bien d'autres furent convoqués pour prendre part à ce débat. Comme Rist ou Latouche, Georges Lawson-Body, partisan d'une rupture avec le paradigme de “développe- ment” tel qu'il existe en ce moment, dénonce le phénomène “d'occidenta - lisation” du monde pratiqué par les pays du Nord, notamment en direction des pays du tiers-monde. Derrière ce concept de “développe- ment”, se cache une arrogance occi- dentale qui prétend ériger son modèle en norme universelle, en dehors duquel, il n'y a point de salut. Une prétendue supériorité : “sauva - ges-civilisés ; culture de l'oralité culture de l'écrit.” C'est cette logique qui fut celle de la colonisation, menée au nom de la civilisation que les nations européennes devaient apporter aux autres pays du monde. Il est fait injonction aux pays et peu - ples du Sud “sous-développés”, au motif de combler leur retard, d'entrer dans ce processus de “développe - ment” capitaliste ininterrompu et de consommation à tout va. Pour le conférencier tous les “dam - nés de la terre”, tous les peuples opprimés, humiliés de la planète n'aspirent pas nécessairement à jouir un jour des mirages et des miracles du “développement” pro- posé. Ils veulent vivre dans la digni- té, selon leurs valeurs, sans être piégés par la course folle, permanente, infernale au “développement.” En conclusion, insiste le conférencier, le paradigme de “développement” ne peut être que le fruit des propres réflexions des peuples du Sud, la conséquence des initiatives mises en œuvre en fonction de leurs contextes culturels, économiques, géographiques, historiques..

L'ÉCHEC DU PARADIGME OCCIDEN- T AL DE “DÉVELOPPEMENT”

Par ces temps d'austérité, de chômage massif et de misère, les peuples des pays occidentaux qui devaient servir de modèles aux pays du tiers-monde comme Chypre, la Grèce, le Portugal, l'Italie, l'Espagne, la France, ne sont absolument pas convaincus de l'efficacité d'un “développement”, d'une “croissance”, qui ne leur apporte la moindre once de satisfaction. Et ils le font savoir souvent de manière véhé- mente. Comme le disait Lénine, cet impérialisme-là a atteint son stade suprême de développement. Au détriment du bonheur des peuples... La machine est grippée. Elle a atteint son point de non-retour , abandonne le long des routes le plus grand nombre de citoyens possible. Des millions d'existences sont sacrifiées ! Les marchés financiers, la mondialisation capitaliste ont imposé leur mode de “développement” à tous, le “déve- loppement capitaliste.” Mais les ravages provoqués, la mise en danger permanente de la planète, leurs conséquences négatives sur l'é- volution de celle-ci, posent aujourd'- hui problème, et mettent gravement en cause ce mode de “développe- ment capitaliste.”

“A CHACUN SELON SES BESOINS, DE CHACUN SELON SES POSSIBILITÉS”

Henry Kissinger, “l'assassin” de la Révolution chilienne de Salvador Allende disait : “la mondialisation n'est que le nouveau nom de la poli- tique hégémonique américaine.” Comment s'appelait-elle avant, cette “politique hégémonique américaine” ? Elle avait pour nom : “développement économique”, néologisme lancé par Harry T ruman président des USA, en 1949. Depuis, le concept de “développe - ment” a été affublé de nombreux qualificatifs : durable, autocentré, endogène, participatif, intégré, authentique, équitable, local, micro-développement, endo-développement, ethno-développement et pour couronner le tout, le mal-déve loppement.” Chacun, sous la conduite de la bannière étoilée étasunienne, avait la possibilité de choisir, dans son coin, son mode “développement”, indis- pensable à l'alimentation permanen - te de la “pompe à fric.” Reste que la multiplication des qualificatifs attribués à ce concept de “développement” ne remet nul- lement en cause le principe de l'accumulation capitaliste. La question cardinale restant toujours celle-là : “à qui cela profite-t-il ?” “A chacun selon ses besoins, de chacun selon ses possibilités”, ces bons mots de Marx ont été bannis du vocabulaire dominant, au profit de la création de faux besoins, de l'accumulation d'objets inutiles, du développement d'une économie de goût, du saccage de la nature et ses ressources. “Nous n'avons qu'une quantité limi- tée de forêts, d'eau, de terre, écrit Arundhati Roy ,la romancière indien- ne. Si vous transformez tout en climatiseurs, en pommes frites, en voitures, à un moment vous n'aurez plus rien.

IRRESPONSABILITÉS ET CONSÉQUEN- CES PRÉVISIBLES

Viviane Forrester qui vient de mourir le premier jour de ce mois de mai 2013, écrivait dans son livre, “L”horreur économique”, : “L'imagination des instances aup ouvoir est sans limites lorsqu'il s'agit de distraire la galerie avec des bricola- ges débiles, sans ef fets, sinon néfas - tes, sur rien.” L'écrivain américain Jérémy Rifkin auteur de l'ouvrage, “La fin du tra- vail”, nous livre le fruit de ses réflexions quant aux conséquences prévisibles du “développement capitaliste sauvage”, sans bornes, sans règles, la jungle !... “Un chômage massif, d'une ampleur jamais connue auparavant, semble donc strictement inévitable pour les décennies à venir.” “Une nouvelle maladie écono- mique, étrange et apparemment inexplicable, s'étend comme une épidémie mortelle, taille inexora- blement sa route au travers des marchés, détruit des vies et désta - bilise des groupes humains entiers sur son passage.” “La jeunesse commence à faire entendre son impatience et sa colè- re au travers de comportements de plus en plus anti-sociaux.” “Dans un dénuement désespéré, un nombre croissant d'êtres humains végètent aux portes du nouveau villa- ge high-tech : beaucoup pour surviv- re, finissent par tomber dans la délinquance (1) alimentant une vaste et nouvelle s ous-culture crimi - nelle. Ce nouveau monde hors-la-loi commence à faire peser une mena - ce très grave et très réelle sur la capacité des pouvoirs publics à maintenir l'ordre et assurer la sécurité de leurs citoyens.” Il s'agit maintenant de faire un sort définitif à cette notion de “développement capitaliste” qui a atteint et indiqué ses limites. L'idéologie libérale qui l'anime a abandonné toute idée d'entraide, de solidarité avec les plus pauvres. Il ne peut plus assurer le bonheur du plus grand nombre et garantir l'avenir de la jeunesse. Deux objectifs essentiels de la vie sur terre. Une autre voie doit être choisie, expérimentée par chaque peuple, en fonction de ses intérêts particuliers et de son devoir de solidarité internationale.

(1) Lire : “Moi, Mike, dealer et braqueur”, France Antilles n °12960, samedi 20/dimanche 21/ 04/ 13.