Il est urgent d'arrêter les «masko» et de se jeter rassemblés à l'assaut de la citadelle colonialiste

Q uand après plus de cin- quante ans de lutte anti- colonialiste, chacun de son côté, le plus souvent se com- battant mutuellement et s'affaiblissant forcément, on n'arrive pas à tirer l'enseignement majeur que la cause principale de notre échec c'est la division, cela ne peut que signifier, qu'en définitive on est dans le faire semblant et que finalement on eut dit que chacun d'entre nous et notamment ceux qui demeurent réfractaires à toute union se complaisent dans le système.

Ces propos sont sans doute exces - sifs. Mais comment comprend- re qu'une dénonciation si pertinente, si pédagogique de la «pwofitasyon» par les princi- pales forces sociales et politiques unies, qui au-delà des revendications syndicales ait éclairé la conscience des plus larges masses populaires, aboutis - sant même à une mobilisation de caractère sociétal, n'ait pas eu un réel prolongement politique ?

On a suggéré comme réponse la faiblesse des Partis et Organisations politiques du mouvement anticolonialiste et anticapitaliste. Nous voulons bien. Mais quand certains d'ent - re eux se ressaisissent pour répa- rer les manquements et proposent sur la base d'une plate- forme minimale pouvant rassembler largement tous les patriotes, tous les anticolonialistes sincères, la mise en œuvre d'une autorité politique unique pour relancer la lutte de décolo - nisation de notre peuple, on reste encore confronté à l'esquive, aux atermoiements, au refus de ceux qui jadis impatients, attendent encore et encore le grand soir de la révolution.

Or, chacun sait que la seule façon d'avancer réellement, la seule façon d'ouvrir la voie à la nécessaire décolonisation de notre pays, la seule façon de gagner les masses populaires à ce combat, c'est de nous mettre tous ensemble, unis, solidaires et déterminés dans ce grand «liyannaj pou konstwi an nouvo péyiGwadloup».

Le PF AC reste aujourd'hui la base de ce grand rassemble- ment à construire.

Respectueux des positionne- ments des uns et des autres, nous pouvons entendre et comprendre que tous les anticolonia - listes ne soient pas forcément anticapitalistes bien qu'à nos yeux la lutte de décolonisation est un aspect de la lutte des clas- ses. Et si effectivement nous militons pour la l ibération nationa- le et sociale de notre peuple, nous pouvons être un allié sûr et vigilant à l'étape actuelle de notre lutte, des éléments de la «petite bourgeoisie nationale» décidés à en finir avec le colonia - lisme dans notre pays.

«Il nous faut rassembler nos for- ces écartelées par la ruse de nos maîtres» comme le disait Jacques Roumain et marcher avec notre peuple, pas trop loin devant lui, pour lui montrer le chemin. Pour cela, il nous faut être unis et parler d'une même voix. Il faut ensemble, toutes les forces anticolonialistes sans exclusive aller à sa rencontre et démontrer que la pwofitasyon est non seulement économique et sociale mais surtout et principalement politique. Le maillon le plus fort de la pwofitasyon c'est la domination et l'oppres - sion coloniale.

Il faut également que la ques - tion du droit des peuples à l'au- todétermination et en particu - lier de son droit en tant que peu- ple guadeloupéen à décider librement du choix du cadre juridique et du statut politique qui lui convient soit mise en avant et pédagogiquement expliquée ainsi que le principe de l'élection d'une assemblée constituante qui prend en compte toutes les revendications politiques exprimées dans le pays depuis 50 ans.

Il faut aussi lui faire la démons- tration que les choix des articles 73 ou 74 de la Constitution fran- çaise ne sont pas des choix souverains puisqu'en définitive c'est au parlement français que revient le dernier mot. Il doit, en effet dans ce cas de figure, ratifier ou pas le choix des Guadeloupéens. Et puis, la formulation de la question dans le cadre de la consultation appartient toujours au pouvoir colo - nial qui s'applique ainsi à manœuvrer pour mystifier le peuple et le dérouter.

Enfin, comme nous l'avons déjà formulé, il faut porter notre bataille pour l'émancipation de notre peuple sur le plan international. Il s'agira de rechercher des soutiens dans notre environnement proche pour réussir, comme ce fut le cas pour Tahiti, à faire inscrire notre pays sur la liste des pays à décoloniser à l'ONU. A ce propos, nous avons vu que quand on touche là où ça fait mal comment hurle la bête blessée.

Il y a donc du pain sur la plan- che. Il est urgent de se dépouiller de tous les ressentiments, d'arrêter toutes sortes de «masko» et de se jeter rassemblés, unis et solidaires avec ardeur et détermination dans la bataille pour faire sauter le verrou départemental et marcher résolument vers la libération nationale du peu - ple guadeloupéen.