Africainement vôtre ! Une leçon de dignité

Bousso Dramé lauréate du Concours National d'Orthographe refuse le visa de la France à cause du comportement vexant du consulat de France !

A Monsieur le Consul Général de France,

A Monsieur le Directeur de l'Institut Français du Sénégal,

Mon nom est Bousso Dramé et je suis une citoyenne sénégalaise qui, en ce jour, a décidé de pren- dre sa plume pour porter haut et fort un message me tenant parti- culièrement à cœur.

Par intérêt pour la langue de Molière, j'ai décidé de participer en avril dernier , au Concours National d'Orthographe 2013, organisé par l'Institut Français, dans le cadre des Prix de la Francophonie. Le concours a réuni quelques centaines de candidats, âgés de 18 à 35 ans dans les Instituts Français de Dakar et de Saint-Louis ainsi que les Alliances Françaises de Kaolack et de Ziguinchor. A la suite de joutes portant sur un extrait de L'Art Français de la Guerre d'Alexis Jenni, Prix Goncourt 2011, j'ai eu l'honneur d'être primée Lauréate dudit Concours. A ce titre, un billet d'avion Dakar-Paris-Dakar et une formation Culturel ab en réalisation de film documentaire au Centre Albert Schweitzer m'ont été octroyés.

IL EST TEMPS DE SE F AIRE RESPECTER

Durant ma petite vie, je n'ai eu de cesse, tout en étant ouverte sur le monde dont je suis une citoyenne, de défendre ma fierté d'être noire et africaine. Il va sans dire que je crois résolument à l'a - venir radieux de ma chère Afrique. Je suis également d'avis qu'il est impératif que les préjugés qui ont prévalu au sujet des Africains et de l'Afrique, du fait du passé colonial et de la situation contemporaine difficile de ce continent, soient révolus. Il est temps que les Africains se respec - tent eux-mêmes et exigent d'être respectés par les autres. Cette vision d'une Afrique généreuse et ouverte, certes, mais fière et ferme dans l'exigence du respect qu'on lui doit et qu'on ne lui a que trop longtemps refusé est une conviction forte qui me porte et me transporte, littéralement.

Cependant, durant mes nom- breuses interactions avec, d'une part, certains membres du per - sonnel de l'Institut Français, et, d'autre part, des agents du Consulat de France, j'ai eu à faire face à des attitudes et propos condescendants, insidieux, sournois et vexatoires. Pas une fois, ni deux fois, mais bien plusieurs fois! Ces attitudes, j'ai vraiment essayé de les ignorer mais l'accueil exécrable dont le Consulat de France a fait montre à mon égard (et à celui de la majorité de Sénégalais demandeurs de visas) a été la goutte d'eau de trop, dans un vase, hélas, déjà plein à ras bord.

JE RENONCE AU BILLET D’AVION ET À LA FORMATION

En personne authentique qui ne sait pas tricher , une déci - sion difficile mais nécessaire s'est naturellement imposée à moi. Un voyage tous frais payés, fut-il le plus beau et le plus enchanteur au monde, ne mérite pas que mes compa - triotes et moi souffrions de tels agissements de la part du Consulat de France. Une for - mation aussi passionnante soit-elle, et Dieu sait que celleci m'intéresse vraiment, ne vaut pas la peine de subir ces attitudes qu'on r etrouve mal- heureusement à grande échel- le sous les cieux africains. Par souci de cohérence avec mon système de valeurs, j'ai, donc, pris la décision de renoncer, malgré l'obtention du visa. Renoncer pour le symbole.

Renoncer au nom de tous ces milliers de Sénégalais qui méritent le respect, un respect qu'on leur refuse au sein de ces repré- sentations de la France, en terre sénégalaise, qui plus est. Cette décision n'est pas une sanc- tion contre des individualités, mais contre un système générali- sé qui, malgré les dénégations de mes concitoyens, semble ne pas avoir l'intention de se remettre en cause.

POUR LE VISA, NON MERCI !

Par ailleurs, je trouve particulière- ment ironique que l'intitulé partiel de la formation à laquelle je ne prendrai pas part soit : «La France est-elle toujours la Patrie de Droits de l'homme. Jusqu'à quel point les Français sont-ils des citoyens d'Europe, du monde ?» Cela aurait, sans aucun doute, fait un intéressant sujet de documentaire vu d'une perspective africaine et j'espère, avoir l'occasion, par d'autres voies et moyens, de participer à une futu - re formation CulturelLab.

Je tiens à remercier , l'Institut Français tout de même, pour l'i - nitiative de ce concours, qui, à mon avis mériterait de continuer à exister , voire se tenir à fréquen - ce plus régulière et ce, pour sti- muler l'émulation intellectuelle entre jeunes Sénégalais et pour le plaisir des amoureux de la lan- gue française, dont je fais partie.

Madame la Préposée au Guichet du Consulat de France - je ne connais pas votre nom, mais je vous dis au sujet de ce visa dont je ne me servirai pas : Non, merci.

Fièrement, sincèrement et Africainement vôtre BoussoDraméConsultante InternationaleRécipiendaire de la Boursed'Excellence du GouvernementSénégalaisRécipiendaire de la Bourse d'Excellence Eiffel du Gouvernement Français pour lesétudiants étrangersDiplômée de Sciences Po Paris, Master en AffairesInternationales Diplômée de la London Schoolof Economics, MSc inInternational Political EconomyNominée “Global Shaper” par leForumEconomique Mondial