La violence se nourrit de cette société de la peur et de mépris de l’humain

L es agressions contre les personnes, les attaques en bande organisée et armée contre les biens, les assassi- nats, les violences dans les familles se multiplient et se radicalisent. Cela indique que notre société est entrée dans une phase de dangero- sité qui exprime une certaine mutation de la délinquance que nous connaissons depuis longtemps. La Guadeloupe a peur, tout le monde a peur, cela peut se comprendre, car, per- sonne ne se sent en sécurité nulle part. Mais, il ne faut pas pour autant tomber dans la psychose. Car, tous ceux qui s'in- téressent à la question de la violence savent qu'il y a un vecteur déclenchant dans les faits de violence : c'est la peur. En dehors des individus reconnus comme réellement déséquilibrés, incontrôlables et ils ne sont pas légion, la violence découle souvent d'un sentiment de peur. Cela peut être physique, mais aussi et souvent une peur que l'on pourrait qualifier de «sociale». La peur de ne pas réussir, la peur de perdre son travail, de ne pas être reconnue, la peur de manquer. Cette peur nourrit des grandes frus - trations, des colères qui engendrent agressivité et souvent le refus d'accepter des règles que l'on peut trou - ver injustes. Que l'on ne s'y trompe pas, nous ne cherchons pas des excuses auxdélinquants. Nous voulons dire que, par-delà les actes de gangstérismes spectaculaires que nous vivons actuellement et qu'il faut traiter avec les moyens adéquats, notre société fonctionne dans des rapports de violences permanents qui s'expri- ment dans les familles, les voisina- ges, sur la voie publique, entre jeunes, sur les terrains de sport, dans tous les lieux de vie. On ne peut donc continuer à parler des violences uniquement du point de vue des travers, des déviances et des mauvais côtés des individus. Il faut avoir le courage de regarder la société dans laquelle nous vivons, que nousavons voulu pour voir que si elle apporte des satisfaction à cer - tains, elle offre à d'autres que souf- france, misère et échecs. Si nous continuons à mettre en cause uniquement l'homme, sans dénoncer les mécanismes de cette société qui donne la priorité à l'argent, au «veau d'or», à la consommation de bien matériel, à l'exploitation du corps de la femme, au saccage de la nature, qui stimule l’envie de posséder, de profiter, qui recèle les élites et les élus corrom- pus alors, nous préparons notre«enfer». Il faut oser le dire, la Guadeloupe a été entraînée dans ce monde capitaliste fran- çais et européen qui lui a été vanté par des politiciens sans principes comme l'Eldorado, notre chance de ressembler aux autres, de vivre avec les moyens des autres et tout cela au prix de l'abandon des valeurs qui ont fondé notre communauté de destin, de notre rapport à la terre et à la famille, bref de notre identité que certains de chez nous, continuent à trouver ringard. Nous aussi, avons emprunté le chemin de l'accumulation de bien matériel, de l'adoration du veau d'or. Cette société a fait illusion, elle a permis à beaucoup de réaliser leur rêve de vivre comme ceux de l'autre côté, sans se soucier de ceux qui autour d'eux espéraient tranquillement leur chance, la terre promise, sans faire de vague, confiants que ceux qui détien - nent les clés du coffre-fort là-bas n'ou - blieront jamais leurs enfants du soleil. C'est précisément cette confiance, cette certitude que la crise qui emporte tout à emporter aussi. Des adultes et particulièrement des jeunes ne croient plus à un avenir pos - sible, ils ne croient plus en rien, même pas en leur pays, parce qu'on leur a fait croire que leur pays n'a rien, que leur pays c'est rien. Ceux qui ont le pouvoir, parlent, ceux qui ont appris dans les livres de l’autre, théorisent, incapables qu’ils sont de se rendre compte que se mettent en place les ingrédients d’un embrasement que personne ne peut imaginer. La délinquance, le banditisme, qui sont constitutifs de ce système social savent anticiper et s'organiser pour vivre depuis longtemps de ces failles le plus tran- quillement du monde. Lorsqu'ils se découvrent et passent à l'offensive, c'est le signe que la société ne permet plus à l'économie criminelle de prospérer. Alors, ils frappent le système dans ses points névralgiques avec les dégâts colla- téraux que cela peut entraîner. Les protagonistes de cette société qui trai - tent l’homme comme un simple objet de consommation doivent se dépêcher à mettre en place les moyens adéquats pour préserver la vie et les biens des hon- nêtes citoyens. Mais, ceux qui veulent un avenir pour le pays et ses enfants se lèvent pour prendre le contrôle de leur société et la soustraire aux lois de l'argent et du déni de l'humain.